Le gouvernement Netanyahou cherche à déplacer l’ensemble de la population pour annexer le territoire. Mais s’il est déjà parvenu à réaliser cette première phase de nettoyage ethnique massif, il se heurte à des obstacles et à des contradictions internes pour atteindre son but.
Une Nakba XXL
1948 : 800000 Palestiniens expulsés, 600 villages et quartiers détruits. Novembre-décembre 2023, bande de Gaza : 1,7 million déplacés, la plupart étant des réfugiés de 1948 déjà plusieurs fois déplacés. Des milliers de logements définitivement détruits, inhabitables, les infrastructures civiles totalement démolies, la terre ravagée, incultivable : tout est fait pour rendre le retour impossible. Redoutée, cette nouvelle Nakba prend des dimensions inimaginables. Si les moyens déployés aujourd’hui par l’État d’Israël et son armée sont autrement sophistiqués, les modes opératoires restent les mêmes : terreur, ordres d’évacuation de dernière minute et bombardements, massacres de civils, exécutions des combattants, destructions totales des bâtiments d’habitation et des infrastructures, exécutions des civils tentant de revenir… Seule différence : en 1948, les milices sionistes puis l’armée israélienne laissaient aux habitants une issue pour sortir des villages et fuir vers les pays limitrophes. En 2024, l’Égypte refusant d’ouvrir sa frontière à Rafah, les Palestiniens affamés sont piégés et voués à une mort certaine.
Un transfert décomplexé [1]
Dans la continuité de la stratégie sioniste conçue dès les années 1930, le transfert des « Arabes » vers des « pays amis » est remis à l’ordre du jour. Lors de l’occupation de la bande de Gaza en 1967, le gouvernement Eshkol avait procédé au transfert de populations vers la Jordanie, puis dans les années 1970 Sharon a ordonné des expulsions punitives [2]. Aujourd’hui, Netanyahou courtise des États africains (Égypte, Congo) pour qu’ils acceptent d’accueillir des Gazaouis « évacués », il encourage l’Égypte qui aménage « une zone de sécurité » dans le nord Sinaï. Déraciner, déporter en masse des individus considérés comme des « animaux humains » [3], tel est le sinistre « plan d’émigration volontaire ». Lors d’une conférence pour la « victoire » le 27 janvier à Jérusalem, colons et ministres d’extrême droite ont promu la « réinstallation de Gaza et le transfert des Palestiniens qui y vivent » [4]. Ces tractations et ces proclamations tapageuses révèlent sans fard le caractère fondamentalement raciste, colonialiste et criminel de leurs promoteurs.
Des actes génocidaires
Le chapitre III de la requête de l’Afrique du Sud déposée devant la Cour de Justice internationale énumère et documente « les faits » [5]. Évoquant les déplacements forcés de populations gazaouies, les rédacteurs soulignent que l’ampleur de la destruction des bâtiments d’habitation (60 %) rend tout retour des populations déplacées impossible, et qu’aucun endroit n’est sûr. Ils concluent « Les déplacements forcés à Gaza sont génocidaires, dans le sens où ils ont lieu dans des circonstances calculées pour provoquer la destruction physique des Palestiniens à Gaza ».
Les déplacements forcés et massifs de civils palestiniens, les tentatives de transfert et les actes génocidaires en cours dans la bande de Gaza sont réalisés au vu et au su de tous les États. Si l’impunité d’Israël perdure, la politique d’effacement du peuple palestinien se poursuivra, et s’étendra à la Cisjordanie. On constate déjà un accroissement notoire des exactions dans des camps de réfugiés de Jénine, de Tulkarem…
Quel devenir pour les Palestiniens réfugiés et déplacés ?
Réfugiés de 1948 et Gazaouis déplacés internes (IDP) subissent le même sort, partagent les mêmes abris de fortune au gré de leurs déplacements. Alors que l’UNRWA est légitime et compétente pour assurer une protection à tous, Israël manœuvre pour sa suppression, espérant ainsi faire disparaître la « question des réfugiés ». Des politiciens spéculent sur l’« après », mais il ne peut être question de revenir à une situation qui était complètement anormale et contraire aux droits des Palestiniens. Le droit au retour et à la restitution des biens des réfugiés, plus que jamais, devra être mis sur la table comme préalable, non négociable.
Groupe de travail AFPS sur les réfugiés