Photo : L’armée d’occupation israélienne emêchent les Palestinien-nes de moins de 50 ans d’accéder à l’esplanade des mosquées le 3 novembre 2023 - Crédit : Faiz Abu Rmeleh (Active Stills collective)
La Knesset, le parlement israélien, a adopté ce que les groupes de défense des droits humains appellent l’une des « mesures législatives les plus intrusives et les plus restrictives » jamais adoptées.
Le mercredi 8 novembre, les législateurs israéliens ont adopté à une majorité de 13 contre 4 un amendement à la loi antiterroriste du pays, qui criminalise la « consommation de contenus terroristes », passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an.
La nouvelle loi prévoit une infraction définie comme le fait de « consommer de manière systématique et continue des publications d’une organisation terroriste dans des circonstances qui indiquent une identification avec l’organisation terroriste ».
Selon Adalah - Le Centre juridique pour les droits des minorités arabes en Israël, les « publications » mentionnées dans la loi comprennent « les expressions d’éloge, de soutien ou d’encouragement d’actes terroristes, les appels directs à commettre un acte de terrorisme, ainsi que la documentation d’un acte de terrorisme. »
Le projet de loi désigne le Hamas et Daech comme les organisations terroristes auxquelles cette infraction s’applique et accorde au ministre de la Justice le pouvoir d’ajouter d’autres organisations à la liste.
« Cette loi est l’une des mesures législatives les plus intrusives et les plus restrictives jamais adoptées par la Knesset israélienne, puisqu’elle soumet les pensées à une sanction pénale », a déclaré Adalah dans un communiqué.
« Alors que les autorités israéliennes intensifient leur campagne visant à étouffer la liberté d’expression des citoyens palestiniens d’Israël, en menant une surveillance étendue de leurs communications en ligne et en procédant à des arrestations sans précédent pour de prétendus délits liés à la liberté d’expression, la Knesset israélienne a adopté une législation qui criminalise même l’utilisation passive des médias sociaux. Cette loi empiète sur le domaine sacré des pensées et des croyances personnelles d’un individu et amplifie considérablement la surveillance par l’État de l’utilisation des médias sociaux », a déclaré le groupe, ajoutant qu’il prévoyait de déposer une requête contre cette loi auprès de la Cour suprême d’Israël.
Cette nouvelle loi est le dernier développement en date de la répression israélienne visant les Palestiniens et leur liberté d’expression en ligne. Depuis le 7 octobre, les citoyens palestiniens d’Israël et les résidents de Jérusalem occupée font l’objet de campagnes de harcèlement ciblées en ligne, sur leur lieu de travail et dans les universités, qui se soldent souvent par des dizaines d’arrestations.
Le mois dernier, les Palestiniens ont déclaré à Mondoweiss qu’il s’agissait d’une
« chasse aux sorcières », ajoutant que des personnes étaient contrôlées pour avoir simplement exprimé leur identité palestinienne et leur inquiétude au sujet de la bande de Gaza.
Salaam Irsheid, avocate d’Adalah, a déclaré à Mondoweiss que dans de nombreux cas, des personnes sont suspendues ou même poursuivies au pénal pour avoir simplement aimé un message sur les médias sociaux ou pour avoir suivi des pages qui parlent de la situation à Gaza. Elle a ajouté qu’Adalah a été saisie de nombreux cas où des étudiants ou des professionnels ont exprimé leur chagrin face à la situation humanitaire à Gaza ou ont simplement écrit des versets du Coran qui ont été mal interprétés ou associés à tort à un soutien au Hamas.
« Ces messages relèvent de la liberté d’expression. Il n’y a rien qui appelle à la violence ou qui la justifie, quelle qu’elle soit », a déclaré M. Irsheid. « La plupart des personnes qui s’adressent à nous disent que les faits qui leur sont reprochés sont très exagérés. Rien de ce que j’ai vu ne viole une quelconque loi ».
Le 25 octobre, la police israélienne a déclaré avoir arrêté 110 personnes depuis le début de la guerre pour « incitation présumée à la violence et au terrorisme », principalement sur les réseaux sociaux.
La campagne d’arrestation ne s’est pas limitée aux Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne ou aux résidents de Jérusalem occupée, mais s’est également étendue à la Cisjordanie occupée, ont déclaré des groupes de prisonniers à Mondoweiss.
Parmi les milliers de Palestiniens qui ont été appréhendés en Cisjordanie depuis le 7 octobre, des dizaines ont été arrêtés en raison de leur activité sur les réseaux sociaux, a déclaré à Mondoweiss un porte-parole du Club des prisonniers palestiniens.
En début de semaine, les forces israéliennes ont fait une descente dans le village de Nabi Saleh, dans la région de Ramallah, et ont arrêté la militante Ahed Tamimi, âgée de 22 ans, à son domicile, pour « incitation à la haine » et « activités terroristes » sur les médias sociaux. Ahed Tamimi a été arrêtée pour un message Instagram appelant à la violence contre les colons en Cisjordanie, mais sa famille affirme que le profil qui a publié le message est un faux profil usurpant l’identité d’Ahed Tamimi, et qu’elle n’a pas écrit ou publié de tels messages.
L’extension à la Cisjordanie des arrestations basées sur les activités sur les médias sociaux corrobore le témoignage des groupes de défense des droits humains qui affirment qu’Israël applique la nouvelle loi sur la « consommation de contenus terroristes » de manière large et sans discernement, afin de censurer et d’emprisonner les Palestiniens.
La censure s’est étendue au-delà des médias sociaux, avec des Israéliens et des politiciens palestiniens en Israël arrêtés pour avoir protesté contre la guerre israélienne en cours à Gaza, qui est entrée dans son 34e jour jeudi. La police israélienne a imposé une interdiction générale de toute protestation ou manifestation de solidarité avec le peuple palestinien de Gaza pendant la guerre.
Cinq dirigeants de la minorité palestinienne en Israël, dont le président de la Haute Commission de suivi, Muhammad Barakeh, et les anciens membres du Parlement Haneen Zoabi et Sami Abu Shadeh, ont été arrêtés jeudi matin lors d’une veillée pacifique à Nazareth appelant à un cessez-le-feu.
Le Parti communiste israélien (CPI) et le Front démocratique pour la paix et l’égalité (Jabha-Hadash) ont publié une déclaration commune qualifiant l’arrestation de « mesure antidémocratique drastique, qui reflète l’assaut continu d’Israël contre la liberté d’expression, l’association politique et les droits civiques de la population palestinienne ».
Traduit par : AFPS