Au retour de votre mission à l’hôpital européen de Khan Younès en février 2024 , vous et vos collègues de PalMed aviez éprouvé beaucoup de difficultés à vous faire entendre, que ce soit par le milieu médical ou par des responsables politiques. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Pascal André : Nous voulions que l’on écoute nos témoignages avec la parole enregistrée de nos confrères palestiniens, et nous avons constaté l’hypocrisie majeure de la plupart des politiques, entre non-dit et évitement. Nous avons tous vu la terreur à Gaza. Nous, soignants, avons le devoir de témoigner et aussi de nous intéresser aux causes, de les dénoncer. Nous avons documenté les faits que nous avons observés pour les remettre à la Cour pénale internationale (CPI).
De nouvelles missions peuvent-elles s’effectuer dans la bande de Gaza et où ?
P. A. : Une équipe devrait partir le 5 décembre. Mais il est impossible de se rendre dans la partie nord.
Certains d’entre nous veulent pouvoir rentrer de nouveau à Gaza et font le choix de rester dans leur statut d’humanitaire. D’autres se sont engagés publiquement et en contrepartie risquent de ne plus être autorisés à y retourner.
Mais je suis persuadé que le travail doit être fait ici. Là-bas, nos collègues palestiniens nous disent « Merci d’être là, de nous aider, de nous soutenir, mais rentrez chez vous ensuite pour faire stopper ce qui nous tue et nous mutile, le silence et l’hypocrisie des citoyens et de leurs politiques en Occident et aux USA. »
Vous aviez fortement contribué à l’appel international des soignants auprès du Conseil de sécurité de l’ONU, quel résultat ?
P. A. : Cet appel consiste à demander l’ouverture d’un corridor humanitaire pour faire sortir les blessés très critiques, faire entrer les équipes soignantes, le matériel médical et des médicaments, des journalistes et experts de commissions d’enquête indépendantes.
La pétition a recueilli très peu de signatures, elle est toujours en ligne, mais il faut reconnaître que c’est un échec. Le Conseil de sécurité est bloqué par l’insupportable droit de veto d’un pays contre 192. Nous en avons tiré des enseignements, il faut procéder autrement pour mobiliser l’opinion.
Moi-même – je suis membre de PalMed et de Médecins du monde –, et quelques collègues soignants avons fait le choix de nous investir dans un collectif citoyen « open Gaza ». Ce collectif met en place des outils pour interpeller l’opinion, en mettant l’humain au cœur. Nous collectons de nombreux témoignages et nous les mettons à disposition , nous invitons à écouter la parole des Palestiniens, là-bas et aussi en Europe. De plus, nous voulons détecter et capter les propos en ligne qui valident ou encouragent les actes génocidaires. Cette vigilance finira bien par être utile.
Notre ligne de conduite : l’éthique et le droit.
Un message à faire passer ?
P. A. : Les manifestations, les drapeaux, ça ne suffit pas pour changer l’opinion. Il faut oser parler, faire valoir la parole des Palestiniens, révéler leur humanité pour faire tomber les représentations, faire bouger les consciences.
Propos recueillis par Odile Kadoura