Arrivée le 27 octobre à l’aéroport de Tel Aviv, je suis envahie par le stress ainsi que mon binôme Hanane. Néanmoins, avec notre faux programme en tête on était sûres de passer l’interrogatoire tranquillement sans trop paniquer. Avec de la chance, et malgré le port de mon voile, j’ai eu mon visa directement. J’ai donc pu, contrairement à Hanane, éviter l’interrogatoire. Le fait que je sois mineure (17ans) y a contribué pour beaucoup, je pense. Après quelques heures de questionnement pour Hanane, ils nous ont libérées, et c’est à ce moment que cette magnifique aventure a pu commencer.
Nous sommes arrivés par le “shirout” (taxi collectif) au « Jerusalem Hotel » où nous attendait le président de l’AFPS, ainsi que d’autres membres de l’association. Après avoir que nous ayons bu un thé, Salah Hamouri est venu nous chercher pour nous amener à Ramallah, et donc nous avons enfin pu entrer dans les territoires palestiniens. On a pu tout de suite sentir la tension qui émanait des soldats en passant le check point, ce fut mon premier aperçu de l’occupation, et loin d’être le dernier…
Je vais raconter les moments forts en émotion que j’ai vécus et qui m’ont marquée. Premièrement, la rencontre avec une famille ayant perdu un fils. Le témoignage de ses frères était très émouvant et illustré de photos. On ne pouvait retenir ses larmes. Il faut se dire que c’est une famille parmi tant d’autres ayant perdu un membre cher à leurs yeux, et ce sont malheureusement des milliers de familles palestiniennes qui vivent aujourd’hui dans le deuil. C’est à ce moment que je me suis rendue compte d’une autre facette de l’occupation, la mort que vivent au quotidien les Palestiniens, qui risquent leur vie à chaque manifestation afin de se battre pour leur liberté.
Le mardi 29 octobre, nous avons vécu un moment extraordinaire, la libération de 26 prisonniers palestiniens. Certains étaient enfermés depuis plus de 30 ans. Cet événement s’est déroulé à Ramallah près de notre hôtel, c’était l’occasion d’y aller. A notre arrivée, les médias du monde entier étaient installés pour filmer la libération. Chez les Palestiniens venus fêter l’événement, les chants se mêlaient aux danses traditionnelles. Sur la place régnait une ambiance très chaleureuse, on pouvait lire sur leur visage la joie et surtout l’espoir d’une Palestine libre. Les prisonniers étant une autre facette de l’occupation israélienne, la libération de 26 d’entre eux était un événement unique et magique. L’arrivée des prisonniers sur la scène était forte en émotion, mon cœur battait d’excitation, les Palestiniens qui m’entouraient criaient leur joie, un moment inoubliable. Les retrouvailles avec leurs familles étaient remplies d’émotion.
Le lendemain fut consacré à la visite d’Hébron, ou plutôt Al Khalil, et c’est celle qui m’a le plus marquée. C’est la seule ville palestinienne où se trouve une colonie en plein centre. Le guide nous a raconté leur quotidien, les obstacles qu’ils surmontent tous les jours alors qu’ils veulent tout simplement vivre en paix. Il nous a ensuite amenés dans une maison qui est leur symbole de la résistance. Sur le chemin de la maison nous avons croisé une (“une femme“ ou “un“ ???) colon qui a chaleureusement lancé à Thomas, coordinateur du groupe : « Tu traînes avec les Arabes, connard ». Tous choqués nous décidâmes de ne rien dire et de continuer notre chemin… C’est à ce moment que j’ai vraiment réalisé que les Palestiniens forment le peuple le plus fort psychiquement que je connaisse pour pouvoir vivre ça au quotidien sans possibilité de protester. Sur un mur on pouvait lire en hébreu « mort aux arabes ». On constate que la haine des colons envers les Palestiniens est très présente à Hébron. Ensuite, dans la maison, le guide nous a montré une vidéo qui m’a vraiment bouleversée, une compilation d’images prises par des ONG, montrant l’humiliation quotidienne des Palestiniens de la Vieille ville. Puis nous avons dû passer par la colonie pour nous rendre à la mosquée. Au check point, un colon passe avec ses enfants et ordonne au soldat de ne pas nous laisser entrer, puisque nous étions beaucoup de filles portant le voile. Après avoir montré nos passeports français nous avons finalement pu passer. Le passage dans cette colonie fut difficile émotionnellement pour moi, je l’ai traversée avec une boule au ventre. J’avançais regardant autour de moi les colons assez spéciaux se baladant toujours armés et les panneaux de propagande appelant à la guerre sainte. Si les jeunes des colonies grandissent entourés de ces images, comment imaginer une paix ? Comment les Palestiniens pourront-ils vivre un jour sereinement si ce peuple ne cesse de s’approprier leur terres et d’appeler à la haine ? Des tas de questions s’enchaînaient dans ma tête, accompagnées de cette ambiance pesante qui habite Hébron.
Je vais finir mon compte-rendu avec le jour de la manifestation à Nabi Saleh, le vendredi après joumou’a (la prière du vendredi). Après les consignes de sécurité de Tali, anarchiste israélienne, nous étions tous prêts, internationaux, reporters et villageois à manifester contre l’occupation et les colonies. Nous avancions vers les soldats en chantant, en frappant des mains, ceux-ci ont alors commencé à jeter des grenades lacrymogènes dans notre direction, nous avons alors couru mais le gaz puissant m’avait atteinte et je ne vous cache pas que j’étais en train de cracher mes poumons. Les soldats commençaient à nous encercler, donc nous avons rejoint une maison pour nous mettre à l’abri. Pendant ce temps-là un magnifique spectacle se déroulait devant nos yeux, pour mieux l’apercevoir nous sommes allés sur le balcon. Les jeunes Palestiniens jetaient des pierres en direction des soldats et leur renvoyaient leur propres gaz lacrymogènes. Ceux-ci n’avaient plus d’autre choix que de reculer petit à petit, d’abord aux portes du village, puis sur la route en contrebas. Des cris de joie s’échappaient de la maison ainsi que du village : l’armée israélienne qui recule face aux pierres palestiniennes, quel beau symbole de lutte ! Nous étions tous en admiration devant le courage de ces jeunes Palestiniens, tandis qu’eux, une fois la manifestation terminée, se sont dirigés vers le terrain de football pour le match de championnat hebdomadaire.
Voici les moments qui m’ont le plus marquée, mais évidemment je ne peux pas tout raconter, il y aurait tellement de choses à dire, il me faudrait un livre entier, mais pour ce témoignage j’ai choisi ces événements, cela me semble pas mal et ça reflète différentes facettes de l’occupation, chacune occupant une place importantes dans le problème israélo-palestinien. Bien sûr il y a également les camps de réfugiés qui restent un des principaux aspects du conflit, la question des Bédouins et de la Vallée du Jourdain, mais il faudrait beaucoup plus qu’un simple témoignage pour en parler.
C’est une des expériences les plus enrichissantes, et particulièrement touchante, que j’ai vécue. Je n’étais pas émotive avant ce voyage, pleurant très rarement, mais après cette expérience et devant tant d’injustices que vivent les Palestiniens je n’ai pu m’empêcher de lâcher des larmes, à plusieurs reprises. Je me sentais terriblement gênée par la suite, je me disais « Comment je peux pleurer alors que je ne vis même pas ce qu’ils vivent au quotidien ? ».
C’est difficile de partir et de laisser dernière nous les amis, les rencontres et enfin ce magnifique peuple chaleureux qui lutte pour pouvoir récupérer un jour ses terres, et tout simplement être libre. Ce n’est qu’un au revoir, en attendant mon prochain voyage.
FREE PALESTINE
Romane