Interrogé le 22 octobre sur l’affaire du tramway de Jérusalem et du procès intenté en France à deux entreprises françaises par l’Association France Palestine solidarité (et auquel s’est associé l’OLP), le porte-parole du Quai d’Orsay a déclaré : « La question que vous évoquez relève des autorités judiciaires. Je rappelle cependant, comme nous l’avons déjà fait à plusieurs reprises, que la participation française à la construction du tramway de Jérusalem est le fait d’entreprises privées qui n’agissent en aucun cas pour le compte de l’Etat. Comme vous le savez, nous avons fait part de nos préoccupations aux dirigeants des entreprises concernées au sujet d’un segment de ce projet qui se situe dans les Territoires palestiniens. Cette situation qui est de nature commerciale ne reflète en aucun cas une évolution de la position française sur Jérusalem. »
Non, nous ne savions pas que la France avait fait savoir son point de vue aux entreprises en question. Car, le contrat pour le tramway a été signé, le 17 juillet 2005, en présence de l’ambassadeur de France, M. Gérard Araud (devenu depuis secrétaire général du ministère français des affaires étrangères), et dans les bureaux du premier ministre Ariel Sharon. Le bulletin de l’ambassade de France saluait « la "cérémonie officielle" de signature ». Ce n’est donc pas une affaire d’entreprises privées, mais bien de la politique française.
Rappelons les "ingrédients" de cette affaire que je mentionnais dans Le Monde diplomatique, « "fatigue" au Quai d’Orsay, misère à Gaza, »( juin 2006). « Deux entreprises (Alstom et Connex) ont emporté l’appel d’offres pour ce projet. Seul détail gênant, son itinéraire passe par des territoires occupés : il relie Jérusalem-Ouest à deux colonies juives de Jérusalem-Est, Psgat Zeev et French Hill, que Paris estime, jusqu’à preuve du contraire, « illégales ». Interrogée par un député, Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, explique : "L’Etat français ne dispose d’aucun pouvoir d’injonction ou de contrainte lui permettant d’amener les entreprises françaises qui ont participé à un appel d’offres international à se retirer d’un marché... ". Pure langue de bois. D’une part, le gouvernement ne s’est jamais privé de « conseiller » à des entreprises de renoncer à des projets (il l’a fait encore récemment en interdisant à Total de conclure des accords avec la Syrie). »
ci-dessous l’article de Benamin Barthe :
Le Monde | 22.10.07 |
Jérusalem, correspondance
L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) hausse le ton contre les entreprises françaises Alstom et Veolia-Connex impliquées dans la construction du tramway de Jérusalem, dont la légalité est fortement contestée. Par le biais de la déléguée générale de Palestine en France, Hind Khoury, l’OLP a décidé de s’associer à la demande en annulation de ce chantier déposée au mois de février par l’Association France-Palestine Solidarité (AFPS) devant le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre.
Arguant du fait que le tramway est "hors la loi" parce qu’il relie au centre de la ville sainte trois colonies de Jérusalem-Est que le droit international considère comme illégales, l’AFPS appelle la justice à annuler le contrat signé par les deux sociétés françaises et à leur interdire de poursuivre les travaux désormais bien entamés.
"Ce tramway constituera (...) un facteur d’expansion de la colonisation de Jérusalem-Est par l’Etat d’Israël", affirme le communiqué de l’OLP dont Le Monde a obtenu une copie. Il dénonce un acte "contraire à la Convention de Genève du 12 août 1949 qui interdit (...) à un Etat occupant de transférer une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé".
Le Quai d’Orsay embarrassé
Cette intervention de l’OLP rompt avec la prudence manifestée jusque-là par les dirigeants palestiniens. Soucieux de ne pas froisser l’un de leurs plus fidèles soutiens, ceux-ci n’avaient soulevé le sujet avec les autorités françaises qu’en 2005, soit trois ans après l’attribution de l’appel d’offres publics. Depuis cette date, le Quai d’Orsay, embarrassé par cette affaire qui le place en porte-à-faux avec ses propres positions, fait le gros dos.
La version officielle parle d’une "logique commerciale" dans laquelle il est impossible d’intervenir et qui ne modifie en rien la traditionnelle condamnation par la France de la colonisation israélienne. Mais, en privé, les diplomates français semblent beaucoup moins sûrs de leur fait. Du côté des entreprises visées, une gêne similaire est perceptible.
Informé par Le Monde de la démarche de l’OLP, un porte-parole d’Alstom, qui assure la fourniture des rames, s’est contenté de déclarer que "le contrat a été signé avec une société de droit privée" et que "le tracé prévoit de desservir des quartiers palestiniens".
Pour sa part, le service de communication de Veolia-Connex, en charge de l’exploitation du tramway, n’a pas souhaité réagir. Les experts des deux sociétés se réservent peut-être pour un éventuel procès. Après plusieurs audiences de procédure, le TGI de Nanterre devrait statuer le 29octobre sur la recevabilité de la demande de l’AFPS.