[1] voir aussi le texte de Mahmoud El-Yousseph écrit le 22 septembre 2008
En souvenir des massacres de Sabra et Chatila
Sabra et Chatila sont deux camps de réfugiés palestiniens à Beyrouth au Liban où plus de 2000 Palestiniens furent massacrés pendant 3 jours, en septembre 1982, par des centaines de miliciens de Haddad et des Phalanges libanaises avec l’aide et le soutien des Forces de Défense israéliennes.
Pendant l’invasion israélienne du Liban et le siège de Beyrouth en 1982, l’envoyé des Etats-Unis, Phillip Habib, réussit à obtenir un accord écrit que les combattants palestiniens quitteraient le Liban contre une garantie des Etats-Unis que la sécurité des réfugiés palestiniens qu’ils laissaient derrière eux dans les camps serait assurée.
Après le départ des combattants palestiniens du Liban, l’armée israélienne boucla hermétiquement les camps de Sabra et Chatila et établit un poste de commande à l’ambassade du Koweit, un bâtiment de 7 étages qui surplombait les deux camps.
Au poste de commande se trouvaient les principaux architectes de cette atrocité : le ministre israélien de la Défense, Ariel Sharon, et le chef des services de renseignement des Forces libanaises, Elie Hobeika, de même que des responsables militaires israéliens de haut rang.
Au petit matin, le 16 septembre, l’armée israélienne permit aux miliciens avides de sang de pénétrer dans les camps, avec des armes, des bulldozers, et du matériel de communication. On leur avait aussi donné du hachich et de l’héroïne pour les aider à garder “courage.” Pendant 48 heures, les miliciens prirent part à une orgie de meurtres et de viols. Les femmes et les enfants ne furent pas épargnés. L’armée israélienne éclairait le ciel au-dessus des camps en tirant des fusées éclairantes pendant la nuit. Elle empêcha aussi les habitants de s’échapper.
Un groupe de réfugiés qui avaient réussi à atteindre le checkpoint israélien se vit ordonner de retourner dans le camp, alors même qu’ils avaient informé les soldats que les gens se faisaient massacrer à l’intérieur. Une équipe de journalistes scandinaves fut témoin de cette rencontre.
Ellen Siegel était une infirmière de Baltimore, aux Etats-Unis, qui travaillait comme volontaire à l’hôpital Gaza dans le camp de Sabra. Elle fut cernée, avec 20 autres étrangers, membres du personnel médical. Entendant sur les communications radio que les bouchers qui se trouvaient à l’intérieur du camp s’apprêtaient à les exécuter tous, un officier annula l’ordre et courut jusqu’au camp à la rescousse de Miss Siegel et d’une autre infirmière, hollandaise. Les autres furent alignés contre le mur et exécutés.
Miss Siegel est l’une des 3 Américains qui témoignèrent devant la Commission Kahane, dans l’enquête officielle menée par les Israéliens sur le massacre.
Aucun adjectif ne peut décrire cette atrocité haineuse. Ce crime dépasse toute compréhension humaine et morale. Mais une journaliste et chercheur américaine, Janet Stevens, se trouvait parmi les premières personnes qui sont entrées dans les camps après ce crime hideux. Elle écrivit le témoignage suivant à son ami américain Franklin Lamb :
"J’ai vu des femmes, mortes dans leurs maisons, les jupes relevées jusqu’à la taille, les jambes écartées ; des dizaines de jeunes hommes, abattus d’une balle après avoir été alignés contre le mur d’une ruelle ; des enfants la gorge tranchée ; une femme enceinte éventrée, les yeux encore grand ouverts, un hurlement d’horreur silencieux sur son visage noirci ; d’innombrables bébés et bambins, poignardés ou éventrés, jetés sur des tas d’ordures."
Alors que les nouvelles et les images du massacre étaient diffusées dans le monde entier, des ondes de choc, de la colère et du ressentiment se répandaient partout.
Je me rappelle avoir eu exactement le même sentiment pendant les attaques terroristes du 11 septembre. Il y a en fait de nombreuses similarités. Le nombre de victimes, presque le même, et dans les deux cas les victimes étaient des civils innocents alors que les auteurs des crimes étaient des criminels brutaux sans le moindre respect de la vie humaine.
En Israël, 400,000 manifestants prirent part à un rassemblement de la paix à Tel Aviv, exigeant qu’Ariel Sharon démissionne et qu’il soit jugé pour crimes de guerre.
Un commentateur israélien dénonça la complicité de Sharon dans le massacre, disant "…on ne peut pas jeter un serpent dans un berceau et jouer la surprise quand le bébé est mordu."
Pendant ce temps, il apparut que la Commission Kahane en Israël était un tribunal fantoche dont l’issue était quasiment déterminée à l’avance et le procès entaché de compromis. Plusieurs officiers de haut rang furent jugés coupables de négligence, reçurent une tape sur la main et furent ensuite promus.
Sharon fut contraint à la démission en tant que ministre de la Défense et se vit interdire à vie tout poste de responsabilité publique. Malgré tout cela, les Israéliens l’élurent premier ministre en 2001. En 2005, le Président Bush dit de ce criminel de guerre reconnu qu’il était un “homme de paix”. « Le boucher de Beyrouth » aurait été une dénomination plus approprié pour Ariel Sharon.
Mais ce qui arriva aux victimes et aux responsables du massacre 25 ans plus tard est ahurissant.
Le 18 juin 2001, plusieurs victimes et des parents poursuivirent Ariel Sharon pour crimes de guerre devant un tribunal belge. Mais, sous pression des gouvernements américain et israélien, la Belgique jugea l’affaire non recevable.
Selon Franklin Lamb, la Belgique lâcha l’affaire après que Donald Rumsfeld, alors Secrétaire de la Défense des Etats-Unis, eut dit aux Belges : "C’est votre fichu procès Sharon ou le quartier général de l’OTAN, vous choisissez !"
Quant aux miliciens qui prirent part à la tuerie, ils furent tous amnistiés par le gouvernement libanais.
Elie Hobeika fut tué dans un attentat à la bombe à Beyrouth 20 ans après le massacre. Il fut assassiné quelques jours après menacé lors d’une interview de produire de nouvelles preuves accablantes contre Ariel Sharon au tribunal belge.
Deux des principaux lieutenants d’Hobeika furent assassinés lors d’incidents séparés.
En 2005, Ariel Sharon eut une attaque massive qui mit fin à sa carrière politique. Plus tard, le gouvernement israélien déclara que Sharon était officiellement "en état d’incapacité permanente " et ce jusqu’à aujourd’hui.
Pour finir, vous vous rappelez les 3 Américains qui témoignèrent devant la Commission Kahane ?
Janet Stevens fut tuée pendant le bombardement de l’ambassade américaine à Beyrouth en 1983. Elle était enceinte de son premier enfant, un garçon. Mme Stevens était allée à l’ambassade pour demander de l’aide supplémentaire pour les Libanais du sud et les Palestiniens de Beyrouth affectés par l’invasion israélienne et le massacre. Franklin Lamb, le meilleur ami de Mme Stevens, est un chercheur et écrivain de renom, qui écrit souvent sur le Moyen-Orient. Leur travail à tous deux et leurs sacrifices sont le visage noble de l’Amérique.
Ellen Siegel continue à écrire des lettres, à passer des coups de téléphone, à écrire des articles d’opinion, afin d’obtenir justice pour les victimes des massacres de Sabra et Chatila et de promouvoir une paix authentique entre Palestiniens et Israéliens. J’ai eu le privilège de la rencontrer en 1985 dans un hall d’hôtel de Washington, D.C. Elle est retournée plusieurs fois au Liban. Elle y est pour le 26ème anniversaire du massacre, en solidarité avec les Palestiniens. Afin d’honorer les victimes et leurs proches et de leur rendre hommage, elle déposera des roses sur la terre de la fosse commune où reposent les victimes et elle entend réciter en silence le Kaddish, la prière en hébreu pour les morts.[Elle se trouve à Beyrouth en ce 28ème anniversaire de la barbarie et participe encore activement à diverses actions de solidarité avec les Palestiniens. VoirADC , 28 ans après, on n’oublie pas sabra et Chatila NdT]
Mahmoud El-Yousseph est un vétéran de l’armée des Etats-Unis.
http://www.thepeoplesvoice.org/cgi-...
traduction : C.Léostic, Afps