Caché parmi les pins et les oliviers, sur les collines qui entourent la ville palestinienne de Beit Sira, qui se situe juste au-delà de la Ligne Verte en face de la ville israélienne de Modi’in, il y a une rangée de poteaux de fer en train de rouiller qui dépassent de la pierre. Les rainures dans la pierre recueillent l’humidité et servent d’habitat à la mousse et à la sariette à feuilles blanches. Les barres sont ici depuis près de 60 ans, datant de l’époque d’avant la tentative d’Israël d’effacer le souvenir de la Ligne Verte, et la ligne de cessez-le-feu de 1949 avec la Jordanie a été marquée en utilisant les maigres moyens disponibles. Aujourd’hui, cependant, il n’y a pas de véritable moyen de savoir où se trouve le tracé de la Ligne Verte.
“Après que la Ligne Verte a été tracée sur les cartes, les Jordaniens ont refusé de la marquer sur le terrain,” déclare Gidéon Biger, professeur émérite de géographie de l’Université de Tel Aviv. “Nous avons marqué la ligne dans les années 1950,” remarque-t-il, “mais afin de ne pas avoir d’affrontement avec les Jordaniens nous avons utilisé de vieux barils, des barres de fer et toutes sortes d’autres objets.” Israël a placé les jalons à quelques dizaines de mètres à l’intérieur de son territoire, remarque-t-il, en ajoutant, “les Jordaniens nous observaient et nous surveillaient pour s’assurer que nous ne mettions rien dans un endroit dont ils pensaient qu’il était à eux. Dans ce cas, ils nous avertissaient par des coups de feu.”
La Ligne Verte a été établie en tant que ligne de cessez-le-feu entre Israël et la Jordanie dans les accords de l’armistice de Rhodes en 1949. Par la suite, elle est devenue la frontière invisible entre Israël et les territoires qu’Israël a conquis dans la Guerre des Six-Jours en 1967. Elle est transparente pour la plupart des Israéliens, grâce aux efforts de leur gouvernement pour l’effacer de la conscience des citoyens de ce pays. Mais pour les Palestiniens, elle est aussi infranchissable qu’une frontière faite de béton, à la fois en tant que structure de pensée et sous la forme de l’actuelle barrière de séparation qu’Israël a construite ces dernières années. D’un côté il y a un régime de gouvernement militaire, et de l’autre une démocratie florissante.
La Ligne Verte n’a jamais été reconnue en tant que frontière par les Nations Unies. En fait la seule résolution de l’ONU jamais adoptée au sujet de la frontière orientale d’Israël est l’accord de partage de novembre 1947. Toutefois, dans une audience de 2004 sur la barrière de séparation, la Cour de Justice Internationale de l’ONU a laissé entendre qu’elle reconnaît le statut de la Ligne Verte comme étant celui d’une ligne de frontière. A partir de l’ “avis consultatif” émis par le tribunal, on pourrait même en déduire qu’elle n’aurait pas statué contre Israël (comme elle l’a fait, en qualifiant la barrière d’illégale) si le mur avait été construit en suivant le tracé de la Ligne Verte.
“Nous célébrons le 50ème anniversaire de l’effacement de la Ligne Verte,” m’a dit le géopoliticien Oren Yiftachel de l’Université Ben-Gurion à Be’er Sheva, en ajoutant, “si vous entrez dans les salles de classe ou dans les ministères du gouvernement, il n’y a pas de Ligne Verte. Mais pour les Palestiniens, c’est une barrière. Ils ne peuvent la franchir sans autorisations.” La Ligne Verte est un instrument israélien de domination, observe-t-il. “C’est un instrument qui est mentionné en cas de besoin. Un Palestinien de Ramallah qui veut assister à une réunion d’affaires à Tel Aviv a besoin d’une autorisation, d’une invitation préalable, doit prouver qu’il a plus de 55 ans et qu’il ne fait l’objet d’aucun dossier sécuritaire, et doit accepter une fouille au corps. Tout à coup la Ligne Verte est ressuscitée.”
Israël et la Jordanie ne se sont jamais donné la peine de marquer la Ligne Verte avec exactitude, parce qu’ils pensaient qu’elle serait temporaire. Selon Biger, les cartes utilisées par l’ONU pour l’accord de Rhodes dataient du début de la 2ème Guerre Mondiale. En outre, l’échelle des cartes, au 1/20.000e, n’était pas très précise.
“Chaque partie pensait qu’elle était temporaire et qu’en fin de compte elle serait modifiée pour devenir une ligne régulière de frontière, donc ils n’ont pas été si minutieux quant à son traçage,” explique Biger. “Ils ont aussi utilisé un crayon gras vert (à la mine) de deux ou trois millimètres d’épaisseur, qui représente 60 mètres sur la carte, ce qui commence à poser problème.” En plus de cela, les nouveaux feuillages et l’érosion des sols ont modifié le terrain depuis que les lignes de cessez-le-feu ont été tracées il y a 68 ans.
“Toute précision est impossible,” déclare Biger. “Chacun peut placer la ligne où il veut avec un écart de 100 mètres et plus. Et 100 mètres peuvent faire la moitié d’un vignoble ou la moitié d’un verger.”
Les tracés inconsidérés sur les cartes en 1949 se sont transformés en problèmes substantiels. En janvier dernier, certains habitants de Tzur Hadassah, une ville juste à l’intérieur de la Ligne Verte, à 25 kilomètres à l’Ouest de Jérusalem, ont été indignés en découvrant qu’un nouveau quartier de la ville était en construction par erreur de l’autre côté de la Ligne Verte, en Cisjordanie. Dans un message sur Facebook, un habitant, Haim Weiss, a fait l’observation que ceci était « une information dérangeante » et a mentionné qu’un groupe de gens du coin s’étaient réunis “afin d’étudier comment ramener Tzur Hadassah en Israël.” Toutefois, un “petit problème” s’est posé : “Personne ne sait exactement où passe la Ligne Verte. Chaque membre du gouvernement a sa propre idée de la Ligne Verte, avec de légères différences.”
Le Professeur Biger fait remarquer que la frontière telle qu’elle apparaît sur les Cartes de Google, sur lesquelles beaucoup de gens comptent pour qu’elles leur montrent où est la Ligne Verte, n’est pas officielle. “C’est une ligne que Google a tracée,” dit-il.
Dans les premières années après 1949, Israël a essayé en divers endroits de donner une représentation concrète à la Ligne Verte, pour trouver finalement que la carte officielle était inexacte. Dans certains endroits, la ligne traversait des villages qui avaient grandi depuis que les cartes avaient été établies. En conséquence, la Jordanie et Israël se sont mis d’accord sur des échanges territoriaux pour permettre aux gens concernés de mener une vie normale. On n’a pas réussi à mettre oeuvre cette solution dans le village de Barta’a en Galilée, ce qui s’est terminé par une moitié du village en Israël et une moitié dans ce qui dépend maintenant de l’Autorité Palestinienne – et pour finalement être concrètement divisé en deux par la barrière de séparation.
Dans un autre cas, Israël a refusé d’entériner une partie de la Ligne Verte, parce qu’elle passait au travers d’une ligne ferroviaire existante et laissait des portions des voies vers Jérusalem et Lod aux mains des Jordaniens. Afin de permettre l’accès au rail à toutes les parties du pays, il a été décidé que les sections qui étaient importantes pour les activités ferroviaires resteraient des îles sous souveraineté israélienne. De cette façon, la gare de la ville de Qalqilyah, en Cisjordanie, fut déclarée faire partie d’Israël. “Naturellement le train ne s’arrêtait pas là,” remarque Biger, “mais si quelque chose tombait par la fenêtre, cela tombait en territoire jordanien.” Il ajoute qu’a cause de ces petits échanges, Wadi Ara, à l’importante population arabe, fait aussi partie maintenant du Nord d’Israël.
La route qui traversait cette région (aujourd’hui la Route Nationale 65) reliait le centre du pays au Nord, Biger déclare : “les villages portant le nom de « Triangle » de Wadi Ara furent transférés (à Israël) de façon à ce que nous puissions aller de Hadera à Afula. Nous l’avons fait de façon à ce que l’ensemble de la ligne ferroviaire soit dans notre territoire, et à la suite de cette décision la ligne (verte) est dans certains endroits presque contigüe à la voie ferrée.”
Parmi ceux qui ont bénéficié, ou peut-être perdu, des efforts pour que la Ligne Verte passe le long de la voie ferrée il y a les habitants de Beit Safafa, une petite ville voisine de Jérusalem et qui est aujourd’hui un quartier de cette ville. Certains d’entre eux sont devenus des citoyens israéliens quand Israël a reçu de la Jordanie des secteurs dans lesquels passait la voie ferrée. Ceux qui restaient éloignés de la voie ferrée ont à ce jour le statut de résident, parce que leur maison est restée en territoire jordanien jusqu’en 1967.
Mais la conscience du caractère temporaire de la Ligne Verte a donné naissance à des phénomènes beaucoup plus bizarres sous la forme de zones-tampons et de régions-frontières. Dans certains endroits où Israël et la Jordanie avaient indiqué leurs positions, deux lignes (vertes) ont été créées : celle occidentale des avant-postes de l’armée israélienne, et celle orientale de la Légion Arabe (nom donné à l’armée jordanienne). La raison de ceci, explique Biger, est que “les forces militaires étaient positionnées sur les sommets des collines mais les zones entre elles, telles que les vallées, n’avaient pas été divisées entre elles. Après que l’accord a été conclu, les Jordaniens, les Israéliens et les inspecteurs de l’ONU se sont rencontrés pour diviser le secteur à partir de Beit Guvrin vers le Nord en direction de Jérusalem. Ils ont atteint le Kibbutz Ma’aleh Hahamisha, mais les Jordaniens se sont arrêtés en restant attentifs. Par conséquent, deux lignes sont restées de Ma’aleh Hahamisha jusqu’au secteur du (village palestinien) de Beit Naballah.”
Aucun accord général n’existe aujourd’hui concernant le statut juridique de ces zones démilitarisées – qui comprennent le village judéo-arabe de Neve Shalom (l’Oasis de la Paix), le site touristique de “Mini Israël", des parties de l’Autoroute 1, et le village des Maccabim– parce que le droit international n’a jamais clarifié la question des zones-tampons qui sont conquises dans une guerre. Dans d’autres situations dans lesquelles Israël a conquis de telles zones, comme à Jérusalem et sur les Hauteurs du Golan, il leur a imposé une souveraineté légale. Mais Israël n’a pas annexé la charmante vallée tachetée de champs contigüe à Mevo Horon juste de l’autre côté de la Ligne Verte près du secteur de Latrun de l’Autoroute 1, entre Jérusalem et Tel Aviv.
Le droit israélien prévaut du côté israélien de la Ligne Verte. A l’issue de la conquête de la Cisjordanie, les Israéliens ont appliqué le droit militaire dans toutes les régions qui ont fait partie de la Jordanie. Mais l’accord de paix de 1994 avec la Jordanie, qui a transformé la Ligne Verte séparant les deux pays en une frontière internationale, n’a pas inclus la séparation entre Israël et la Cisjordanie. Les Accords d’Oslo des années 1990 ont institutionnalisé la séparation à l’intérieur de la Cisjordanie, qui a été divisée en Zone A (sous contrôle de l’Autorité Palestinienne), la Zone B (sous contrôle mixte) et la Zone C (sous entier contrôle d’Israël). Que reste-t-il des terres décrites ci-dessus – équivalant à une minuscule surface de 40 km2 où Israël n’a eu aucune présence avant 1967, où elle n’a pas appliqué le droit militaire après 1967 et qui n’ont pas été formellement annexées. Taba, une zone possédant un statut analogue, a été évoquée dans les négociations de paix entre Israël et l’Egypte, quand La Ligne Verte méridionale est devenue une frontière internationale. Finalement, une décennie après que les deux états ont signé un traité de paix, Taba a été attribuée à l’Egypte par un arbitrage international.
Route de non-droit
Le 12 août 1998, Zvi Pritash a été attrapé alors qu’il conduisait à 120 kilomètres à l’heure, 20 km à l’heure au-dessus de la limite légale à l’époque, sur l’Autoroute 1, l’autoroute Tel Aviv-Jerusalem. Dans un procès, il a soutenu que le code de la route israélien ne s’appliquait pas au tronçon de route sur lequel sa vitesse avait été mesurée, parce que c’était une zone-tampon qui ne faisait pas partie d’Israël.
Commentant l’affaire, Robbie Sabel, professeur de droit à l’Université Hébraïque de Jérusalem et ancien conseiller juridique auprès du Ministère des Affaires Etrangères, m’a dit qu’il n’était pas clair de savoir quel droit s’appliquait dans cette zone. “Le droit israélien est appliqué en Israel, (et) nous avons placé les régions que nous avons conquis sur la Jordanie sous administration militaire,” a-t-il remarqué. “La question était : quel droit s’applique à la zone de Latrun, qui n’était pas une possession de la Jordanie avant la guerre ? Pourquoi était-ce important ? Parce que la principale route de Jérusalem à Tel Aviv passait par là.”
Selon Sabel, un certain nombre de personnes qui ont reçu des contraventions dans cette zone ont soutenu que si l’infraction avait eu lieu en Israël, ils auraient pu être traduits en justice, ainsi qu’il l’auraient pu dans les secteurs sous administration militaire israélienne. “Mais ici, ce n’est ni l’un ni l’autre.”
En réponse à l’exploitation de cette lacune juridique par les contrevenants, le conseiller juridique auprès du Ministère des Affaires Etrangères a fait paraître un « Certificat du Ministère des Affaires Etrangères » – deux lettres visant à clarifier les mesures concernant un différend spécifique dans ce secteur. “En raison du manque de clarté juridique, la Police d’Israël s’abstient d’émettre des contraventions dans l’ancienne zone-tampon. Toutefois, de l’avis de toutes les personnes impliquées, cette mesure particulière doit être abandonnée, et il est souhaitable de mettre en oeuvre l’application du droit israélien ,” a déclaré une des lettres.
Selon le Professeur Sabel, le certificat a été rédigé en concertation avec le procureur général et avec l’ancien président de la Cour Suprême, Meir Shamgar. Toutefois, remarque Sabel, rien n’a été dit au sujet des circonstances judiciaires qui ont entraîné l’application du droit israélien dans le secteur. “Elle déclare qu’en pratique, le droit israélien s’applique là, sans expliquer pourquoi. La vérité est qu’il n’y avait aucune recommandation judiciaire.”
En plus de l’erreur d’appliquer le droit israélien au secteur sans annexion officielle, le conseiller juridique du Ministère des Affaires Etrangères a fait une seconde erreur : il a été trop précis. En appliquant le droit israélien, il s’est référé principalement aux infractions au code de la route, et par conséquent a précisé le secteur entre le kilomètre 30 et le kilomètre 31 de l’Autoroute 1, “avec une précision de plus ou moins 50 mètres.”
Des années après, en 2005, cette erreur a épargné à un habitant de Neve Shalom une condamnation judiciaire pour avoir transporté un Palestinien qui était illégalement en Israël. Eitan Kramer, un homme vigoureux âgé de 65 ans débordant d’humour, raconte qu’il conduisait, un Palestinien dans sa voiture, sur la route derrière la piscine du village. Kramer a déclaré dans sa défense qu’il n’était pas sur une terre de l’état et que par conséquent le Palestinien n’avait pas besoin d’une autorisation.
Le Juge Alexander Ron du Tribunal Correctionnel de Beit Shemesh a expliqué que les documents du Ministère des Affaires Etrangères ne sont pas valides dans le secteur de Neve Shalom. Dans un jugement motivé, long et détaillé, il a statué que Neve Shalom est en dehors de l’Etat d’Israël. Le Juge Ron a estimé que les documents du Ministère des Affaires Etrangères ne sont pas autre chose qu’un ensemble de souhaits et se contredisent en partie. Il a ajouté qu’Israël n’a pas délimité ses frontières et que la Knesset n’a pas, non plus, légiféré en ce qui concerne la délimitation précise des frontières de l’état – “et cela n’est pas, selon mon jugement, par hasard,” a-t-il écrit dans sa décision.
“Cela montre juste combien nous sommes perturbés, parce que le pays n’a pas de frontière,” a dit Kramer, en riant. Il est convaincu que le Juge Ron savait très bien que son jugement était subversif. “Il a fait un travail sérieux, (a mené) une étude complète, parce qu’il voulait être provocateur. C’est pourquoi j’ai été acquitté.”
Au début du mois dernier, Kramer cheminait sous le soleil brûlant en plein champ en bas du village judéo-arabe. Les mains blanches de plâtre, il peignait des carrés sur le sol en délimitant des places de parking pour les participants à la Marche de la Ligne Verte du village, dont le point de départ devait se situer au monastère proche de Latrun. La marche a eu lieu pour marquer le 50ème anniversaire de la Guerre des
Six-Jours et pour que les gens reprennent conscience de l’existence de la Ligne Verte.
Yael Agmon de Machsom Watch (Observatoire des Checks-Points), l’association des militantes pacifistes israéliennes qui avait organisé la marche, a rapporté qu’elle et ses collègues avaient eu du mal à se mettre d’accord sur l’itinéraire de la marche. “La ligne n’est même pas sur les cartes, parce que l’Etat d’Israël l’a effacée,” a-t-elle déclaré, dans un interview téléphonique. “Quand j’étais jeune, elle figurait sur toutes les cartes et il était clair qu’elle était la frontière.”
Elles espéraient que les gens de Neve Shalom auraient pu leur dire où était la ligne (verte), mais en fin de compte l’itinéraire a été fixé en fonction d’une autorisation de la police. « Nous ne sommes pas réellement sur la Ligne Verte, mais nous sommes en train de la tracer pour servir de catalyseur à un débat sur la question. Nous savons que les frontières bougent, donc nous avons aussi le droit de bouger un peu vers la gauche ou vers la droite.”
Il y a eu aussi à Jérusalem des secteurs au statut semblable, mais un travail minutieux de délimitation a été effectué après la Guerre des Six-Jours dans les secteurs imprécis, afin de permettre l’annexion de la partie Est de la ville.
“C’était très compliqué à Jérusalem, parce que il s’y trouvait des zones démilitarisées,” déclare Gideon Biger, en ajoutant, “Nous avons fait un grand nombre d’agrandissements (de la carte), et il y a même eu un débat pour savoir qui étaient les propriétaires de la zone sous la ligne tracée. Cela paraît drôle, mais c’est une question de 40 mètres, et dans une ville 40 mètres cela veut dire des bâtiments entiers.”
C’était le statut sans grand fondement de certaines zones à Jérusalem qui a rendu possible la construction de la Route N° 60, connue aussi sous le nom de Route N°1, qui traverse la ville du Nord au Sud. Biger : “Il a été possible de construire la large route parce que la plupart des maisons dans les zones en question avaient été abandonnées, parce qu’elles étaient dans l’(ancienne) zone-tampon. Elles remplissaient tout simplement les critères pour être démolies, de façon à ce que cette route de quatre à six voies puisse être construite.”
Quand Israël a annexé Jérusalem l’état a pris possession de tous ces zones, “mais quand le temps viendra de délimiter les lignes, une réponse devra être trouvée pour notre Jérusalem éternelle, unique et
unifiée ,” ajoute ironiquement le professeur.
Surpris d’être colons
Jérusalem et Neve Shalom ne sont pas les seuls endroits dont le statut juridique a été remis en question. En 2012, des habitants des Maccabim ont été stupéfaits quand l’Union Européenne a déclaré que leurs maisons faisaient partie d’une colonie en Cisjordanie.
“Cela dépend de la carte que vous regardez ” déclare Igal Carmi, le président du Comité Olympique Israélien et l’un des fondateurs des Maccabim (qui aujourd’hui est incorporé par regroupement à Modi’in et Re’ut). L’association sportive des Maccabi voulait créer un village dans cette région, parce que c’est là où les Maccabées de la gloire de Hanukkah ont livré leurs batailles . “le principe tenait que le pays des Maccabées était vide toutes ces années, et nous, les nouveaux Maccabées, allions nous établir dans la région,” dit Carmi.
L’emplacement de la localité a été décidée par Ariel Sharon, en sa qualité, à l’époque, de ministre de l’agriculture et de président du comité ministériel pour la colonisation, au début des années 1980. “On nous a donné une colline, et Sharon devait approuver le site,” rappelle Carmi. “Il est allé au village palestinien voisin de Beit Sira, s’est arrêté sur sa haute colline où est située la mosquée, a regardé dans la direction des Maccabées, où il n’y avait rien, et a choisi finalement un nouvel emplacement.”
Sharon, dit-il, voulait construire les maisons près de la Route 443, qui relie la Métropole de Tel Aviv et Jérusalem via Modi’in : “Il a déclaré que cette colline serait meilleure, parce qu’elle est juste au bord de la route. Comme si nous étions un avant-poste militaire.”
Même après que la localité a été placée dans une zone-tampon, Sharon a essayé de persuader les habitants de franchir la Ligne Verte pour entrer en Cisjordanie. “Il nous a dit, les gars, pénétrez sur cinq kilomètres dans cette région et vous obtiendrez l’aide de l’état. « Nous lui avons dit, « Non, merci. » L’ensemble des Maccabim, de A à Z, est construit avec notre argent,” remarque Carmi.
Les nouveaux habitants n’ont jamais cessé de se demander pourquoi on leur a donné ce bout de terre en particulier. “J’ai le regret de vous dire qu’aucune réflexion n’a accompagné cette décision. Quand des centristes font quelque chose, ils ne réfléchissent pas toujours aux implications (politiques). Ni droite, ni gauche, que ce soit au centre.” Il ajoute, “Nous n’avons jamais été accusés d’être des colons, nous n’avons jamais pensé que nous étions des colons et cela n’a jamais été un sujet de discussion. Nous sommes un quartier de Tel Aviv, bien qu’en étant un peu éloigné de cette ville,” dit-il en riant.
Mais il s’avère que, comme Neve Shalom, l’état n’a jamais annexé officiellement les Maccabim ni les autres villages proches : Kfar Ruth, Lapid and Shilat. “L’UE a raison de dire que ce n’est pas une partie d’Israël, parce que nous n’avons pas délivré pour eux de Certificat du Ministère des Affaires Etrangères,” remarque Robbie Sabel, l’ancien conseiller juridique du ministère, en ajoutant, “L’UE n’a pas affirmé que c’était un territoire jordanien, mais a véritablement déclaré qu’il n’appartenait pas à Israël avant 1967.”
Selon Sabel, ces zones grises pourraient être concernées par un article de droit international. “Une zone peut être considérée comme territoire d’état si un état l’administre depuis des années et si personne ne conteste ceci. Vous pouvez affirmer au sujet de cette zone que personne n’a contesté que les Israéliens y exercent l’autorité. Ceci est connu sous le nom de « délai de prescription. » A Latrun, il est possible que les Palestiniens aient dit quelque chose au sujet de (leur) souveraineté. Mais je n’ai jamais entendu d’affirmation selon laquelle le territoire des Maccabim leur appartient , si bien que l’on peut affirmer la prescription légale, qui est reconnue dans le cadre du droit international.”
Néanmoins, Oren Yiftachel, le géopoliticien, soutient que dans les négociations, qu’elles soient passées ou futures, les colonies dans les zones-tampons sont traitées de la même manière que les colonies de Cisjordanie en termes de droit.
« Ce qui caractérise les zones-frontières comme celles-ci,” dit-il, “c’est qu’au stade de l’accord final, il n’ira pas de soi qu’elles sont sous souveraineté israélienne. Des arrangements spéciaux seront éventuellement décidés, comme il y en a eu entre Israël et la Jordanie dans la zone du désert d’Arava. Ils pourraient s’accorder sur une souveraineté à 50-50 %, mais parce qu’il y a déjà des communautés qui vivent là, Israël louera la zone de toute façon et les Palestiniens obtiendront quelque part ailleurs un territoire de substitution. Mais cela dépend des négociations.”
Selon Biger, Israël est conscient de la situation particulière des zones-tampons et a déjà abordé la question lors de la Conférence d’Annapolis en 2007. “Il y a eu une proposition, selon laquelle, parce que nous utilisons cette zone dans son ensemble, nous en prendrons possession pour nous. Mais elle entrera dans le compte de compensation en application du principe d’un dunam (1/4 acre ou 1/2 hectare environ) en échange d’un dunam,” déclare-t-il. “En d’autres termes, nous ajouterions le territoire au nôtre, et nous trouverions alors quelque part ailleurs 40 kilomètres carrés au plus à leur donner.
“J’ai assisté à plusieurs négociations préalables avec les Palestiniens,” dit Biger. “Ils sont très bien au courant de l’emplacement des lignes. Quand le jour viendra, ils sortiront leurs copies des cartes et débattrons de ces régions et de la Ligne Verte. Mais d’abord ils auront à comprendre où c’est.”
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers