Paris, le 16 juin 2008
Le 1er juillet la France présidera pour six mois l’Union européenne.
A ce titre et dans ce cadre, vous avez été reçu récemment par le Président de la République pour faire valoir les points majeurs que votre formation politique entendait voir mis en avant durant cette période.
Nous venons aujourd’hui vers vous pour obtenir votre opinion, que nous rendrons publique, du fait de l’émergence d’éléments politiques nouveaux particulièrement sérieux qui ont dû être évoqués au cours de la rencontre que vous avez eue avec le Chef de l’Etat.
Il s’agit de la situation qui prévaut aujourd’hui au Moyen-Orient.
Il y a tout d’abord la question posée par l’attitude de l’Iran , dont les responsables qui, outre les propos inacceptables qu’ils tiennent concernant Israël tout particulièrement, font preuve de mauvaise volonté concernant les inspections de AIEA qui sont pourtant parties intégrantes impératives du traité de non-prolifération (TNP). Face à cette situation des voix, et non des moindres, se font entendre en faveur d’une frappe militaire de ce pays en lieu et place d’une recherche obstinée et civilisée d’une solution politique au problème. Ce genre de situation avait été au centre de la guerre déclenchée sans aucune légitimité par les USA contre l’Iraq malgré une ferme opposition de la France à défaut de l’Union dans son ensemble.
Au chapitre des déclarations inquiétantes allant dans ce sens, déclarations non contestées par les autorités de notre pays, il faut noter celle de M. Ehud Olmert qui, dans l’avion qui le ramenait début juin de Washington, a déclaré que « Nous sommes sur le point d’arrêter le programme nucléaire de l’Iran ». Notons que personne n’a apporté de preuves – ni dans un sens ni dans un autre – sur l’existence ou non d’un tel programme. Alors qu’Israël possède et développe son arsenal nucléaire , sans contrôle de l’AIEA.
A cela s’ajoutent les déclarations des candidats désignés au remplacement de G. W. Bush à la présidence américaine tandis que ce denier a entrepris un voyage en Europe avec aux cœur de ses discussions cette même question.
Le « raisonnement » du gouvernement israélien tient pourtant dans cette certitude qui est la sienne, à savoir qu’il faut agir maintenant « avant que l’administration Bush ne quitte la scène car la suivante, quelle qu’elles soit, lui sera moins fera favorable. »
La démission de l’amiral Fallon de son commandement des forces américaines au Moyen-Orient, a été interprétée comme étant le signe de son refus de participer à une guerre contre l’Iran. Donnant une interview après sa démission, l’amiral n’a pas véritablement démenti. Cela peut laisser penser que l’administration Bush envisage, au moins, cette option.
Joschka Fischer, ancien ministre allemand des affaires étrangères, en vient quant à lui à écrire dans une « Tribune libre » publiée le 30 mai, dans un journal libanais et un journal israélien qu’ « Un conflit militaire va être probablement déclenché » en 2008.
Cette situation mérite la plus haute attention puisqu’il en va de la paix ou de la guerre dans une région très sensible et qu’elle concerne un pays important à tous égards. Elle est d’autant plus à considérer aujourd’hui que, même s’il devait se rétracter un peu quelques jours plus tard, le Président de la République n’avait pas hésité à parler de « frappes » contre l’Iran il y a peu.
La Présidence française, dans un tel contexte, peut jouer un rôle très important dans un sens ou dans un autre. Il va de soi, que pour nous, l’option militaire est à écarter. Nous souhaitons avoir votre opinion et vos décisions en ce domaine.
Cette question n’est évidemment pas séparable de la guerre qui n’en finit pas de durer et de semer des drames immenses au Proche-Orient, et nous ne visons pas ici la seule question de Gaza dont il convient d’obtenir, sous peine de graves conséquences, la levée du blocus. Depuis Annapolis, les autorités israéliennes multiplient de graves atteintes au droit international.
Cette réunion américaine avait pour objet de voir la création à la fin de cette année d’un Etat palestinien. C’est peu dire que nous en sommes loin. Or la Présidence française coïncide avec la fin 2008 et donc avec cette date donnée comme « butoir » pour l’existence d’un Etat palestinien. Si les Etats-Unis sont impliqués de manière non neutre dans ce conflit, l’Union européenne est absente et donc laisse faire. De fait elle porte une part de responsabilité dans cette situation qui n’est pas inextricable dès lors que le droit international existe et définit la solution qui ne demande qu’à être enfin appliquée.
La Présidence française est donc en première ligne pour affronter ce défi. Non seulement rien ne se profile qui permettrait à l’Union européenne de jouer un rôle et d’exister enfin en tant que telle, hors de tout alignement,
Mais nous apprenons que le 16 juin , après une bonne année de négociations que l’on peut qualifier de secrètes, l’Union européenne discute avec les autorités israéliennes d’un approfondissement de leurs relations à un niveau tel que ce pays, Israël, pourrait être considéré comme devenant quasiment un nouveau membre de l’Union.
Ceci ne peut être accepté , pas plus qu’un renforcement même à un niveau moindre que celui envisagé, dès lors que ce pays bafoue en toute impunité le droit international.
Malgré ce fait les négociations se sont développées, ce qui constitue un encouragement à la politique menée par les autorités de ce pays. On notera aussi que l’accord d’association qui existe avec ce pays depuis 1995 a été appliqué malgré le non respect de l’article 2 qui prévoit expressément la suspension de l’accord en cas de violation des droits de l’homme par Israël. Le Parlement européen, en 2002, avait d’ailleurs demandé, sans être écouté le moins du monde, sa suspension en raison de l’attitude israélienne contraire aux droits de l’homme, au droit international et à la paix.
Aujourd’hui non seulement il est fait fi de cet article 2 mais on veut aller beaucoup plus loin dans la coopération avec Israël.
Le prochain voyage du Président de la République en Israël ne peut être compris indépendamment de ce projet.
Tous ces éléments d’une lourde portée et conséquence ne peuvent pas ne pas être pris en compte par le parti dont vous êtes le premier dirigeant. Aussi nous vous demandons votre opinion sur cet ensemble ainsi que les actions que vous entendez prendre, ou non, pour que la prochaine Présidence française de l’Union laisse une empreinte positive dans sa volonté de se mêler des affaires du monde dans le sens du droit et de la paix.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de recevoir Monsieur, l’assurance de notre haute considération.
Pour le bureau national de l’Association France Palestine Solidarité,
Le Président,
Bernard Ravenel