Le match de préparation à la Coupe du monde de football 2018 entre Israël et l’Argentine, prévu samedi à Jérusalem, a été annulé mardi 5 juin sous la pression des Palestiniens. Ceux-ci avaient appelé le joueur argentin Lionel Messi à ne pas y participer, craignant une récupération politique de l’Etat hébreu.
Participer à cette rencontre sportive dans la ville sainte revenait, selon eux, à légitimer la politique israélienne après la décision des Etats-Unis de reconnaître Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu, et alors que plus d’une centaine de Palestiniens ont été tués ces dernières semaines dans la bande de Gaza. A Barcelone, en Espagne, des militants propalestiniens avaient manifesté en exhibant des maillots de la sélection argentine tachés de faux sang.
Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques et auteur de L’Empire foot (Armand Colin), estime que l’annulation de ce match « crée un précédent » et constitue un « camouflet » pour Israël.
Quel impact l’annulation du match a-t-elle sur Israël ?
C’est un coup terrible et un camouflet pour le pays au moment où le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, triomphe sur le plan diplomatique en étant reçu partout, sans que personne fasse pression sur lui.
Le danger le plus important qui le guettait était de se retrouver au cœur d’une campagne d’opinion publique. Même s’il n’y a pas de lien direct entre la campagne BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) et l’annulation du match, cela apparaît comme un boycott d’Israël par l’Argentine. La popularité de Lionel Messi, l’importance et la visibilité du football dans le monde sont telles que cela donne aussi à cette histoire une publicité sans commune mesure.
Benyamin Nétanyahou a appelé le président argentin pour essayer de maintenir le match, mais sans succès.
L’Argentine a-t-elle sous-estimé l’émoi que cette rencontre pourrait provoquer ?
En acceptant ce match, la Fédération argentine de football n’avait sans doute pas imaginé que cela provoquerait autant de manifestations. Les joueurs ont préféré ne pas le jouer pour ne pas être associés à la politique israélienne, estimant que cela reviendrait à donner un blanc-seing à l’Etat hébreu au moment où des dizaines de Palestiniens sont tués à Gaza.
Y a-t-il déjà eu des précédents ?
Oui, mais cela reste très rare. L’exemple le plus célèbre, c’est quand l’équipe de football de l’Union soviétique avait refusé d’aller jouer au Chili après la prise de pouvoir de Pinochet, en 1973.
Il arrive aussi souvent que des athlètes arabes refusent de serrer la main à des joueurs israéliens. Mais là, cela dépasse le cadre traditionnel, car l’Argentine n’est pas directement concernée par le conflit israélo-palestinien. En refusant de jouer, elle porte un jugement sur ce conflit.
L’annulation du match peut-elle avoir des répercussions diplomatiques ?
Non, mais c’est un signal très fort. Cela signifie qu’aller en Israël et à Jérusalem ne va pas de soi, et que ce ne sont pas des destinations anodines. D’autres vont forcément se poser la question à l’avenir. Cet épisode constitue en cela un précédent.
Israël a très peur qu’un parallèle soit dressé avec l’Afrique du Sud, dont le boycott dans les années 1970, pendant la ségrégation, avait commencé par un boycott sportif.
Quel poids diplomatique le football a-t-il ?
Il est important, mais c’est surtout la visibilité du football qui est immense, car des milliards de personnes suivent ce sport. Lionel Messi est connu dans le monde entier, bien davantage que le président argentin. L’impact politique et médiatique de cette affaire est donc énorme, et fera date.