Patrick Braouezec
Député de Seine-Saint-Denis
à
Monsieur Bernard Kouchner,
Ministre des Affaires étrangères et européennes
Paris, le 28 juin 08
Monsieur le ministre,
La banque néerlandaise SNS, par l’intermédiaire du directeur général de SNS Asset Management, vient de prendre une décision extrêmement importante en ce qui concerne le tramway de Jérusalem, construit par des entreprises françaises, dont celle de Veolia/Connex. Le tracé de ce tramway passe sur des terres saisies illégalement aux Palestiniens et relie les colonies israéliennes de Cisjordanie, construites en violation flagrante des normes impératives du droit international, à des quartiers de Jérusalem Ouest. Cette première ligne de tramway est conçue pour desservir la colonie de Pisgat Zeev, au Nord, en passant par celles de Ramat Eshkol et Givat Shapira (French Hill). Elle devrait être prolongée jusqu’à la colonie de Neve Yaakov.
Au cours des deux dernières années, la banque SNS, classée dans le top cinq des banques néerlandaises, a reçu de nombreuses lettres, aussi bien d’organisations israéliennes, palestiniennes et néerlandaises que d’experts en droit international, lui demandant de se désinvestir de Veolia/Connex, en raison de son implication dans le projet du tramway.
Dans sa réponse, la banque SNS a admis que "l’occupation israélienne du territoire palestinien ne concorde pas avec le droit international ».
Pour être précis, je dois signaler que la banque ne considère pas cette construction comme une grave violation directe des droits de l’homme mais plutôt comme une « petite violation ». L’exclusion de cette entreprise semble donc disproportionnée, mais la banque a quand même précisé que si Veolia ne s’engageait à respecter les droits humains, elle pourrait décider de céder cette « ligne d’engagement ».
Ainsi que vous devez le savoir, une action en justice en France est introduite par l’Organisation de Libération de la Palestine et l’Association France Palestine Solidarité contre Veolia/Connex et Alstom. Ces entreprises viennent de recevoir l’ordre de soumettre leur contrat passé avec la municipalité de Jérusalem, ce qui démontre que le tribunal de Nanterre n’avalise pas les propos de Veolia lorsque cette entreprise déclare ne pas avoir signé de contrat.
Par ailleurs, une autre institution financière, la Banque suisse Sarasin, détenue par le Néerlandais Rabobank, a investi également dans Veolia, par le biais de trois fonds d’investissement que Sarasin dit être "viables". L’adjoint du vice-président de la Recherche sur la Viabilité affirme suivre de très près le procès de Nanterre.
C’est encourageant de savoir que Sarasin suit de près cette procédure et que la Banque SNS va entrer en contact avec Veolia pour lui signaler que ses activités en Israël sont illégales et qu’elle devrait cesser de les développer.
Deux banques, dans le cas du tramway de Jérusalem, tentent d’appliquer un code de bonne conduite même si elles ne vont pas jusqu’au bout. En effet, il ne s’agit pas de « petites violations des droits humains » mais bien d’une violation grave du droit à l’autodétermination reconnu par les deux Pactes internationaux de 1966, ainsi que d’une violation constituant un crime de guerre au regard de la IV ème Convention de Genève avec la destruction des biens et l’expulsion des terres appartenant aux Palestiniens pour construire des colonies illégales.
Il semble alors préoccupant que l’Etat français n’ait aucune position par rapport à cette question. En effet, faut il rappeler que les contrats obtenus par ces entreprises ont été signés, sous l’égide de l’ambassade de France à Tel Aviv, sans oublier le contexte particulier de l’occupation que subit le peuple palestinien depuis 1967. En cas d’occupation, lorsque des états veulent passer des accords économiques, scientifiques, culturels ou techniques, ils sont soumis au respect de leurs obligations internationales. C’est pourtant bien l’Etat français, comme tel, qui était aux côtés de ces entreprises.
Sans mener une analyse approfondie de la véritable nature juridique de cette obligation, il convient toutefois de signaler qu’en raison de la ratification par l’Etat français des Conventions de Genève et du nombre croissant d’Etats parties à leurs Protocoles additionnels, ainsi que de la transcendance des principes humanitaires et, de là, du caractère erga omnes de l’obligation de les respecter, tous les Etats ont le droit de veiller à ce que tout autre Etat respecte le droit humanitaire coutumier. Or, dans ce cas, l’Etat français n’a pas respecté ses obligations internationales. Je rappelle que c’est ce qu’avait redit avec force la CIJ dans l’avis rendu portant sur la construction
Au regard de tous ces éléments, il serait important que le gouvernement donne toutes les informations sur ce qu’il compte faire pour être en cohérence avec ses obligations internationales et réparer cette violation grave, qui nuit à l’image de la France et ne permet pas d’assurer au peuple palestinien son droit à l’autodétermination et à une paix juste et durable.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Monsieur le ministre, en ma considération.
Patrick Braouezec