Comment s’organisera la vie sur les bateaux ? Pourra-t-on téléphoner ? Qui s’occupera de l’intendance et de la cuisine ? Comment se laver ? Que faire face à un militaire suréquipé ? Autant de questions auxquelles se sont efforcés de répondre lundi soir nos capitaines et les organisateurs chargés du dispositif mis en place pour assurer la sécurité aux passagers.
1. D’ABORD, S’EQUIPER
Heureusement, avant de partir, les coordinateurs de la campagne "Un bateau français pour Gaza", ont eu la bonne idée de nous adresser une liste de matériel à emporter. Liste ô combien nécessaire pour les nombreux navigateurs en herbe que nous sommes. D’abord, c’est l’évidence, mieux vaut disposer d’un tapis de sol et d’un duvet. Epais si possible pour ce dernier : nous manquons de couchettes et les nuits passées sur le pont s’annoncent fraîches. Pour compenser la faible lueur des ampoules une fois le jour tombée, l’acquisition d’une lampe frontale est également vivement encouragée.
Pendant la journée, un bon tube de crème solaire et des lunettes teintées devraient suffire. Reste l’épineuse question de la propreté. Nous disposerons d’un litre et demi d’eau claire par jour et par personnes pour nous hydrater et satisfaire à un minimum de toilette. Est-ce que cela suffira ? Il est apparemment possible de se laver à l’eau de mer à condition de se sécher très rapidement. Les moins audacieux opteront pour des lingettes ou des éponges. Sans oublier les médicaments contre le mal de mer, pour les terriens les plus bornés.

2. ORGANISER LA VIE EN COMMUNAUTÉ
Pas question de traîner sur le pont à guetter la vague. Tout le monde devra participer aux corvées. J’ai cru comprendre qu’une équipe serait dédiée aux tâches culinaires, le reste (ménage, rangement, travaux de bord en tout genre) étant réparti entre les différents passagers.
Alain Connan, le capitaine du "Louise Michel", nous a prévenus : lui et son second, Jo Le Guen, sont "les seuls maîtres à bord après Dieu, et même avant parfois". Nous ne pouvons abandonner le bateau que s’ils nous en donnent pas l’ordre. "C’est très important, précisent-ils. Trop de gens meurent noyés parce qu’ils décident de sauter du navire en cas d’avarie".
3. SE PRÉPARER A L’ARRAISONNEMENT
Les passagers grecs et suédois ont paraît-il passé plus de 11 heures à se préparer à un éventuel assaut. Un de leurs formateurs est venu lundi soir nous proposer d’en faire autant. Spécialiste de la résistance non violente, Stellan Vinthagen, a une longue expérience des arrestations plus ou moins musclées. Il a même passé plusieurs mois sous les verrous après avoir détérioré des lanceurs de missiles nucléaires sur une base américaine. Le but de l’"entraînement", si nous acceptons d’y participer, consiste à nous apprendre à réagir "en situation".
"Je doute que les soldats tirent sur nous, explique l’éminent professeur, mais ils emploieront sûrement des armes non-létales : canons à eau, grenades assourdissantes et lumineuses, des chiens peut-être..." Pour prévenir tout dérapage tragique, les passagers doivent s’engager à ne pas franchir "huit lignes rouges". En résumé, il est formellement interdit :
– D’initier le contact physique avec les soldats,
– De sauter dans l’eau,
– De jeter des objets aux soldats,
– De démarrer un feu sur le bateau,
– D’utiliser les extincteurs (sauf en cas d’incendie provoqués par les soldats),
– D’utiliser des objets qui pourraient passer pour des armes,
(Précision : tous les bateaux sont tenus d’être équipé d’une hache en cas d’incendie et il va de soi que les cuisiniers disposent de couteaux pour préparer la pitance)
– De respecter les rôles définis à l’avance au sein du groupe,
– De tenter quoi que ce soit une fois que les soldats ont pris le contrôle du bateau.
Les organisateurs de la flottille veulent absolument se prémunir contre d’éventuelles accusations d’agressivité relayées par l’armée israélienne. Les plus déterminés des passagers pourront toujours refuser de se plier aux ordres. La désobéissance légère est tolérée. A bon entendeur...
Elise Barthet