L’AFPS Lille (59/62) a organisé une projection-débat autour du film "De Chatila nous partirons" en présence du réalisateur Antoine Laurent le jeudi 18 novembre 2021.
L’AFPS Lille (59/62) tenait un stand parmi ceux des associations de la Plateforme des ONG lilloises pour la Palestine.
Une cinquantaine de participants ont pu apprécier cet excellent film, suivi d’un riche échange avec la salle.
Antoine Laurent, militant engagé aux côtés de l’AJPF, a partagé ses riches connaissances sur les camps de réfugiés, du Liban comme de la Palestine, ainsi qu’une analyse remarquable de la situation historique et actuelle des réfugiés.
Le film est le résultat de 3 séjours du réalisateur à Chatila. Sa volonté a été de rapporter comment cette nouvelle génération de réfugiés palestiniens est persuadée qu’en attendant de revenir en Palestine, une action citoyenne est possible à Chatila.
Là-bas, il s’y est fait 3 amis : Tarek, Sobhe et Jalal. Tous 3 diplômés, ils ont décidé en 2013 de monter l’association "Rêves de réfugiés" dans le camp pour venir en aide aux familles, notamment par du soutien scolaire aux enfants inscrits dans les écoles de l’UNRWA. Le nombre d’enfants dont ils s’occupent est passé de 450 à environ 1 300 aujourd’hui.
Des enseignantes les ont rejoints ; ils ne se limitent pas à donner des cours mais se soucient également de l’implication des parents, des feuilles de notes à l’école, de l’éducation civique (récit palestinien du "conflit") et du comportement de ces enfants réfugiés apatrides, enfermés dans un camp surpeuplé. Avec le temps et soucieux d’impliquer d’anciens élèves, leurs activités se sont diversifiées.
Par ailleurs, le film donne une belle image de l’ambiance dans ce camp, ambiance commune à tous les camps de réfugiés palestiniens où les dépossédé-e-s ont recréé un milieu rappelant leur vie dans les villages d’où ils ont été chassés, mais où ils attendent encore de revenir… Ambiance chaleureuse, malgré tous les manques dont l’électricité.
Le film ne fait pas l’impasse sur les problèmes de sécurité dans le camp, du décrochage scolaire d’enfants aux massacres qui ont eu lieu, notamment durant l’invasion israélienne de 1982.
Une militante de l’AFPS 59/62 a partagé son témoignage : après avoir vécu 30 ans au Liban et y avoir travaillé comme enseignante à l’UNRWA pendant 13 ans, elle co-intervenait avec Antoine Laurent et a apporté sa connaissance pointue de la situation "administrative" kafkaïenne des réfugiés palestiniens. Elle a pu éclairer le public sur le système éducatif sur place.
Pour le Liban, il n’est pas question de naturaliser les Palestiniens sur son territoire par crainte d’un déséquilibre dans le partage des pouvoirs, pouvant rallumer la guerre civile. Le système politique libanais est basé sur le confessionnalisme et les Palestiniens sont très majoritairement sunnites. Les réfugiés palestiniens au Liban, 480 000 enregistrés à l’UNRWA, sont donc apatrides depuis 4 ou 5 générations.
Le débat a également permis de rappeler la situation actuelle au Liban : les agressions militaires d’Israël, qui, périodiquement détruit les infrastructures, les difficultés pour les résidents palestiniens à qui l’Etat libanais ne reconnait aucun "droit" (travail, achat de maison, etc) et l’afflux de réfugiés palestiniens de Syrie venus se re-réfugier.
Face à un récit historique où tout ce qui est palestinien est effacé, comme l’ont été les villages avec leurs noms et leurs maisons, les réfugiés palestiniens continuent de cultiver leurs liens et leur histoire, leurs coutumes et leur patrimoine et veillent à ce que leurs enfants connaissent leurs origines et leur identité dans le but d’un retour possible.
Ce débat a interrogé la neutralité des instances internationales et le lobbying d’Israël qui veut faire adopter l’idée selon laquelle seuls peuvent être considérés comme réfugiés ceux qui sont partis en 48 et non pas leur descendance.
De cet échange, l’éducation est apparue comme un enjeu fondamental pour résister à l’effacement de la Palestine et de son peuple, illustré par le projet "Rêves de réfugiés" de Tarek, Sobhe et Jalal à Chatila.