Dans un communiqué daté du 27 novembre 2024, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a prétendu qu’il existerait des immunités applicables à Benjamin Netanyahou, laissant entendre qu’il ne serait pas arrêté s’il venait en France.
La Cour pénale internationale (CPI) a précisément été créée pour lutter contre l’impunité des chefs d’États et l’article 27 du Statut de Rome est très clair : la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale. Les immunités en vertu du droit interne d’un État ou du droit international n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence. C’est ainsi que Vladimir Poutine a été poursuivi par la Cour.
Ce ne sont pas les crimes commis que semble contester la France mais l’obligation des États parties au Statut de Rome d’arrêter Netanyahou sur leur territoire. Peut-être est-ce en vertu de l’article 98 qui précise que la Cour ne peut exiger une coopération qui contraindrait un État à violer des obligations internationales relatives aux immunités. Or cette question a été tranchée récemment par la Cour au sujet de la non arrestation de Vladimir Poutine par la Mongolie en septembre 2024. Le juriste Johan Soufi le précise : « La Cour a récemment jugé que l’immunité personnelle des représentants officiels, y compris les chefs d’État tiers, n’est pas opposable dans les procédures [de la Cour] »
Il aura fallu six jours après l’émission des mandats d’arrêt contre Netanyahou et Gallant par la CPI pour que la France fasse connaître sa position. Six jours pendant lesquels la diplomatie française a répété à l’envie que la France appliquait toujours le droit international. Six jours pendant lesquels Macron, Barrot et autres amis inconditionnels d’Israël se sont demandé comment tordre le droit et justifier sa non-application.
Non seulement ce communiqué n’a aucune base juridique - ce que ses auteurs savent pertinemment - mais politiquement il est catastrophique. La France ouvre le bal pour tous ceux qui voudraient lui emboîter le pas : ne pas fâcher « l’ami Bibi » et garantir à Israël une impunité perpétuelle.
Il est vrai que cela semble être une règle immuable, une sorte de droit d’usage depuis des décennies : Israël peut violer le droit international, le droit international humanitaire et piétiner les droits humains, jamais il n’a eu à rendre des comptes. Pourquoi changer de cap alors qu’un génocide est en cours contre le peuple palestinien ?
Alors que la France se déshonorait, Joseph Borrell, lui, rappelait la base : « les États de l’Union européenne doivent se conformer au mandat d’arrêt de la CPI contre Netanyahou. Si l’Europe ne soutient pas la CPI, il n’y aura aucun espoir de justice. » Il a ajouté : « Vous ne pouvez pas choisir comme vous voulez ! Vous ne pouvez pas soutenir le tribunal quand il se prononce contre Poutine et rester silencieux quand il se prononce contre Netanyahou. »
Il s’agit bien de cela : le droit s’applique-t-il à tous ou bien seulement à nos ennemis ? Et quand des soupçons de crimes de guerres et de crimes contre l’humanité pèsent sur nos amis faut-il tout faire pour les absoudre ?
Alexis Deswaef, vice-président de la Fédération internationale des droits humains (FIDH), et avocat mandaté à la CPI, a déclaré : « Ce sont des décisions émises par des juges au regard des preuves matérielles des crimes internationaux. Annoncer que l’on entend continuer à travailler en étroite collaboration avec un individu frappé d’un mandat d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité est une ignominie ».
Par ailleurs il apparaît, comme le relatent les journaux Haaretz et l’Orient le Jour, que la France s’est déshonorée pour briller par une mention de son nom dans l’accord de cessez-le-feu au Liban.
La France d’Emmanuel Macron a raté toutes les occasions de prendre des initiatives permettant d’imposer le droit à Israël. Elle continue de se discréditer : non seulement elle ne remplit pas son obligation de tout faire pour empêcher le génocide en cours à Gaza, mais elle tente par tout moyen (y compris par des moyens qui lui font perdre le peu de crédibilité qui lui restait sur la scène internationale) de perpétuer l’impunité d’Israël !
Nos dirigeants nous font honte, ils font honte à la France !
L’Association France Palestine Solidarité se mobilise depuis toujours pour mettre fin à l’impunité d’Israël et faire valoir le droit ! Nous étions hier devant le Parlement européen pour l’exiger, aux côtés de député·es qui sont l’honneur de la France et qui ne lâchent rien sur l’application du droit. C’est ce que nous aurions attendu du gouvernement français, et non une telle forfaiture.
Le Bureau national de l’AFPS
Le 28 novembre 2024
Photo : Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du Numérique, séminaire French Tech 2030. Mardi 26 septembre 2023. École Polytechnique.