Photo : Arrivée de la délégation palestinienne à Paris, 25 juillet 2024 © Palestine Olympic Comittee
Le club Al-Salah de Deir al-Balah est l’une des rares installations sportives de Gaza encore debout.
« Le club est désormais un sanctuaire... les personnes déplacées viennent s’y réfugier », explique Sobhi Mabrook, l’entraîneur du club de football de deuxième niveau, à Middle East Eye.
« Nous avons envisagé de reprendre les activités sportives, mais nous n’avons pas pu. C’est impossible. C’est un symptôme de la guerre d’Israël contre Gaza, en particulier contre le sport ».
Al-Salah, qui était autrefois un centre d’entraînement pour des centaines d’athlètes, était un incubateur de différents sports, dont le judo, le karaté, le handball et la lutte. Mais tout a changé lorsque l’assaut israélien sur Gaza a commencé le 7 octobre.
Les bombes israéliennes ont tué de nombreuses stars talentueuses du club.
Pour ceux qui sont encore en vie, le ciblage israélien des installations sportives et les tactiques délibérées de privation de nourriture les ont rendus inaptes et affaiblis.
Pour l’entraîneur du club, Mabrook, lui-même ancienne star du football, les Jeux olympiques de Paris s’ouvrent vendredi dans l’ombre des crimes violents commis par Israël.
« Nous verrons des olympiens palestiniens la semaine prochaine. J’espère que nous pourrons voir et célébrer leurs triomphes », a-t-il déclaré en faisant référence aux huit athlètes qui représenteront la Palestine aux Jeux.
« Malheureusement, tous n’ont pas cette chance. Nous sommes occupés et marginalisés. C’est la réalité indéniable de la vie à Gaza ».
Israël viole l’ancienne « trêve olympique »
Selon le Comité olympique palestinien, environ 400 athlètes palestiniens ont été tués par les forces israéliennes au cours des dix derniers mois.
Cette semaine, l’organisme palestinien a écrit au Comité international olympique (CIO) pour demander qu’Israël soit banni des Jeux en raison de la guerre qu’il mène à Gaza.
Cette demande s’ajoute aux efforts déployés par la Fédération palestinienne de football pour qu’Israël soit également exclu de la Fifa.
« Nous avons soumis toutes les preuves au CIO et à la Fifa pour bannir les athlètes israéliens », a déclaré Nader al-Jayooshi, secrétaire général adjoint du Comité olympique palestinien, à MEE.
Ces preuves comprennent des détails sur la rupture par Israël d’une ancienne trêve olympique, quelques heures seulement après son entrée en vigueur le 19 juillet.
La trêve olympique, qui remonte à la Grèce antique au huitième siècle avant notre ère, appelle à l’arrêt des combats avant les Jeux.
M. Jayooshi a déclaré qu’Israël avait enfreint le droit international, ainsi que les statuts du CIO et de la Fifa.
Il a cité des exemples d’athlètes israéliens participant aux Jeux olympiques de cette semaine qui ont servi dans l’armée israélienne ou qui l’ont soutenue publiquement.
« Malgré toutes les preuves soumises aux deux comités, nous n’avons malheureusement reçu aucune réponse positive. C’est absolument inacceptable », a-t-il déclaré.
Le CIO a réitéré cette semaine son rejet des appels à la suspension d’Israël.
Il a été accusé de faire deux poids deux mesures, après avoir interdit les Jeux à la Russie et à la Biélorussie en raison de la guerre en Ukraine. Les athlètes russes et bélarusses ne peuvent participer qu’en tant que neutres, sans drapeaux ni hymnes.
Mirna Mehdi, 17 ans, passionnée de sport à Gaza, estime que les droits humains sont appliqués de manière sélective.
« La Russie a été interdite... et Israël commet un génocide et échappe à l’interdiction », a déclaré Mirna Mehdi à MEE.
« Il semble que nous vivions dans un monde différent où les droits humains s’appliquent à des catégories spécifiques », a-t-elle ajouté, les larmes aux yeux.
« J’ai perdu mes rêves, mes coéquipiers, tout ».
Les assassinats d’athlètes palestiniens par Israël ont commencé dès les premiers jours de la guerre, lorsque le footballeur Nazir al-Nashnash a été tué par un missile israélien dans le nord de la bande de Gaza.
En novembre, Ibrahim Qusaya et Hassan Zuaiter, deux membres de l’équipe nationale palestinienne de volley-ball, ont été tués par une frappe aérienne israélienne sur le camp de réfugiés de Jabalia.
Un mois plus tard, Bilal Abu Samaan, entraîneur de l’équipe nationale d’athlétisme, a été tué lors d’un raid aérien israélien.
Muhammad Barakat, qui jouait pour l’équipe nationale de football de Palestine, a été tué par une frappe aérienne israélienne dans le sud de Gaza en mars. Il était connu localement comme « la légende de Khan Younis ».
Le coureur de fond Majed Abu Maraheel, premier athlète olympique de l’histoire de la Palestine et porte-drapeau des Jeux de 1996 à Atlanta, est décédé en juin d’une insuffisance rénale due aux coupures d’électricité et aux pénuries de médicaments provoquées par la guerre et le siège israéliens.
Pour Naji al-Nahal, l’un des meilleurs footballeurs de Gaza et l’un des plus décorés, les derniers mois ont été consacrés à faire la queue pour obtenir de l’eau et de la nourriture, et à pleurer l’assassinat de ses entraîneurs et de ses collègues athlètes. Il n’a pas tapé dans un ballon depuis le 7 octobre.
« J’ai perdu ma passion, mes rêves, mes coéquipiers, ma maison... tout », a-t-il déclaré à MEE.
« C’est l’histoire de milliers de joueurs. J’ai eu de nombreuses opportunités à l’étranger pour jouer et relancer ma carrière. Mais la situation est insupportable. Je n’ai même pas pu payer les frais de coordination. »
Il a déclaré que les positions de la Fifa et du CIO sur la guerre étaient « honteuses ».
« Israël a détruit tout ce qui avait trait au sport à Gaza, y compris les clubs et les stades », a déclaré M. Nahal.
M. Jayooshi a réitéré ce point en déclarant que la guerre d’Israël contre Gaza signifiait que personne de l’enclave ne serait en mesure de participer aux Jeux olympiques.
« L’avenir du sport à Gaza semble totalement incertain, car presque toutes les installations sportives ont été détruites. Il nous faudra plus de dix ans pour reprendre les activités sportives dans la bande de Gaza », a-t-il déclaré.
Au moins 31 installations sportives et stades ont été détruits dans l’enclave, notamment les stades municipaux de Yarmouk, Palestine, Mohammed Al-Durrah, Beit Hanoun, Tuffah, Shujaiya, Shati, Beit Lahia, Rafah, Deir al-Balah, Nuseirat et Khan Younis.
En décembre dernier, le stade de Yarmouk, dans la ville de Gaza, a même été utilisé par les forces israéliennes pour détenir, dépouiller et torturer des Palestiniens.
Nous n’abandonnerons pas
M. Jayooshi a déclaré que malgré tout, « nos athlètes sont très enthousiastes et déterminés à faire de leur mieux aux Jeux olympiques et à surmonter toutes les difficultés, car nous avons un message à transmettre et une identité à préserver ».
Les huit athlètes palestinien présents aux Jeux olympiques dans les jours à venir participeront aux compétitions de taekwondo, athlétisme, natation, boxe, judo et tir à la carabine.
« Je ne sais pas comment je vais pouvoir regarder les Jeux », a déclaré le footballeur Nahal. « Je veux vraiment voir nos athlètes, mais les circonstances ne nous aident pas. Je leur souhaite simplement le meilleur. »
Mehdi, fan de sport, a déclaré qu’il était impatiente de voir et de soutenir les athlètes palestiniens.
« Les Jeux olympiques sont l’occasion d’en dire plus au monde sur nos luttes et nos souffrances pendant ce génocide. Les athlètes qui y participent sont notre voix », a-t-il déclaré. « Quel que soit le résultat, nous en serons fiers. »
Mme Jayooshi a réaffirmé que la Palestine persévérerait, quelles que soient la douleur et les injustices.
« En fin de compte, nous n’abandonnerons pas. Nous continuerons malgré toutes les blessures dans nos cœurs. Nous méritons une vie et un bon avenir comme n’importe quel autre être humain dans le monde. »
Traduction : AFPS