C’est le cœur lourd et plein de gratitude que je témoigne de la résilience palestinienne face à l’oppression. Votre engagement inébranlable, vos écrits et votre soutien sans faille ont été la bouée de sauvetage de ceux et celles d’entre nous qui ont supporté les caveaux des prisons de l’occupation israélienne. Aujourd’hui, je suis la voix des sans-voix, les êtres innombrables qui languissent encore dans « des cimetières des vivants », pour exprimer notre profonde gratitude et témoigner des atrocités qui attestent d’une grave crise humanitaire.
Les conditions dans lesquelles vivent les détenu·es palestinien·nes constituent une violation flagrante de tous les principes d’humanité et de dignité. Soumis·es à des formes extrêmes de torture, à des traitements dégradants, ainsi qu’à la privation délibérée du minimum vital, notamment de nourriture et de soins médicaux, les détenu·es palestinien·nes vivent une forme systémique de déshumanisation. L’occupation israélienne, par sa politique de détention arbitraire massive, vise non seulement à étouffer les voix palestiniennes, mais également à détruire nos existences, nos droits et notre lutte pour la liberté et l’autodétermination.
Dans le contexte du génocide en cours à Gaza et de ses conséquences catastrophiques sur l’ensemble des palestinien·nes, la situation des détenu·es s’aggrave encore. Ce génocide du peuple palestinien fait oublier celles et ceux qui sont derrière les barreaux. Le lien entre les détentions arbitraires massives et la guerre contre la Palestine est indubitable et intentionnel, destiné à briser notre volonté et à étouffer toute forme de résistance contre l’occupation.
Mon calvaire personnel, de graves mauvais traitements, de privation de soins médicaux, de torture et violence sexuelle, reflète la souffrance insondable de nombreuses et nombreux prisonnier·es. Ces prisons, semblables à des cimetières pour vivant·es, sont une symbolique frappante d’un régime colonial qui cherche à effacer notre identité, notre dignité et notre existence même. Les mesures draconiennes qui nous sont imposées – allant du refus des contacts familiaux et juridiques à la restriction des libertés humaines fondamentales – montrent un système de déshumanisation et de démoralisation.
Cette politique d’abus généralisés et systématiques n’est pas seulement un affront à la dignité palestinienne mais constitue une violation flagrante du droit international humanitaire, y compris de la Convention de Genève. La complicité du système judiciaire israélien – qui a un taux de condamnations alarmant des Palestinien·nes et la quasi impunité accordée aux auteurs de crimes contre les Palestinien·nes – démontre un appareil judiciaire instrument de l’occupation.
Je ne peux pas exprimer assez de gratitude aux innombrables personnes, organisations et à la toutes celles et ceux qui sont descendu·es dans la rue en signe de solidarité, exigeant justice pour la Palestine et appelant au cessez-le-feu. Les pressions et votre quête incessante de justice ont non seulement contribué à ma libération, mais continuent aussi à mettre en lumière la lutte en cours pour la libération de tous et toutes les détenu·es palestinien·nes. Votre soutien indéfectible est un puissant témoignage de la force de l’action collective et de l’esprit indomptable du mouvement de solidarité mondiale.
La communauté internationale doit reconnaître que le sort des prisonnier·es palestinien·nes n’est pas un problème isolé mais le reflet d’une violence et d’une oppression systémiques perpétrées par l’occupant. Les violations généralisées et systématiques des droits, notamment par le recours à la torture, à des traitements inhumains et dégradants et au transfert forcé de détenu·es vers des prisons israéliennes, constituent de graves violations de la Convention de Genève et des crimes de guerre.
Le silence et l’inaction de la communauté internationale face à ces atrocités ne font qu’encourager Israël à poursuivre. Il incombe à tous les États, conformément à leurs obligations juridiques en vertu du droit international, de prendre des mesures immédiates et décisives pour protéger les droits des détenu·es palestinien·nes. Cela implique de tenir Israël pour responsable de ses actes, et de traduire en justice les responsables de violations aussi flagrantes.
En outre, la communauté internationale doit travailler sans relâche pour s’attaquer aux causes profondes du régime colonial, en défendant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Cela implique de reconnaître et de lutter contre l’occupation illégale du territoire palestinien.
En tant que détenu libéré, j’ai été témoin des horreurs inimaginables auxquelles sont confrontées mes compatriotes derrière les barreaux. Les cicatrices de la torture, la douleur de la séparation d’avec ses proches et la peur constante de la mort sont des expériences qu’aucun être humain ne devrait jamais avoir à endurer. Pourtant, malgré ces atrocités, l’esprit du peuple palestinien reste fort et sa détermination inébranlable.
En solidarité avec ceux qui continuent de souffrir en silence, je vous exhorte à prêter votre voix à cette cause, à défendre la justice et à nous rejoindre dans la lutte pour la liberté et la dignité de tous les détenu·es palestinien·nes. Ensemble, nous pouvons faire la lumière dans les ténèbres et ouvrir la voie à un avenir où les droits humains ne seront pas seulement un privilège pour quelques-uns mais un droit fondamental pour tous.
Camp de réfugiés, Bethléem, 8 mars 2024
Traduction : Mireille Sève