Le quotidien israélien Haaretz ne s’y est pas trompé. Commentant la mobilisation exceptionnelle de dimanche, jour de la commémoration de la Nakba – la catastrophe – pour les Palestiniens, il a titré : « La révolution arabe a frappé hier aux portes d’Israël. » Mais frapper à la porte d’Israël s’avère dangereux. La commémoration a été ensanglantée par des violences sans précédent, qui ont fait au moins 16 morts et des centaines de blessés, la plupart à la périphérie des territoires palestiniens, dans le Golan syrien occupé, et au Liban [1].
Sur le Golan, l’armée israélienne a ouvert le feu sur des manifestants palestiniens venus de Syrie qui avaient pénétré dans la partie occupée. Deux protestataires ont été tués et quatre grièvement blessés. Dix personnes ont été tuées par des tirs israéliens à la frontière libanaise, où des milliers de réfugiés palestiniens s’étaient rassemblés dans la localité de Maroun ar-Ras, à un kilomètre d’Israël. Haaretz n’a pas manqué de relever que « le scénario catastrophe qu’Israël redoute depuis sa création s’est réalisé : que des réfugiés palestiniens marchent tout simplement de leurs camps vers la frontière pour tenter d’exercer leur droit au retour ».
« Répression mortelle », selon le PC d’Israël
Cette mobilisation est sans précédent en nombre, mais, surtout, elle a été observée partout : à Gaza, en Égypte, en Jordanie, en Cisjordanie et parmi les Palestiniens de 1948, c’est-à-dire ceux vivant en Israël. « Si les réfugiés en Syrie et en Jordanie sentent que le régime dans ces pays s’affaiblit et que la réconciliation palestinienne avec le Hamas leur confère une nouvelle légitimité, ils risquent de relever la tête et, avec l’encouragement des forces islamiques, de défier l’État d’Israël », craint un responsable politique dans les colonnes du quotidien Maariv, ne voulant voir qu’un danger islamiste là où l’expression populaire ne fait que reprendre les résolutions de l’ONU.
Le Parti communiste israélien a condamné cette « répression mortelle » et appelle à développer la campagne pour la reconnaissance de l’État palestinien dans les frontières de 1967.
L’armée israélienne a accusé le pouvoir syrien d’avoir « organisé cette manifestation violente pour tenter de détourner l’opinion mondiale de ce qu’il se passe dans ses villes ». Mais ces déclarations ne font pas illusion.
Accusations « infantiles et non professionnelles »
Le spécialiste des questions de sécurité du quotidien Yediot Aharonot juge « infantiles et non professionnelles » ces accusations contre la Syrie et l’Iran et met en garde contre « d’autres tentatives d’organiser des manifestations de masse, et pas seulement à partir de la Syrie ». Selon lui, « cela pourrait se produire en juin, au moment de la flottille pour Gaza, ou en septembre, en conjonction avec la déclaration d’un État palestinien ».
Incontestablement la donne change au Moyen-Orient. Le printemps arabe libère de nouvelles forces et la règle du jeu n’est plus la même, les États-Unis, l’Europe et même Israël ne pouvant plus compter sur le rôle plus que conciliant de certains pays, notamment l’Égypte. « Les manifestants qui ont pénétré dans le village druze sur les contreforts du mont Hermon (dans le Golan syrien occupé – NDLR) ont brisé l’illusion qu’Israël pouvait vivre confortablement, une “villa dans la jungle”, totalement coupé des événements extraordinaires qui l’entourent », estime Haaretz.