Monsieur le Ministre d’Etat,
J’ai bien reçu votre lettre, en date du 8 août 2001, concernant l’arraisonnement, opéré le 19 juillet par l’armée israélienne, du bateau battant pavillon français, le « Dignité – Al-Karama ».
Je vous en remercie.
Votre courrier appelle cependant trois remarques non négligeables. Je souhaite vous en faire part car elles tiennent à des points de principe.
1. Tout d’abord vous affirmez que la France est « pour la levée du blocus de Gaza » qui est totalement illégal et absolument inhumain. Dont acte. Mais dans le même mouvement vous considérez comme étant « irresponsable » l’attitude consistant à agir effectivement pour sa levée, telle que celle adoptée par les passagers de ce bateau à bord duquel je me trouvais avec 15 autres personnes !
Je vous remercie infiniment de « juger » de la sorte cette initiative courageuse qui aboutit à cette position, sans doute très « responsable » exprimée dans votre courrier : « si le bateau venait à tenter de forcer le blocus et que les autorités israéliennes venaient à le stopper, nous attendions d’elles qu’elles agissent avec responsabilité et mesure.. ».
J’en conclus légitiment et sans mauvaise polémique que l’idée même de condamner ceux qui sont coupables de ce blocus illégal et qui agissent par tous les moyens contre sa levée, l’idée même de les condamner purement et simplement n’entre pas dans vos vues. Pour ma part je ne qualifierai pas cette position…
Et non seulement, mais ce bateau a été arraisonné dans les eaux internationales, au droit du port égyptien d’El Arich, et absolument pas dans la zone de blocus maritime décidée par les dirigeants israéliens, zone maritime qui est au demeurant et formellement partie intégrante des eaux territoriales palestiniennes et en aucun cas des eaux israéliennes. Et vous ne trouvez pas à condamner un acte de piraterie caractérisé perpétré par Israël contre un bateau battant pavillon français ? Dans quelle autre partie du monde pareille attitude des autorités françaises a-t-elle son équivalent ? Nulle part ailleurs, bien évidemment. Il s’agit d’un point de principe.
2. En second lieu vous écrivez que la Consule générale de France à Tel-Aviv est venue promptement rencontrer les personnes enlevées et kidnappées par Israël dans la soirée du 19. C’est tout à fait exact.
Mais vous « oubliez » encore un point de principe : elle est venue pour nous recommander plus que vivement de signer un papier permettant notre expulsion rapide ! Et effectivement nous avons tous été expulsés le lendemain ! Mais à quel prix Monsieur le Ministre d’Etat ?
Selon ce papier cette expulsion a été opérée au titre que nous serions entrés « illégalement en Israël ». Rien n’est plus faux puisqu’on nous a obligés, par la force et à bord d’un navire militaire israélien qui plus est, d’aller à Ashdod où nous ne souhaitions aller en aucun cas !
Mais cette « disposition » israélienne concernant les « entrées illégales » et les expulsions qui en résultent peut en coûter à chacune et chacun d’entre nous une interdiction d’entrée en Israël pendant 10 ans ! Dix ans d’interdiction d’entrée sur ce territoire…. Pourriez-vous me dire les actions engagées par notre diplomatie, sur place et ici, concernant cette « peine » incroyable et totalement injuste qui nous est infligée ou qui, pour le moins, nous menace ?
3. Enfin, et ce n’est pas un détail non plus, notre bateau, le « Dignité – Al Karama », a été conduit par la force armée à Ashdod et il est toujours bloqué dans ce port israélien. Nous n’avons aucune nouvelle. Quand donc le récupérons-nous ? Car il est à nous, il nous appartient en propre et il est dans ce port de manière illégale au terme d’un acte de piraterie perpétré contre lui – acte considéré comme étant un « crime » dans notre Code de procédure pénale (Article 421-1 et suivants).
Voilà trois points, Monsieur le Ministre d’Etat, que je souhaitais vous exposer suite à votre courrier dont je vous remercie une fois encore.
Dans l’attente de votre réponse,
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre d’Etat, à mes salutations les plus distinguées.
Jean-Claude Lefort
Président de l’AFPS
Député honoraire