Près d’un homme
sur deux en Palestine a connu la détention,
et aucune famille n’a été épargnée.
Aujourd’hui le nombre de prisonniers
politiques palestiniens atteint toujours près
de 8000. S’il y a eu des libérations, 500
puis 400, depuis les discussions de
Charm-el-Cheikh en janvier 2005, au
moins autant de Palestiniens ont été arrêtés
depuis, en Cisjordanie et dans la
bande de Gaza. Qui plus est, la plupart
des prisonniers libérés étaient en fin de
peine ou venaient juste d’être arrêtés,
certains condamnés à de courtes peines.
Les prisonniers politiques détenus, dont
plusieurs depuis plus de 20 ans, sont
toujours dans les geôles israéliennes.
Parmi eux, des enfants (encore près de
300), des femmes dont certaines avec
des bébés, pour quelques uns nés en prison,
des hommes âgés ou plus jeunes,
souvent malades, beaucoup en détention
administrative (détenus sur ordre
militaire, sans accusation formelle, sans
jugement, attendant parfois plusieurs
mois pour rencontrer leurs avocats ou
leurs juges, détention renouvelée régulièrement).
Certains sont des résistants,
d’autres des citoyens qui essaient de
passer les points de contrôle israéliens
pour trouver du travail ou se rendre à
l’hôpital, beaucoup sont des proches de
militants utilisés comme leviers contre
eux. Presque tous les gamins sont incarcérés
pour avoir jeté des pierres contre
les chars. De plus en plus nombreux
sont les manifestants qui se dressent
pacifiquement contre l’érection du mur
d’annexion. D’autres, Marwan Barghouti
ou Hussam Khader, sont des représentants
élus du peuple palestinien, kidnappés
en Palestine par les soldats israéliens
en 2002 et 2003.
Les prisonniers sont entassés dans des
conditions difficiles et souvent insalubres
dans des camps militaires, des
colonies transformées en camps de détention
ou des prisons en Palestine. Nombre
d’entre eux sont aussi détenus en Israël,
dans des centres de détention, camps de
toile dans le climat implacable du Néguev,
ou dans certains lieux secrets comme
l’infâme « prison 1391 ». La plupart sont
soumis à la torture et aux mauvais traitements.
Le droit international interdit
notamment à l’occupant de détenir des
citoyens du territoire occupé hors de ce
territoire. De même, il assure les élus
d’un peuple de l’immunité et interdit la
torture. Israël se trouve donc dans l’illégalité
la plus totale.
L’une des revendications de l’ensemble
des forces politiques et citoyennes en
Palestine concerne la libération de tous
les prisonniers politiques palestiniens. Le
président Mahmoud Abbas en a fait un
point majeur de sa campagne présidentielle
en janvier 2005 et l’a réitéré systématiquement.
Lors de ses discussions,
en janvier, en Egypte, avec le Premier
ministre israélien, celui-ci s’est engagé
à en libérer 900, à remettre quatre villes
de Cisjordanie à l’Autorité nationale
palestinienne et à alléger les conditions
insupportables de l’occupation. Cette
libération était la condition de la résistance
unie pour poser momentanément
les armes. Ceci fut fait, immédiatement
côté palestinien, lentement et en deux
temps, côté israélien.
Après l’« évacuation » de la bande de
Gaza, on compte encore quelque 650
prisonniers politiques de ce territoire.
L’article 77 de la Convention de Genève
stipule pourtant qu’une fois mis fin à
une occupation, l’occupant est tenu de
remettre ses prisonniers à l’autorité qui
prend en charge le territoire libéré. Les
dirigeants israéliens ont pris plusieurs
mesures, dénoncées par le Palestinian
Center for Human Rights [1]. D’une part,
avec la fin du gouvernement militaire
dans la bande de Gaza, l’armée d’occupation
a aboli la cour militaire transférant
les cas relatifs aux prisonniers palestiniens
de Gaza à la Cour de Beir al-Saba,
à l’intérieur d’Israël. D’autre part, Israël
utilise le concept de « combattants illégaux
» pour prétendre soustraire au droit
international des civils palestiniens détenus.
Enfin, des projets de loi sont à
l’étude pour permettre à la fois le maintien
en détention des prisonniers de Gaza
et la possibilité pour les services israéliens
de les « interroger ».
Tant que les prisonniers ne seront pas tous
libérés et que la colonisation s’intensifiera
en Cisjordanie y compris à Jérusalem,
l’occupation israélienne restera
la réalité quotidienne et politique, qui
entraînera la résistance, légitime, du
peuple palestinien. Marwan Barghouti
ou Hussam Khader, le disent : le seul
signe crédible d’une volonté réelle du
gouvernement Sharon d’aller vers la
paix, avec le retour à la table des négociations
de représentants librement choisis
du peuple palestinien, réside dans la
libération des prisonniers, de tous les
prisonniers.
Claude Léostic
(1) Voir « 650 Palestinian Prisonners from
Gaza are still detained in Israeli jails », par le
Palestinian centre for Human rights,
21 septembre 2001. Site : http://amin.org/eng/
uncat/2005/sept/sept21-0.html