« Pendant les derniers six mois j’ai beaucoup pensé à mon ami Tareq Matar, qui a été arrêté en novembre 2019 par les forces d’occupation israéliennes et qui a subi de graves tortures. Quand il est rentré pour la première fois dans le tribunal militaire israélien, il était poussé dans une chaise roulante. J’ai été choqué ... « Tareq dans une chaise roulante !? »
Tareq est une des personnes les plus robustes que je connaisse, à la fois mentalement et physiquement. Comment a-t-il pu finir dans une chaise roulante ? Que puis-je faire pour lui assurer la liberté ? »
Amitié
« Tareq et moi, nous nous sommes rencontrés en Palestine, alors que je faisais partie d’une délégation de solidarité d’étudiants hollandais et américains. Tareq nous a accueillis à bras ouverts et avec un large sourire. Il nous a fait nous sentir comme chez nous et nous a posé des questions sur les luttes dans nos pays d’origine.
Dans le même temps, il nous a expliqué l’histoire et la situation contemporaine du mouvement palestinien de libération. Il voulait relier ces luttes et unifier nos efforts pour affronter le colonialisme et le sionisme au niveau international.
Même si nous étions déjà actifs chez nous dans le mouvement de solidarité avec la Palestine, Tareq a augmenté notre compréhension de la lutte des Palestiniens et a insisté sur le fait que la meilleure forme de solidarité est de lutter contre les forces colonialistes et oppressives dans nos pays d’origine. »
Pourquoi il était visé
« Tareq aime parler de politique et encore plus, il aime faire de la politique. Et c’est là où nous revenons à son emprisonnement. L’occupant israélien vise toujours les Palestiniens qui résistent à la colonisation et à l’occupation israéliennes. En tant que représentant de la jeunesse et responsable d’association, Tareq représente une soi-disante « menace sécuritaire ». N’est-ce pas le monde à l’envers ?
C’est une puissance colonisatrice qui emprisonne, torture et tue chaque année des milliers de Palestiniens, une puissance qui vole les terres palestiniennes, démolit les maisons et refuse aux réfugiés leur Droit au Retour. À l’évidence, ce sont la colonisation et l’occupation israéliennes qui représentent une menace sécuritaire ! Et cette menace sécuritaire est plus grande pour ces personnes, comme Tareq Matar, qui résistent à la colonisation et à l’occupation.
Après son arrestation en novembre 2019, Tareq a été amené au centre d’interrogation de la Moskobiyeh où il est resté environ 30 jours. Pendant son interrogatoire, il a été torturé selon la méthode du Shin Bet de la « position de la banane » - ou de la « courbure en arrière » - dont l’utilisation contre les prisonniers palestiniens est soi-disant illégale depuis 1999. En conséquence, il a souffert de douleurs intenses au dos et aux articulations, rendues pires par les passages à tabac brutaux entre les mains de six officiers de sécurité. Depuis son arrestation et jusqu’à aujourd’hui, il lui est interdit de voir les membres de sa famille ou ses avocats. »
Les étudiants prisonniers et le COVID-19
« Tareq n’est pas le seul étudiant palestinien emprisonné par l’occupant. Actuellement, plus de quatre-vingts étudiants de l’Université de Birzeit sont maintenus derrière les barreaux, parmi lesquels Mays Abu Ghosh. La plupart d’entre eux sont victimes de torture. Comme l’a remarqué en décembre 2019 l’association Addameer, les tortures israéliennes contre les prisonniers palestiniens « comprenaient, mais ne s’y limitaient pas, des passages à tabac sévères, la privation de sommeil, la détention au secret, des positions douloureuses, le déni des besoins hygiéniques fondamentaux, le harcèlement sexuel, des menaces et des tortures psychologiques intensives comprenant l’utilisation de membres de la famille et/ou d’autres détenus. »
L’actuelle pandémie de COVID-19 constitue une nouvelle menace pour les prisonniers palestiniens, particulièrement puisqu’ils manquent des équipements de protection personnelle nécessaires. La Campagne pour le Droit à l’éducation a déclaré que « à un moment où le monde entier souffre à la suite de l’apparition de la pandémie et où les gouvernements publient des réglementations pour protéger leur population, les forces d’occupation israéliennes continuent leurs crimes contre les prisonniers palestiniens, et contre nos étudiants en particulier ».
On doit mentionner que des prisonniers palestiniens ont été contaminés au coronavirus par un interrogateur. En plus de cela, les forces d’occupation israéliennes ont empêché les prisonniers palestiniens d’acheter à la « cantine », le magasin de la prison, 140 articles différents au moins parmi lesquels des fournitures de nettoyage et d’hygiène, et interdit les visites familiales et juridiques aux prisonniers. Elles ont continué à faire courir un risque grave aux prisonniers en continuant les interrogatoires et en maintenant des conditions de détention dans la saleté, la surpopulation des prisons et la poursuite des transferts. »
« Revenons à Tareq, détenu dans une de ces prisons sales et surpeuplées de l’occupant israélien. Quand il a été arrêté en novembre de l’année dernière, il se préparait à poursuivre sa carrière universitaire à l’Université de Genève en Suisse dans un programme en vue du doctorat. Il est détenu sous le coup d’une détention administrative, sans inculpation ni jugement, sur la base de preuves secrètes.
C’est la cinquième fois que Tareq est emprisonné par les forces d’occupation israéliennes. La première fois, c’était en 2017, il est resté pendant un an et demi sous le coup d’une détention administrative, ses étudiants lui envoyaient des lettres. Tareq a toujours vu dans leurs yeux l’espoir d’un avenir meilleur et d’une belle vie pour les gens dans le monde. Tareq avait une relation privilégiée avec ses étudiants, pleine de dialogue et d’amour.
Je tiens à appeler tous ceux qui lisent ces lignes à exiger la libération immédiate de Tareq Matar et de tous les prisonniers palestiniens. Les Palestiniens ont le droit de résister. Et plus Israël fera usage de l’emprisonnement de masse, de la détention administrative et de la torture, plus la résistance se mettra sur sa route. »
« Je souhaite terminer avec les mots d’un jeune hollando-palestinien qui a participé à notre délégation de solidarité :
On rencontre souvent des gens qui défendent quelque chose. Ce quelque chose, ça peut être n’importe quoi mais c’est toujours fortement présent dans la présence de cette personne qui défend cette cause. Quand j’ai rencontré Tareq, j’ai su immédiatement que ce n’était pas un type ordinaire qui a une opinion, sans plus. Il dégage des qualités de meneur et implique les gens dans la chose qu’il défend. Ce quelque chose, c’est la justice et l’égalité. Il sait ce qu’il veut faire et il luttera pour cela jusqu’à son dernier souffle. Personnellement, je ne le connais pas bien. Nous avons parlé brièvement dans la maison où il nous a emmenés. Mais une chose est sûre : le jour où j’ai rencontré Tareq, j’ai compris quelque chose. L’aptitude à diriger ne s’apprend pas. L’aptitude à diriger s’épanouit se développe à l’intérieur. Tareq le prouve. »
Traduction Yves Jardin du GT Prisonniers de l’AFPS