Le Ministre du Tourisme a ordonné d’ouvrir, au "Passage de Rachel", un couloir spécial de couleur vive destiné aux seuls touristes, qui n’empruntent plus le couloir gris déjà existant. (Kol Israel 8.11.07). Le spectacle de centaines de Palestiniens astreints quotidiennement à faire la queue pendant des heures, et à subir des contrôles humiliants, n’ajoute rien de bon à l’image touristique d’Israël.
C’est le début de l’après-midi, et pourtant quelques 200 personnes attendent sur deux files au Passage de Rachel (check point de Bethléem). Sur les douze postes de contrôle à l’intérieur, seuls trois sont en activité. Nous demandons l’ouverture des autres. On nous répond que les ordinateurs sont bloqués, et que cela empêche d’ouvrir les autres postes.
De plus en plus de gens s’entassent à l’extérieur. On fait régulièrement entrer environ vingt personnes à la fois. Une masse de gens poussent en avant, et sont repoussés en arrière, se bousculant dans leurs efforts pour rentrer chez eux après leur dure journée de travail.
Les deux files en bon ordre ne sont plus qu’un souvenir, et le personnel de l’entreprise de sécurité ferme l’un des battants de la porte d’accès, et appelle la police. Les policiers repoussent les gens, et manquent de se faire piétiner. Il est impossible aux personnes qui ont passé les contrôles pour aller à Jérusalem de ressortir du check point. C’est le blocage total. La police a appelé le centre informatique pour l’avertir que "des mesures seront prises dans un quart d’heure" si rien n’est fait. Ils menacent les Palestiniens : "Personne n’entrera si ça continue à pousser. Bousculez vous à l’extérieur. A l’intérieur, c’est interdit : cet endroit est sous la responsabilité du commandant de la zone"...
La police laisse les employés de la sécurité ouvrir l’accès, et 150 personnes entrent. C’est une cohue indescriptible. Il y a des gens qui tombent, qui perdent leurs papiers... On referme. Il y a moins de bousculade, et les 150 personnes entrées restent à l’intérieur. Les policiers sont nerveux, et vocifèrent. Ils ordonnent aux soldats d’effectuer les contrôles "le plus vite possible". Ils essaient en vain de calmer la situation.
Finalement, au bout d’une heure, les ordinateurs remarchent, et le couloir d’accès est vide. Il y a maintenant 50 personnes à l’intérieur, que les soldats font mettre en rang. La police ordonne d’ouvrir quatre postes de contrôle jusqu’à 18h. Que se passera-t-il quand bientôt ce sera l’hiver, et que les gens devront attendre à l’extérieur, dans le froid et sous la pluie. (Bethléem, 18.10)
Le Ministre de la Défense a déclaré que 24 check points (CP) seraient démantelés en Cisjordanie, et que d’autres démantèlements étaient à l’étude. Les militaires ont donné à l’OCHA (Bureau de l’ONU pour la Coordination des Affaires Humanitaires) une liste de 33 barrages routiers démantelés. Nous nous sommes rendues sur place le 22 novembre pour voir ce qui en était. Voici ce que nous avons constaté : 9 des barrages soi-disant démantelés sont toujours en place ; 10 des barrages de la liste n’ont jamais existé ; 8 ont été démantelés il y a deux mois ; il y en a 2 sur la liste que nous n’avons pas pu vérifier ; 4 ont bien été démantelés récemment et 3 nouveaux ont été mis en place : une levée de terre près de l’école d’Huwwara, le CP 408 (Shavei Shomron) au nord de Naplouse, et la sortie principale de Sébaste.
“Apprenez la leçon"
Voici quelques uns des ordres aboyés par un soldat à l’adresse d’un malheureux étudiant, qui se trouvait malencontreusement là au début de la file une fois l’ordre rétabli. Il a dû mettre en application la façon adéquate de se comporter lors du passage du CP : "Maintenant approche toi. Qu’est-ce que tu as dans les poches ? Vide les ! Allez ! Fais pas l’innocent avec moi. Montre tes mains. Tes pieds. Tourne toi. Bon. Recule. Passe (dans le manomètre). Ils comprennent parfaitement l’hébreu". Tout cela, le soldat le dit en aboyant des ordres brefs, laconiques. Sortant par le tourniquet, l’étudiant, totalement humilié, s’adresse à nous : "Que sommes-nous ? Des animaux ?" (Huwwara, 29.10)
Les Mille et une nuits
A 19h30, A. est arrivé au CP d’Huwwara, avec sa femme, enceinte, et son bébé. Il a présenté au soldat son permis l’autorisant à passer avec sa voiture. On ne le laisse pas passer en voiture, parce qu’il est arrivé trop tard, et que l’accès pour les véhicules est fermé depuis une demi-heure. Il explique au soldat qu’il est arrivé en retard parce qu’il a perdu beaucoup de temps au CP de Zaatara. Quatre autres voitures sont arrivées, et leurs passagers non plus ne sont pas autorisés à passer. Deux des chauffeurs cherchent à discuter avec les soldats, pour se voir repousser jusqu’à un parking proche, et frapper à coups de crosse. Ils demandent de l’aide par téléphone au DCO, et le commandant du CP rétorque : "Cela ne sert à rien. Vous ne passerez pas". "En ce qui me concerne, ils peuvent mourir" ajoute le soldat, quand nous lui montrons qu’il y a une femme enceinte et son bébé dans la voiture.
Nous passons des dizaines de coups de fil au Centre Militaire Humanitaire, où on nous promet qu’on va s’occuper du problème. Les soldats, de leur côté, persistent à dire que personne n’est en train d’attendre au CP.
Au DCO on nous répond : "On ne peut pas envoyer un officier, parce que notre service au CP a pris fin vers 17-18h. Tout ce qu’on peut faire, c’est de demander à la brigade de les laisser passer. C’est tout. D’ailleurs, d’ici peu tout le monde sera passé, et, de toutes manières, il n’y a personne au CP. Oui, on connaît A. C’est un fauteur de troubles". (Autrement dit, il arrive avec une demi-heure de retard parce qu’il a perdu du temps à un autre CP). Nous pensions que A. réussirait peut-être à convaincre le DCO, mais non. "Vous étiez en retard et vous devrez donc attendre jusqu’à 2h du matin", ce qui fut effectivement le cas. A nous le DCO dit : "Il faut leur donner une leçon, sinon ils recommenceront tout le temps, et on a assez de travail comme ça."
Tous nos appels aux commandants et à leurs assistants restent sans réponse. Il est tard. Ils sont chez eux, et dorment. A minuit 25, nous réussissons à joindre D.B. chez elle et à la convaincre que les soldats mentent lorsqu’ils disent qu’il n’y a personne au CP : elle promet d’intervenir.
A 1h10, la femme d’A décide de rentrer chez elle à pied avec son bébé, espérant qu’un membre de la famille la prendra en voiture de l’autre côté du CP. A. n’ose pas abandonner sa voiture sur le parking : il a peur que des colons y mettent le feu, ou qu’elle soit volée. Les autres conducteurs font comme lui.
A 1h20, nous avons de nouveau le DCO au téléphone. Le soldat de service, dont la base se trouve à trois minutes du CP, répète ce que lui ont dit les soldats du CP, à savoir qu’il n’y a personne au CP. Ca fait six heures et demi que nous protestons, nous avons passé des dizaines de coups de fil, et personne n’a eu l’idée d’envoyer quelqu’un vérifier.
Enfin à 1h40, l’ordre arrive de laisser partir les gens, non sans le petit jeu de harcèlement habituel : on contrôle méticuleusement les voitures, on ordonne au conducteur du camion de décrocher sa cabine, on regarde sous tous les sièges, et on les laisse partir en leur jetant "allez vous faire foutre". (Huwwara, nuit du 4 au 5 octobre).
A 20h44, M. appelle. Il est malade et est en attente d’une greffe de foie. Il a dit aux soldats qu’il devait aller de toute urgence à l’hôpital de Naplouse pour une injection. Il a un permis humanitaire pour entrer à Naplouse avec son taxi. Etant donné que le CP le plus proche de son village, Beit Iba, ferme à 20h, il a dû aller jusqu’au CP, plus éloigné, d’Huwwara. Là le soldat lui a dit qu’il ne pouvait pas entrer à Naplouse parce qu’il était arrivé après l’heure de fermeture du CP (19h). "Vous allez passer la nuit ici", a dit le soldat. C’est en vain qu’il a présenté tous ses documents médicaux aux soldats. M. a appelle le DCO de Naplouse directement, et au bout d’une demi-heure, l’ordre arrive de le laisser passer. (Huwwara, 5.10)
Voilà donc quelques incidents aux check points au mois d’octobre dans les territoires occupés.