Paris, le 13 octobre 2011
M. Stéphane Richard
PD-G de France Télécom-Orange
6, place Alleray
75015 Paris
Monsieur le Président Directeur -Général,
J’ai appris que France Télécom a récemment signé un nouvel accord de partenariat avec l’entreprise israélienne Partner Communications :
· Partner pourra continuer à utiliser la marque Orange en échange d’une redevance ;
· Partner pourra utiliser les conseils de FT pour améliorer son réseau de téléphonie ;
· Par l’intermédiaire de FT, Partner pourra se joindre au consortium FT-Deutsche Telekom récemment mis en place pour l’achat de matériels. Partner pourra ainsi bénéficier ainsi d’économies d’échelle
importantes.
Cet accord fait de FT un partenaire stratégique de Partner Communications.
Or Partner – tout comme les autres opérateurs israéliens en téléphonie – a des infrastructures, des antennes érigées dans les territoires palestiniens occupés (TPO). Une étude de l’organisation israélienne Yesh Din révèle que ces matériels, qui sont installés dans les colonies israéliennes, sont fréquemment implantés sur des
terres privées palestiniennes confisquées à cet effet par l’occupant.
Grâce à cela elles fournissent des services aux colons et aux militaires israéliens.
De plus ces sociétés opèrent aussi sur le marché palestinien.
L’occupation militaire leur assure un avantage compétitif certain sur les opérateurs palestiniens. Ces derniers ne sont pas autorisés à installer des antennes dans près de 60% de la Cisjordanie, dont Jérusalem-Est, entièrement sous contrôle israélien. En outre
l’attribution de fréquences à un opérateur palestinien est plus que limitée.
En conséquence, un rapport de la Banque Mondiale publié en janvier 2008 indique que 20% à 45% du marché de téléphonie mobile palestinienne était, à l’époque, entre les mains des entreprises israéliennes.
Même en utilisant des fournisseurs palestiniens, les clients palestiniens doivent compter sur les entreprises israéliennes en raison des restrictions sur la construction des infrastructures de télécommunication. Les opérateurs palestiniens doivent passer par des opérateurs israéliens pour tout appel international ainsi que
pour ceux reliant la Cisjordanie et Gaza et même pour des appels entre différentes régions de Cisjordanie. Et bien sûr les entreprises israéliennes perçoivent un pourcentage sur tous les revenus d’interconnexion des appels entre des opérateurs palestiniens et israéliens.
En violation des Accords d’Oslo ces entreprises israéliennes, dont Partner, ne paient pas d’impôts à l’Autorité palestinienne (AP) pour leur activité commerciale sur le marché palestinien. Le rapport de la Banque mondiale, déjà cité, estime que la perte de recettes fiscales annuelles de l’Autorité palestinienne s’élève de ce fait à 60 millions de dollars. L’Autorité palestinienne a pris la décision de bannir les opérateurs israéliens des villes palestiniennes.
Partner, tout autant que les autres opérateurs, bénéficie de l’occupation. Il disposait en août 2009 de 165 antennes et installations de communication en Cisjordanie et dans les hauteurs du Golan occupés militairement et en 2011 ce nombre est passé à 176. Partner dispose de boutiques dans plusieurs colonies de Cisjordanie, notamment à Ariel, Beithar Illit, Modi’in Illit et Mishor Adoumim.
Partner viole ainsi le droit international et les Conventions de Genève qui condamnent « la destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ».
L’accord de partenariat entre FT et Partner est donc inacceptable
Le soutien apporté par FT à Partner rend votre entreprise complice de toutes les violations du droit commises par Partner dès lors qu’il y a participation à la commission de ces infractions graves notamment à
la quatrième Convention de Genève (article 121-7 du Code Pénal). Il doit donc être dénoncé.
Ainsi qu’il a été relevé, il résulte, en effet de l’article 46 du règlement de La Haye de 1907, que lors d’une occupation, la propriété privée doit être « respectée » et « ne peut pas être confisquée » et de l’article 147-de la 4e Convention de Genève que constituent une infraction grave à cette Convention « la destruction et
l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire."
La Cour Pénale Internationale, définit comme « crimes de guerre », les violations de ces dispositions lorsqu’elles visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève.
Dans la Charte déontologique de votre groupe il est indiqué :
« Nos valeurs et principes d’action et de comportement s’inscrivent dans le cadre de principes fondamentaux tels ceux de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme … ».
Comment concilier cette affirmation avec ce partenariat conclu avec une société qui profite de la colonisation et d’une occupation militaire illégales et illégitimes ?
A l’heure où le peuple palestinien demande enfin pouvoir disposer de son État dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-est comme capitale, conformément au droit international, vous ne pouvez ignorer que la colonisation israélienne est l’obstacle majeur à la création de cet Etat.
Un récent sondage effectué par l’IFOP à la demande de l’ONG Avaaz confirme que 82% des Français soutiennent la création d’un Etat palestinien. Et 69% sont pour sa reconnaissance et son admission à l’ONU alors que seulement 9% sont contre.
Je souhaite pouvoir examiner avec vous les modalités possibles pour que soit mis fin à ce partenariat, dans l’intérêt du droit, dans l’intérêt de la paix.
Veuillez recevoir, Monsieur le Président Directeur- Général, l’expression de mes salutations distinguées.
Jean-Claude Lefort