C’est un petit livre aux dimensions de poche, mais dont la couverture modeste affiche fièrement les couleurs de la Palestine. A le tenir en mains, on ressent comme une fragilité, qui donne envie de le protéger. A le lire, c’est bien autre chose : c’est recevoir les échos d’une tragédie disant la souffrance d’un peuple et son indéracinable volonté de survivre dans la lumière et par la lutte.
Que ma mort apporte l’espoir, poèmes de Gaza
Réunis à la demande d’Orient XXI avec des droits d’auteur destinés à l’UNRWA, les cinquante poèmes de cette anthologie ont été sélectionnés et traduits par l’ancienne diplomate et interprète de langue arabe (une langue pour laquelle elle a écrit un magnifique Plaidoyer paru aux mêmes éditions), Nada Yafi, traductrice de Naguib Mafouz. Placé en exergue, on trouve le bouleversant poème de Mahmoud Darwich « Mohammad », en guise de postface, un émouvant hommage du palestinien Karim Kattan, l’auteur du « Palais des deux collines » et de « l’Eden à l’aube ».
L’ouvrage se déroule en deux temps. Un premier ensemble (17 textes) présente des poèmes composés après l’offensive israélienne « glaive de fer » qui s’est abattue sur l’enclave en riposte aux attaques du 7 octobre. Écrits dans l’angoisse d’une mort omniprésente, par des hommes et des femmes généralement jeunes, et tous publiés sur internet, dans l’urgence ressentie de témoigner et de transmettre, ils disent à la fois l’accablement et l’énergie, la volonté de vivre et de garder un sens.
« S’il est écrit que je dois mourir / Alors que ma mort apporte l’espoir / Que ma mort devienne une histoire », écrit Refaat Alareer, poète de 43 ans ciblé par un bombardement israélien le 6 décembre 2023. Une histoire que les survivants devront raconter. Et Hiba Abu Nada jeune femme de 34 ans, poste sur Facebook, le 13 octobre 2023, treize jours avant de périr sous les bombes : « Là-haut, en ce moment, nous bâtissons une autre cité / avec(…) des poètes qui écrivent les amours éternelles. / Ils sont tous de Gaza, tous ».
Tous de Gaza, en effet. La 2° section, plus volumineuse, fait appel à des textes plus anciens, plus travaillés également, par des auteurs probablement plus expérimentés. Mais l’amour de Gaza, leur terre, est le sentiment commun qui irradie l’ensemble du recueil. Pour dire cet amour, les poètes ont recours à des images d’une tendresse folle, des images délicates exprimées dans une langue musicale que les lecteurs arabophones pourront apprécier, grâce à cette édition bilingue. Mais nous pouvons tous frissonner à cet appel d’Haïdar al Ghazali : « Labourez donc la terre avec la mort, toute la terre, notre terre est une immense flûte de roseau, plus on y creuse de trous et plus elle est capable d’exhaler de nouvelles mélodies, de ces maqâms de l’impossible retour des ruines » ou encore avec la « Cantilène de Palestine » de la poétesse exilée Fatima Mahmoud Ahmad , qui trouve si « misérable la vie / lorsque c’est dans l’exil qu’on vit sa poésie », ou encore…
Mais pourquoi citer davantage ? De tous ces poètes, certains sont morts, pour d’autres, on ignore actuellement ce qu’ils sont devenus. Loin de se morfondre dans la souffrance ou dans la haine, leurs textes disent pour eux la volonté de voir au-delà, sans poursuivre de vengeance, mais dans une dignité préservée. Les lire est le meilleur moyen de les garder en vie.