PLP : Comment avez-vous vécu
la guerre de 1967, dite « guerre
des Six Jours » ?
- Jacques Couland : Historien arabisant,
j’avais attiré l’attention dès février 1964 sur
l’éventualité d’une guerre dans le mensuel
Démocratie nouvelle. Devenu membre
de la section de politique extérieure du
PCF en 1962 (après six ans consacrés à
animer les luttes du PC contre la guerre
d’Algérie dans le Vème arrondissement
de Paris), j’avais suivi l’évolution des
choses et l’un de mes rapports plus détaillés
avait été transmis au bureau politique du
PCF en avril 1965. Les déclarations officielles
dans la période préparatoire au
déclenchement de l’agression du 5 juin
1967 étaient conformes à mes attentes :
« règlement de l’ensemble des questions
en litige (...) qui tienne compte à la fois
du droit à l’existence du peuple et de l’Etat
d’Israël et du droit à l’indépendance nationale
de tous les peuples arabes, y compris
des Arabes de Palestine » (Waldeck
Rochet, Secrétaire général, 4 juin 1967).
Je pouvais me consacrer à achever la
rédaction de ma thèse. Dès l’après-midi
du 5 juin je rédigeais pour l’Humanité le
premier d’une série de trois articles sur les
principaux repères historiques, puis des
contributions pour un numéro spécial de
La Nouvelle Critique et du Nouveau Clarté
et pour les Cahiers du communisme. Les
déclarations du Bureau politique des 5 et
10 juin, qui condamnent l’agression,
demandent le retrait des troupes israéliennes,
un règlement juste et durable
sous l’égide de l’Onu « fondé sur la reconnaissance
des droits légitimes des peuples
arabes, notamment du peuple arabe de
Palestine et du droit à l’existence de l’Etat
d’Israël ».
PLP : Qu’a-t-elle changé dans votre
approche du conflit au Proche-Orient et
dans celle du PCF ?
- J. C. : En tant que militant, s’imposait
l’exigence de suivi pour fournir des informations
fiables et contrôlées ; il fallait
aussi répondre aux invitations à des conférences
et débats en France avec un souci
pluraliste (opposition comprise), le plus souvent
en appui avec le Mouvement de la
Paix, puis le Groupe de Recherche et
d’Action pour le Règlement du Problème
Palestinien (GRAPP), des comités d’initiative
d’intellectuels, ou plus larges, lesquels
préludent à la fondation de l’Association
France-Palestine sous présidence
collective plurielle. Pour ne rien dire de nombreuses
conférences internationales et
de multiples rencontres. Professionnellement,
une part importante des enseignements,
de la recherche, des directions
de maîtrises et de thèses, était
consacrée, parmi d’autres, à ce thème.
Le PCF, dans le prolongement de ses
positions de départ, adaptées aux évolutions
des contextes (« septembre noir »
de Jordanie, guerre du Liban et agression
israélienne sur ce pays de 1982...)
a renforcé sa solidarité avec la cause
palestinienne, en contact particulier avec
le Fatah de Yasser Arafat et les représentants
de l’OLP en France, tout en réaffirmant
le droit à l’existence d’Israël. Dès
le dix-neuvième congrès (1970), représentants
israéliens et palestiniens figurent
parmi les délégués étrangers. Il a
condamné le rôle des Etats-Unis dans
l’encouragement à l’occupation, à l’expansion
et à la partition (« mur »), à la colonisation,
à l’oppression, ainsi que la protection
des dirigeants d’Israël contre toute
condamnation pour ces faits et pour la
non application des résolutions de l’Onu
et l’entrave apportée aux accords d’ouverture
parfois envisagés ou envisageables
(Oslo, Quartette, Plan de paix du sommet
arabe, ...). Il a stigmatisé l’inaction de la
France et de l’Europe, en contradiction y
compris avec les mesures et solutions
envisagées parfois par elles.
PLP : Quel lien faites-vous entre ces
évènements et l’impasse actuelle au
Proche-Orient ?
- J. C. : La gravité des événements que
connaît la région, après quarante ans
d’occupation, attire plus encore l’attention
sur l’écrasante responsabilité d’Israël
et des Etats-Unis. Plus encore qu’auparavant,
il faut trouver les voies pour mettre
fin à l’inertie complice des institutions internationales,
en appeler à l’action et à la
responsabilité pour faire triompher le droit
et la justice, contribuer ainsi à la paix
régionale et mondiale. Les déclarations du
Parti communiste et celles de ses dirigeants
appellent à agir d’urgence, dans
le cadre de ses activités propres ou en tant
que partie prenante d’autres organisations
dont le « Collectif national pour une
paix juste entre Israéliens et Palestiniens »,
au-delà de la levée des sanctions qui frappent
le peuple palestinien et des mesures
propres au rétablissement de la paix civile,
pour la convocation d’une conférence
internationale sous l’égide des Nations
unies. La France et l’Europe se doivent
d’être interpellées dans ce sens par une
constante et large pression de l’opinion de
notre pays.