Trois jours après le lancement par Israël de sa dernière opération militaire à Gaza, on ne sait toujours pas à quoi tout cela a servi.
Avec l’annonce d’un cessez-le-feu négocié par l’Égypte dans la nuit de dimanche à lundi, les analystes israéliens se sont empressés de considérer la campagne "harmonieuse" du Premier ministre intérimaire Yair Lapid et du ministre de la Défense Benny Gantz comme un succès. Après avoir violemment arrêté Bassam al-Saadi, un haut dirigeant de la branche du mouvement Jihad islamique en Cisjordanie occupée, l’armée israélienne a verrouillé les communautés frontalières autour de Gaza pendant près d’une demi-semaine en prévision d’une attaque de représailles présumée. Elle a finalement commencé à lancer des frappes aériennes dans la bande de Gaza, auxquelles les militants ont répondu par des volées de tirs de roquettes. Les escalades se sont soldées par la mort de 44 Palestiniens, dont 15 enfants, et plus de 350 autres blessés.
Lapid et Gantz, qui auraient lancé l’opération sans l’accord nécessaire du cabinet de sécurité, ont tous deux été félicités pour le prix relativement bas payé par les Israéliens lors de cette dernière vague de violence, ainsi que pour les frappes rapides et "précises" sur les principaux commandants du Jihad islamique dans la bande. En dehors d’un certain nombre de protestations de Palestiniens et de gauchistes israéliens à travers le pays, le public israélien, qui bénéficie largement du statu quo d’un siège sans fin et d’une domination coloniale, a salué une attaque qui semble avoir très peu changé sur le terrain.
Pourtant, malgré les accolades adressées aux dirigeants israéliens, les récits en provenance de Gaza - où deux millions de Palestiniens, dont beaucoup sont des réfugiés de la Nakba, vivent dans des conditions insoutenables - étaient presque insoutenables. Des images de corps d’enfants calcinés, de bâtiments démolis et de centaines de personnes fuyant leur maison en portant sur leur dos leurs biens les plus précieux se sont répandues. Les habitants de Gaza, dont beaucoup sont encore en train de reconstruire après la dernière guerre d’Israël contre la bande de Gaza en mai 2021, devront enterrer les morts et soigner les blessés, la violence étant pratiquement garantie à l’avenir.
L’assaut de trois jours a fait écho à une autre opération israélienne en 2019 : l’assassinat du commandant du Jihad islamique Baha Abu al-Ata, tué alors qu’il dormait à son domicile. À l’époque, j’avais écrit que l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahou avait pris l’initiative de cet assassinat comme une "échappatoire à ses bourbiers politiques ou juridiques." Cette fois-ci, c’est Lapid qui semble être à la recherche d’une image de victoire, peut-être dans le but d’améliorer son image de faucon avant les élections israéliennes. Le résultat a été une offensive non provoquée contre une population civile dont la vie est largement dictée par les caprices de l’appareil sécuritaire israélien.
C’est ainsi que l’establishment militaire et politique israélien préfère diriger les choses. Gaza est devenu, à bien des égards, la version la plus extrême du projet de bantoustanisation d’Israël en Palestine. Plutôt que de devoir gérer directement des millions de Palestiniens, la logique de l’apartheid israélien exige que les différentes enclaves des territoires occupés restent quelque peu autonomes, tout en conservant le pouvoir suprême de contrôler et d’intervenir dans leurs affaires pour les intérêts d’Israël.
En conséquence, alors qu’en Cisjordanie, Israël a confié une grande partie de ses tâches de sécurité à une Autorité palestinienne affaiblie et autoritaire, à Gaza, un territoire presque hermétiquement clos est contrôlé par le Hamas, tout aussi autoritaire.
Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, Israël ne souhaite pas réellement renverser le Hamas ; il en a besoin pour maintenir le statu quo, en contrecarrant continuellement la possibilité d’une unification palestinienne tout en empêchant un groupe encore plus radical, comme le Jihad islamique, de prendre sa place. Et tandis qu’Israël combattra ces groupes palestiniens pour les maintenir dans le rang, son système de contrôle restera finalement en place.
Mais s’il est élu en novembre, Lapid apprendra probablement la même dure leçon que ses prédécesseurs : chaque "victoire" militaire à Gaza est une victoire à la Pyrrhus, et Israël, malgré toutes ses démonstrations, n’a pas de stratégie à long terme pour la bande de Gaza qui n’inclue pas une guerre et un bain de sang incessants. Il n’y a jamais eu, et il n’y aura jamais, de solution militaire israélienne pour Gaza ; le meurtre de combattants et de commandants palestiniens ne fait qu’ouvrir la porte à de nouvelles générations de militants endurcis prêts à reprendre le flambeau de la lutte armée.
Plus important encore, il n’y a aucune raison de croire qu’un peuple entier vivant sous la brutalité d’un blocus de 15 ans et plus de sept décennies de dépossession, décidera soudainement de céder à ses suzerains coloniaux. Tout ce qui n’est pas le démantèlement de ces structures oppressives n’est qu’un bricolage violent d’un dangereux statu quo.
Traduction et mise en page : AFPS /DD