Ramallah, vendredi 12 novembre 2004
Vers 13h nous rejoignons la foule qui se masse autour de la Muqata. Les jeunes sont sur les murs, sur les ruines, dans les arbres, sur les terrasses des maisons aux alentours, certains depuis des heures déjà. Même si c’est le calme qui prédomine je suis un peu inquiète en pensant à tout ce qui pourrait arriver ...
Je revis en pensée les évènements que j’ai connus ici, dans ce lieu qui abritait les services administratifs, la prison, le tribunal ... les longues heures d’attente pour les démarches administratives auprès de l’administration israélienne pendant l’occupation, les permis de circuler refusés... quand je venais avec des voisines tenter d’avoir des informations sur leurs fils arrêtés, quand nous faisions le tour des tentes de prisonniers pour tenter d’en apercevoir un ... le jugement d’un ami dans ce tribunal ... et puis la visite "victorieuse" de ces lieux de souffrance libérés de l’occupation fin 1995, l’installation de l’autorité, de "notre autorité" qui avait banalisé cet endroit, redevenu symbolique quand il fut à nouveau entouré par les blindés israéliens en 2001... alors là commençèrent les manifestations avec les missions civiles devant les chars, et puis ce fut la destruction et l’enfermement du président Arafat...
Un cri qui monte de la foule me sort de mes souvenirs ...on entend le bruit d’un avion. Non, ce n’est que le drône israélien qui tourne au-dessus de Ramallah depuis deux jours. Finalement, on distingue les hélicoptères dans le ciel au loin. Ils ne viennent pas tout de suite au-dessus de nous. "Il regarde la Palestine une dernière fois, de là-haut il voit Jérusalem ..." pense-t-on.
Quand les hélicoptères égyptiens approchent une clameur s’élève pour accueillir celui qui revient dans sa terre dévastée. Il revient librement se reposer là où l’occupant l’a humilié mais ne l’a pas vaincu.
Il choisit de revenir dans des ruines où son peuple lui a préparé une halte provisoire, à l’image de sa vie, en attendant la réalisation de son rêve, du rêve de son peuple : un état palestinien avec Jérusalem-est comme capitale.
Il revient librement, après avoir été honoré en France et en Egypte par les dirigeants du monde entier, acclamé par son peuple qui l’attend pour un au-revoir, oscillant entre fierté et émotion, tristesse et détermination.
Ils sont tous là, de partout, petits et grands, rien ne les distingue, ni la religion, ni les partis politiques, ni les classes sociales. Unis pour lui dire qu’il peut se reposer en paix, son rêve est entre leurs mains.