... peut bien être le meilleur moyen que nous ayons pour contrebalancer ou au moins contenir les dégâts causés à la cause palestinienne depuis la fin (visible) du premier soulèvement palestinien (Intifada) en 1993.
Dans un entretien qui date maintenant (le 15 février 1995), le fondateur du Front Populaire de Libération de la Palestine -dont il était alors le Secrétaire général- le Dr George Habash soulignait avec précision les faiblesses de la Déclaration de Principes de 1993 (connue sous le nom d’Accords d’ Oslo), et en conséquence les causes sous jacentes de l’échec de l’OLP à obtenir des gains politiques stratégiques à long terme par l’abandon du mouvement de la résistance palestinienne contre l’occupation et en entrant dans un dialogue politique avec Israël.
En réponse à une question du site Internet “Free Arab Voice”(Voix arabe libre) concernant l’opposition totale du FPLP aux Accords d’ Oslo à l’époque, le Dr. Habash a déclaré :
« ...les [Accords] d’ Oslo ont été signés dans les pires conditions - qu’il se soit agi des Arabes, des Palestiniens ou de la communauté internationale- pour le peuple palestinien. Ils étaient donc articulés sur un équilibre des forces favorable à Israël. Ils se trompent, ceux qui pensent que le résultats de négociations est déterminé par la capacité à négocier et le talent des négociateurs seuls sans tenir compte de l’équilibre des forces ! Les bons négociateurs sont ceux qui savent obtenir les meilleures conditions qu’ils pouvaient obtenir dans le cadre de l’équilibre des forces alors en cours.
Dans ce sens, la performance médiocre de l’équipe de négociateurs palestiniens a affaibli certaines des cartes les plus importantes des Palestiniens. Par exemple :
Accepter de circonscrire l’ Intifada, souscrivant ainsi dès le début à des conditions israéliennes.
Renoncer au cadre légal international représenté par les résolutions des Nations unies [242, 338, et 194, entre autres], y compris celles qui reconnaissaient les droits des Palestiniens ; notre droit à l’autodétermination, à établir un état indépendant avec Jérusalem comme capitale ; notre droit au retour ; sans parler du droit naturel et inaliénable de résister et de ne pas reconnaître la légitimité de l’installation sioniste.
Ainsi, ce cadre légal international de référence fut délaissé par un autre, amené par un médiateur américain bien connu pour son parti pris absolu pour Israël. Alors le point de référence des négociations s’est infléchi jusqu’à devenir ce sur quoi les partenaires à la négociation arrivaient à s’accorder, nous ramenant une fois de plus jusqu’au rapport de force, c’est à dire la loi de la jungle.
Et comme si ce n’était pas suffisamment néfaste, l’équipe palestinienne à Oslo est descendue encore plus bas quand elle a accepté d’entrer dans des négociations secrètes hors de l’observation du peuple ou des institutions palestiniens. D’où la neutralisation de l’influence de la rue palestinienne, et avec elle de l’action et de la pression qu’elle aurait pu produire pour contrebalancer les pressions des Etats-Unis et d’Israël.
En outre, isoler la question palestinienne de son enracinement et de son milieu arabes naturels a rendu beaucoup plus facile pour les sionistes d’imposer les solutions et conditions qui allaient le plus dans leur intérêt. En conséquence la direction de l’OLP a alors perdu :
le soutien arabe, surtout celui de la Syrie et du Liban
Le soutien que représentait l’unité palestinienne interne.
La direction alors s’est complue dans un labyrinthe d’accords secrets avec l’ennemi, se noyant de plus en plus dans des conditions et des concessions toujours pires qui sont clairement opposées aux droits des Palestiniens ».
George Habash, qui a 80 ans et a pris sa retraite, est toujours connu sous son nom de guerre : Al-Hakeem (« le sage », en arabe) par ceux qui le soutiennent fidèlement.
Rien qu’en regardant le résultat de près de 10 ans de négociations avec Israël, grâce aux “mauvais offices” des Etats-Unis, qui peut résister à la tentation de reconnaître la validité et la justesse de la prophétie de Al-Hakeem aujourd’hui ?
Après tout, sur le terrain, les malheureux accords d’Oslo ont accouché de
l’expansion significative par Israël des colonies réservées aux Juifs en Cisjordanie (y compris et surtout dans Jérusalem -est)
- l’intensification par Israël de l’annexion illégale à « Israël même » des territoires palestiniens occupés pendant la guerre de 67, notamment par la construction du Mur d’apartheid (qui, une fois fini, aura volé 46 % de la terre palestinienne de Cisjordanie)
la fragmentation par Israël des territoires palestiniens en, en gros, 4 réserves isolées peuplées de Palestiniens (la Bande de Gaza, les parties nord, centre et sud de la Cisjordanie)
l’isolement économique, politique, social et culturel par Israël de la Jérusalem -est arabe du reste des territoires palestiniens en encerclant la ville par des points de contrôle militaires, des blocs de colonies et le Mur d’apartheid. Plus la mise en place d’une politique de « dé-arabisation » systématique de la ville par la confiscation du statut de résident (cartes d’identité), la confiscation de la terre, l’accord de l’état à la démolition des maisons des Palestiniens et l’obstruction ou les entraves à la construction des institutions palestiniennes (y compris la fermeture de la Maison d’Orient, quartier général de l’OLP à Jérusalem -est, dans laquelle, ironie, on trouve les fondations mêmes des négociations israélo-palestiniennes).
Politiquement, de manière flagrante, le déséquilibre de l’accord d’Oslo en faveur d’Israël, et la pensée défaitiste qu’il a imposée à l’OLP, ont été responsables de la voie ouverte à une négation complète du droit au retour des réfugiés dans ce qui est maintenant Israël, abandonnant ainsi ce qui était le cœur du combat national palestinien.
Pourquoi alors, nous faut-il accepter la réalité d’Oslo et la destruction supplémentaire de nos aspirations nationales légitimes, sous le prétexte fallacieux de la solution de deux états ? Combien de « sages » faudra-t-il encore avant que nous comprenions que la base de l’actuelle composition politique des relations entre les Israéliens, les Américains et les Palestiniens n’est que l’extension d’une idéologie néocolonialiste, dont l’objectif ultime est la légitimation de l’existence artificielle d’Israël au Moyen -orient au dépens des Palestiniens qui s’y trouvaient originellement ?
On peut très certainement trouver une partie de la réponse au cœur de la logique de notre négociateur palestinien commun et / ou (pour encore) homme d’état.
En gros, une analogie de cet ordre insisterait sur le fait qu’Israël est non seulement l’un des états les plus puissants au monde, militairement et économiquement, mais que, plus important encore, il a la chance insigne d’avoir pour allié les Etats -unis (ou est ce que c’est le contraire ?). Il est donc plus réalisable d’accepter des négociations dans le cadre des Accords d’Oslo avant qu’il soit trop tard, avant qu’Israël ait étendu ses limites territoriales au point qu’il n’y a plus rien à négocier.
Pour dire les choses de la façon la plus modérée et polie possible, soyez assuré, M. le Responsable, que avec ou sans Oslo, Israël a étendu ses limites territoriales bien au delà de la Ligne verte, laissant à votre Autorité palestinienne le contrôle administratif de quelques bantoustans, sans la moindre promesse de réelle souveraineté, même celle de déterminer votre propre liberté de mouvement entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza.
Finalement, à partir de là, la méthodologie des Accords d’Oslo, et ce qui s’est ensuivi des « accords isolés avec l’ennemi » a limité les négociateurs (l’OLP, Israël, Les Etats unis et même les Européens) au PROCESSUS de paix comme une fin en soi, plutôt que comme un moyen d’arriver à une solution juste et durable du conflit israélo-palestinien.
Ensuite, au travers du cadre des Accords d’Oslo, la cause palestinienne a été réduite à des bribes de sujets vaguement liés qui étaient divisibles au delà des problèmes du statut final (Jérusalem, les réfugiés, les frontières, les colonies, et les droits à l’eau), piégeant ainsi les négociateurs palestiniens dans une bataille de points techniques sans fin (les points de passage, les relations économiques, la coordination sécuritaire, entre autres problèmes), qui ont en conséquence brouillé leur vision de la situation générale et détourné leurs efforts pour atteindre l’objectif ultime de la négociation avec Israël, c’est à dire la fin de l’occupation sur la base de la résolution 242 et de l’équation « la terre contre la paix ».
Troisièmement, et sans doute plus tragiquement, la réticence des Etats unis à honorer leur rôle d’honnête courtier entre l’OLP et Israël a transformé les Accords d’Oslo en une plate forme à partir de laquelle Israël pouvait, sans opposition, maximiser son intérêt national.
Cela a permis aux gouvernements consécutifs (à la fois travaillistes et Likoud) depuis 1993 de soutenir et étendre l’occupation par Israël des Territoires palestiniens, de poursuivre les violations systématiques des droits humains des Palestiniens, et d’imposer de façon unilatérale de nouvelles réalité sur le terrain qui ont préempté le résultat des négociations elles-mêmes , sans être tenus pour responsables de la violation flagrante de l’esprit et la lettre du « processus de paix ».
Finalement les Etats -unis ont échoué à remplir leur rôle de « faiseur de paix » et sont devenus un outil de gestion de crise et de diplomatie de fortune, au lieu d’être une force dynamique par laquelle on pouvait s’attaquer aux causes du conflit israélo-palestinien et y remédier.
Même si les Territoire Palestiniens occupés manquent des ressources nécessaires à un état vraiment indépendant, la société palestinienne n’a jamais manqué de produire des sages, hommes et femmes. Il est ainsi important de mentionner ici les déclarations d’une dirigeante palestinienne, une intellectuelle, militante des droits humains, Hanan Ashrawi.
Dans son article « Image et réalité : le rôle des Etats unis au Moyen -Orient », publié le 28 décembre 2001, plus d’un an après le début de la deuxième Intifada, le Dr. Ashrawi écrivait :
"La responsabilité la plus aveuglante réside avant tout dans le total assujettissement de la décision américaine aux priorités et politiques du gouvernement israélien -un gouvernement qui se trouve être le plus extrémiste, idéologique, dur, militaire et irresponsable depuis la création de l’état d’Israël.
Que ce soit le résultat de leur naïveté, d’un parti pris inhérent (stratégique), ou de l’évitement déterminé de toute confrontation avec les plus grands groupes de pression juifs ou pro israéliens et les financiers de leurs campagnes, les deux branches -l’exécutif et le législatif- aux Etats unis semblent déterminées à poursuivre une course hasardeuse qui risque non seulement de créer le chaos dans la région mais aussi d’enterrer tout espoir de sauver l’image, l’ influence et les intérêts des Etats unis dans l’ensemble de la région.
Au lieu de louer les services de charlatans suspects et de faiseurs d’images hollywoodiens, il incombe à l’administration américaine de réexaminer ses paroles et aussi ses actes (tout comme son silence et son inaction), quand il s’agit des Palestiniens, des Israéliens et du monde arabe".
Etant donné l’échec total des Accords d’Oslo et à la lumière des nouvelles dynamiques qui gouvernent la scène régionale actuelle et la scène politique globale, ce dont nous avons désespérément besoin c’est un cadre de négociations totalement restructuré , basé à la fois sur la volonté de la communauté internationale (et d’Israël) et sur la nécessité d’accepter les dites « exigences sécuritaires » d’Israël, c’est à dire une acceptation populaire palestinienne (et arabe) de l’existence d’Israël sur 78% de la Palestine historique.
La composition de ce cadre est double :
Une approche holistique de la conduite des négociations qui aborde le conflit israélo-palestinien dans le contexte d’un objectif final : la fin de tous les aspects de l’occupation de tous les territoires palestiniens capturés pendant la guerre de 67, ce qui inclut le démantèlement de toutes les colonies juives et de toute l’infrastructure militaire israélienne en Cisjordanie ( y compris à Jérusalem -est, le territoire minimal limité après 48 pour la capitale prévue pour la Palestine). De plus, un processus de négociation efficace et authentique doit garantir la reconnaissance inconditionnelle et l’application par Israël de la résolution 194, et donc du droit au retour de 5 millions de réfugiés palestiniens dans leurs foyers d’origine.
Une redistribution de cartes radicale et qualitative concernant l’implication d’une tierce partie, avec l’OLP qui serait soutenue politiquement par le monde arabe élargi et les Etats unie qui assumeraient plus aisément (et publiquement) leur rôle naturel de protecteur d’Israël, ouvrant ainsi la voie à ce qui pourrait être un rôle crédible et impartial de médiateurs pour la Russie, l’Union européenne et les Nations unies.
Toute alternative à ces pré-requis pour un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien ne pourra mener qu’à la continuation et l’intensification de la situation d’hostilité actuelle, ce qui provoquera inévitablement une confrontation plus large (régionale) au prix élevé de millions de vies humaines innocentes.
Le prix à payer si l’on n’arrive pas à briser le charme d’Oslo, qui n’a rien de magique, c’est le malheur.