vingt-neuf autres ayant été envoyés dans la bande de Gaza. Ce transfert vers des pays européens pose, deux ans après, toujours le même type de problème.
Au regard du premier alinéa de l’article 49 de la IVe Convention de Genève
« les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif. » Cette précision est sans appel. Il est donc normal de s’interroger sur les raisons mises en avant par les pays européens accueillants, d’autant que chacun d’eux a ratifié la IVe Convention de Genève [1] . En effet, en acceptant la déportation de Palestiniens, les pays européens qui les accueillent commettent une infraction grave au sens de l’article 147 de la Convention de Genève et rien dans la Convention européenne des droits de l’Homme, pas plus que dans tout autre instrument, ne légitime ces déportations qui, de plus, n’ont en aucun cas été justifiées par décision de justice à l’issue d’un procès [2].
Cette situation où domine le déni du droit explique peut-être le fait qu’aujourd’hui ces treize Palestiniens se trouvent accueillis sur des territoires où une zone de non droit a été créée pour eux : interdits de travail, de liberté de mouvement et sous surveillance constante. Comme ils sont maintenus dans des endroits tenus secrets, les familles n’ont que très rarement des nouvelles. Ainsi, le père de Mohammed Said, déporté en Italie, déplore n’avoir pu, depuis deux ans, rendre visite à son fils. Il ne cesse de demander l’autorisation qui lui est toujours refusée. Il sait juste que son fils séjourne en Italie mais ne connaît pas même le lieu exact.
Leur détention s’apparente dès lors à une action illégale commise par des Etats qui sont aussi Hautes Parties contractantes à la IVe Convention de Genève. Il faudra bien qu’un jour les gouvernements de ces pays s’expliquent sur ce manquement grave au droit humanitaire international et donnent quelques informations sur la nature de l’accord passé entre eux et les parties à la négociation ayant permis cette déportation.
Cette étape franchie, il était facile pour la justice israélienne et pour l’armée qui décide seule des détentions administratives - pour « raisons de sécurité » - de transformer pour nombre de détenus la détention administrative en déportation. Ce fait n’est d’ailleurs pas nouveau, il a été pratiqué lors de la première Intifada. Un jugement rendu par la cour suprême de Jérusalem [3] a autorisé le « déplacement » de Kifah et Intissar Ajouri [4] , habitants du camp de réfugiés de Askar d’où leur frère Ali était parti vers la gare routière de Tel Aviv afin d’y commettre un attentat-suicide. Ce « déplacement » n’est ni plus ni moins qu’un transfert totalement interdit par la IVe Convention de Genève. Lea Tsemel, leur avocate, a démontré qu’il s’agissait bien d’un transfert et non d’un déplacement ; les commandements militaires israéliens ne sont pas les mêmes, l’histoire de l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie est différente, l’une ayant connu l’occupation égyptienne, l’autre un système jordanien. De plus ces territoires, n’ont aujourd’hui aucune continuité géographique.
Rien n’y a fait. Il s’agit d’effrayer et de punir les familles. Non seulement leur maison est détruite mais certains membres peuvent être transférés, alors que détruire la propriété privée [5], punir collectivement, transférer de force, en masse ou individuellement les civils [6] sont des actes formellement interdits par la IVe Convention de Genève.
Aujourd’hui, en plus des vingt-six Palestiniens expulsés vers la bande de Gaza à l’issue du siège de l’église de la Nativité, vingt-quatre prisonniers sous détention administrative y ont été transférés durant l’année 2003 ; en plus de ceux-ci, depuis le transfert des deux membres de la famille Ajouri, cinq personnes se trouvent dans cette situation [7].
Depuis le 10 mai, Hani Rajabi, déporté en 2003, a été autorisé à retourner à Khalil, village de Cisjordanie. Il était « libérable » le 14 avril, mais le commandement militaire de la bande de Gaza n’a eu de cesse de reporter l’échéance.
Il y a d’autres « déportés » mais leur nombre exact n’est pas connu. Ce sont des prisonniers sous détention administrative à qui les autorités militaires israéliennes ont « offert » la possibilité d’être « libres » mais à Gaza.
Paradoxe : certaines personnes sont transférées de Cisjordanie à Gaza, déclarées dangereux pour la sécurité de la Cisjordanie. Ne le seraient-ils alors, pour la sécurité de Gaza ? L’objectif, en fait, est de détruire la vie des Palestiniens et leurs structures sociales ; le mode du transfert en devenant alors l’une des formes.