Le 12 janvier 2005, Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée nationale (AN), a reçu une délégation conjointe du Collectif national pour une paix juste entre Palestiniens et Israéliens et de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Cette délégation était composée de Bernard Ravenel (AFPS), Michel Roy (Secours catholique), Mouloud Aounit (MRAP), Jean-Pierre Dubois (LDH et FIDH), Micheline Moresi-Cosse (Les Femmes en noir) et Stéphane Hessel (Ambassadeur de France).
Cette démarche visait plusieurs objectifs :
1. Marquer un temps public, solennel, de remise de la pétition contre le Mur centralisée nationalement par le MRAP. Du même coup, ceux et celles qui ont signé cette pétition peuvent vérifier le débouché institutionnel et politique de leur signature et de leurs exigences.
2. Etre reçu officiellement par le président de l’Assemblée nationale c’est faire reconnaître par la plus haute instance de la représentation parlementaire la légitimité de cette pétition comme forme d’expression citoyenne. Dans le même temps, le mouvement de solidarité voit reconnaître officiellement son action et se voit conforté pour continuer et élargir son travail.
3. Sur le plan politique, trois objectifs avaient été définis :
obtenir un débat au Parlement pour que l’AN se prononce sur - et de préférence contre - la construction du Mur et sur - et de préférence pour - l’application des recommandations de la CIJ
et se prononce également sur la nécessité de pressions-sanctions politiques et économiques contre le pouvoir israélien,
obtenir la promesse de l’envoi en Palestine d’une mission parlementaire représentative de tous les groupes sous la conduite du président lui-même pour établir des liens avec le Conseil législatif palestinien.
L’idée générale est de porter le débat de la rue - du mouvement de solidarité - au cœur des institutions politiques et du système de décision. Du même coup l’efficacité et l’utilité de la pratique de la pétition sont démontrées.
Résultats
Il faut rappeler ici brièvement le travail considérable de nombreux groupes locaux pour cette pétition ainsi que celui de la Plateforme des ONG (élaboration et diffusion des plaquettes) et du CNP (élaboration et sortie du 4 pages). Certains ont tendance à oublier, ou même à mépriser, ce travail parfois fastidieux, avec ses moments d’incertitude. Mais il est une condition d’une certaine efficacité politique du travail institutionnel pour espérer peser sur les pouvoirs de décision.
Un premier bilan de la délégation peut être tiré :
Le président de l’AN a non seulement explicitement reconnu la légitimité de la pétition comme forme d’expression citoyenne, mais il en a reconnu aussi et surtout la légitimité sur le fond : sa condamnation du Mur est sans ambiguïté. Ce qui était inattendu car c’était la première fois qu’une haute autorité de l’Etat se prononçait publiquement sur ce sujet.
Le président de l’AN par ailleurs a reconnu la possibilité - en nous précisant la démarche à suivre - et même la légitimité d’un débat de l’AN sur ce problème, débat qui serait conclu non pas par le ministère des Affaires étrangères mais par le Premier ministre, et qui obligerait le gouvernement à prendre position.
Le président de l’AN a reconnu la possibilité et l’intérêt politique de l’envoi en Palestine d’une mission parlementaire représentative de l’ensemble du Parlement, ce qui aurait une signification plus grande qu’une mission parlementaire d’une commission.
Sur les questions concernant la nécessité pour le pouvoir français d’intervenir aujourd’hui pour faire pression sur le gouvernement israélien, Jean-Louis Debré a précisé qu’à la demande des Palestiniens, aujourd’hui, et probablement pendant une période qu’il estime assez courte, la priorité était d’encourager les deux parties à entamer un processus politique. Il n’a donc pas exclu que, dans un temps assez proche, le pouvoir français intervienne plus activement, en liaison ou non avec l’UE, sur le pouvoir israélien.
Remarques finales
Il faut préciser que la rencontre a eu lieu avec le président de l’AN comme instance de représentation et non avec le gouvernement comme instance de pouvoir. Par conséquent, il ne fallait pas attendre de lui qu’il prenne la moindre position ou le moindre engagement sur la politique du gouvernement français.
La conception du rapport du mouvement avec les institutions politiques doit être rappelée. Il ne s’agit pas essentiellement de dénoncer de manière plus ou moins systématique la politique française (même s’il faut le faire parfois face aux décideurs politiques dans un cadre adéquat) mais il s’agit de créer d’abord les conditions pour faire progresser le monde des décideurs politiques dans le sens que nous souhaitons pour franchir une nouvelle étape. Le but est d’exercer une pression pour renforcer la prise en compte de nos objectifs politiques dans les lieux de décision.
Aujourd’hui, le résultat positif de cette délégation doit permettre au mouvement de solidarité de franchir une nouvelle étape, en particulier auprès des différents élus, locaux et nationaux, et même européens. Il doit donc assurer une nouvelle avancée de la force de l’opinion publique qui, en dernière analyse, joue un rôle décisif.
C’est ce qu’a exprimé à la conférence de presse le président de l’Association des Palestiniens de France (APF) pour qui le résultat est « formidable » et, a-t-il ajouté, « inespéré ».