Photo : Des policiers israéliens dans la ville de Sdérot le 8 octobre 2023 - Crédit : Oren Ziv (Active Stills collective)
En quelques jours, les Israéliens ont subi ce que les Palestiniens ont vécu quotidiennement pendant des décennies et continuent de vivre : les incursions militaires, la mort, la cruauté, les enfants tués, les corps empilés sur la route, le siège, la peur, l’angoisse à propos de leurs proches, la captivité, le fait d’être des cibles pour la vengeance, les tirs meurtriers indiscriminés aussi bien sur ceux qui sont impliqués dans les combats (soldats) que sur ceux qui ne sont pas impliqués (civils), une position d’infériorité, la destruction des bâtiments, les fêtes ou les célébrations ruinées, la faiblesse et l’impuissance face à des hommes armés tout-puissants et l’humiliation brûlante.
Il faut donc le répéter une fois de plus – nous vous l’avons déjà dit. L’oppression et l’injustice continues explosent à des moments et dans des lieux inattendus. L’effusion de sang ne connaît pas de frontières.
Le monde s’est soudain retrouvé sens dessus dessous et le cauchemar quotidien des Palestiniens a fait voler en éclats la façade de normalité qui a caractérisé la vie israélienne depuis des décennies. Le Hamas l’a écrasée par l’opération surprise qu’il a lancée, qui a démontré son ingéniosité militaire et sa capacité à élaborer des plans, à les garder secrets et à employer des tactiques de diversion.
Ses agents ont fait preuve de créativité en utilisant diverses méthodes pour franchir les murs de la plus grande prison du monde, dans laquelle Israël a entassé deux millions d’êtres humains. Ses hommes armés se sont lancés dans cette campagne en acceptant de sacrifier leur vie, sachant pertinemment qu’ils avaient de bonnes chances d’être tués. Certains d’entre eux ont assassiné des centaines de civils israéliens dans ce qui ressemblait à des orgies de vengeance, que leurs commandants n’ont pas eu la sagesse, ou n’ont pas jugé important, d’empêcher, ne serait-ce que pour des raisons tactiques.
Trois jours plus tard, l’énormité de ces actes collectifs de rage palestinienne n’est pas encore dévoilée, tandis que l’attaque aérienne intensive d’Israël sur Gaza a déjà entraîné la mort de plus de 560 personnes, pour la plupart des civils, plus de 120 000 déplacés et des milliers de blessés.
Comme pour chaque guerre d’Israël contre la bande de Gaza dans laquelle le Hamas a eu un intérêt, surtout compte tenu du meurtre de civils, il faut se demander : cette organisation a-t-elle un plan d’action réaliste et un objectif politique réaliste, ou voulait-elle surtout réhabiliter sa propre position aux yeux des habitants de Gaza ? Son opération militaire s’est-elle accompagnée cette fois d’un plan logistique visant à assister et à secourir les civils gazaouis attaqués ? Ou est-ce que cela retombera encore une fois sur les agences d’aide internationale ?
Les réactions joyeuses des Palestiniens face à la réussite du Hamas en cours ne devraient surprendre personne. Après tout, l’ennemi tout-puissant a été révélé dans toute sa nudité – une armée non préparée, occupée à protéger des colons qui prient dans la ville de Hawara en Cisjordanie et des Juifs qui s’emparent des sources palestiniennes. Des soldats et des policiers désorientés qui se sont habitués à penser que combattre signifie tirer les enfants de leur sommeil à la pointe de la baïonnette, ou envahir un camp de réfugiés à bord d’une jeep blindée. Des inventeurs de logiciels espions et des agents du Shin Bet encadrant des collaborateurs, qui étaient si satisfaits de leurs réalisations qu’ils ont négligé le facteur humain – c’est-à-dire l’aspiration à la liberté partagée par chaque être humain.
« La moitié des habitants de Sderot sont à Gaza, et la moitié des habitants de Gaza sont à Sderot », ont plaisanté les habitants de Gaza pendant le Shabbat après que le nombre d’Israéliens faits prisonniers soit connu.
Ce sont là les plaisanteries de détenus condamnés à perpétuité, de personnes qui ne connaissent les paysages de Jiyya, Burayr, Hamama, Najd, Dimra, Simsim et d’autres villages détruits autour de l’actuelle bande de Gaza, où sont maintenant localisés les kibboutzim et les villes israéliennes attaqués, que par les histoires racontées par leurs grands-parents réfugiés. Mais qu’arrive-t-il après cette joie et ce sentiment d’accomplissement ?
La conclusion automatique d’Israël, comme lors des autres occasions où sa normalité a été un peu bouleversée, est que si la mort et la destruction n’ont pas atteint leur objectif jusqu’à présent, davantage de meurtres aériens de Palestiniens, davantage de destruction et de vengeance sont la réponse. C’est la conclusion du gouvernement et de l’armée, mais aussi de nombreux Israéliens. Et c’est aussi apparemment la conclusion à laquelle sont parvenus les gouvernements occidentaux, qui se sont empressés d’exprimer leur soutien à Israël tout en ignorant la violence et la cruauté structurelles d’Israël, ainsi que le contexte de dépossession continue du peuple palestinien de ses terres.
Traduit par : AFPS