Photo : Des camions du PAM et d’autres organisations humanitaires attendent pour entrer à Rafah © PAM - Tarek Jakob
Des centaines de milliers de personnes à Gaza risquent la famine cet hiver si les combats ne cessent pas et si l’aide humanitaire ne parvient pas davantage aux familles désespérées, selon une nouvelle évaluation de la faim publiée aujourd’hui par des experts de 16 agences des Nations Unies et d’organisations non gouvernementales.
Connu sous le nom de Classification intégrée de la phase de sécurité alimentaire (IPC), le rapport prévoit que 1,95 million de personnes à Gaza, soit plus de 9 personnes sur 10 de la population de l’enclave, seront confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, voire pire, dans les mois à venir. Plus inquiétant encore, 345 000 personnes devraient être confrontées à une faim catastrophique, ou IPC 5 - le niveau de faim le plus élevé dans la classification de l’IPC.
Par ailleurs, 875 000 personnes, soit plus de 4 personnes sur 10, seront confrontées à une insécurité alimentaire d’urgence, juste un cran en dessous. Dans l’ensemble, le rapport souligne les conséquences dévastatrices de plus d’un an de combats qui ont décimé les moyens de subsistance, réduit considérablement la production alimentaire et sévèrement restreint les lignes d’approvisionnement commerciales et humanitaires dans l’enclave.
« Les systèmes alimentaires locaux ayant été détruits et les exploitations agricoles endommagées, les populations sont totalement dépendantes des approvisionnements provenant de la frontière », déclare Antoine Renard, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) pour la Palestine, ajoutant que ce flux d’aide doit être régulier et fiable pour que de réels progrès puissent être réalisés. « Près de 2 millions de personnes à Gaza sont toujours confrontées au risque de famine - et ce risque persistera si tous les points de passage restent ouverts et si l’aide continue à parvenir à ceux qui en ont besoin.
Les données de l’IPC ont révélé que la gravité de la faim à Gaza avait légèrement diminué au cours des dernières semaines, par rapport au dernier rapport de l’ICP en juin. Cette amélioration a été largement attribuée à une augmentation de l’aide humanitaire dans plusieurs zones de la bande - Gaza Nord, ville de Gaza, gouvernorats de Deir al-Balah et de Khan Younis - entre mai et août derniers.
Mais cette légère amélioration sera probablement de courte durée, prévient le rapport : la poursuite des combats et la forte réduction des flux humanitaires et commerciaux depuis septembre devraient replonger la majeure partie de la population de Gaza dans une grave insécurité alimentaire et une aggravation des niveaux de malnutrition aiguë cet hiver.
« Aucune aide humanitaire n’est entrée dans le nord de Gaza au cours des deux premières semaines d’octobre, et seuls quelques camions ont atteint le sud et le centre, ce qui signifie que la situation est probablement bien pire que ce que l’évaluation a révélé lorsque les données ont été collectées en septembre », déclare Arif Husain, économiste en chef du PAM.
« Les approvisionnements commerciaux sont en baisse, il y a des déplacements à grande échelle, les infrastructures sont décimées, l’agriculture s’est effondrée et les gens n’ont pas d’argent », ajoute M. Husain. « Tout cela se reflète dans les prévisions de l’IPC selon lesquelles la situation s’aggravera à partir de novembre. »
Dans la ville de Deir Al Balah, au centre de Gaza, Siham Zayid apaise sa fille Jana, qui pleure et qui, comme beaucoup d’enfants de Gaza, souffre de malnutrition sévère. « Quand je la regarde, je pense que je vais la perdre parce qu’il n’y a pas de soins médicaux ici ces jours-ci », dit Zayid, ajoutant : « Nous avons tout enduré. J’espère que Dieu la guérira. »
Au cours de l’année écoulée, le PAM a distribué aux jeunes enfants comme Jana et à d’autres personnes vulnérables des aliments spéciaux pour traiter la malnutrition, ainsi que des repas chauds et d’autres formes d’aide alimentaire à l’ensemble de la population. Mais en raison d’une pénurie de produits alimentaires en septembre, nous n’avons pu atteindre que la moitié des familles ciblées pour l’aide alimentaire - et avec des rations réduites.
Ce mois-ci, le PAM n’a pu procéder à aucune distribution de colis alimentaires. Les approvisionnements pour nos cuisines de repas chauds et la production de pain sont dangereusement bas.
« Les légers progrès que nous avons constatés indiquent que le flux de marchandises humanitaires et commerciales vers Gaza fonctionnait », explique M. Husain, du PAM. « Mais nous nous trouvons à présent dans une situation très difficile. Sans un accès sûr et durable, le PAM ne peut pas fournir l’aide humanitaire vitale à l’échelle requise ».
En effet, les gouvernorats du nord et du centre de Gaza, ainsi que Rafah dans le sud, risquent de connaître la famine entre novembre et avril, selon le rapport, si les combats se poursuivent et si les lignes d’approvisionnement humanitaire et commercial restent sévèrement limitées. Le conflit en cours dans le nord de la bande de Gaza et à Deir al-Balah, dans le centre, laisse penser que ce scénario catastrophe est plausible.
Le PAM n’a cessé de demander l’ouverture des points de passage, la suppression des obstacles bureaucratiques et le rétablissement de l’ordre public autour du point de passage crucial de Kerem Shalom, dans le sud de la bande de Gaza. Nous avons également demandé l’arrêt des combats pour permettre au PAM et aux agences humanitaires de répondre de manière adéquate à la crise.
Traduction : AFPS