Rédigé par une équipe de recherche pluridisciplinaire, ce rapport constitue un précieux ouvrage de référence, et vient combler les manques pour qui veut appréhender, au regard du droit international, la situation du peuple palestinien ayant subi les transferts forcés, dans sa dimension historique et contemporaine.
D’une parution à l’autre, le sommaire est relativement identique mais les rédacteurs apportent des données complémentaires, ou développent certains points qui éclairent l’actualité.
Une longue histoire de transferts forcés
L’introduction et le premier chapitre sont consacrés à la chronologie des principales vagues de transferts de la population palestinienne, du mandat britannique jusqu’aux accords d’Oslo, puis à un long développement sur ce qui est nommé « ongoing Nakba », mettant à jour les faits constitutifs du processus continu de déplacements forcés qu’Israël orchestre des deux côtés de la ligne verte. Le rapport n’omet pas de désigner les conflits régionaux comme facteurs supplémentaires de nouveaux déplacements des réfugiés dans les pays hôtes (Syrie, Liban…).
9,17 millions de Palestiniens déplacés
Comment dénombrer et localiser les Palestiniens déplacés ? Cet exercice, lourd d’enjeux politiques, est complexe, et c’est tout l’intérêt du 2e chapitre « Population, nombre, répartition, caractéristiques ».
Les auteurs parviennent méthodiquement à agréger des données provenant de sources fiables mais couvrant une partie seulement de la population étudiée (UNRWA, OCHA Opt, HCR [1], Autorité palestinienne/Bureau central palestinien de statistiques) et ainsi que des estimations. Les chercheurs de BADIL ont établi une typologie basée sur le concept générique de « Palestiniens déplacés » qui inclut les réfugiés de 1948 et 1967 et les personnes déplacées internes en Israël et en Cisjordanie et Gaza (voir tableau ci-contre). Le résultat est salutaire, car aucun organisme public palestinien ou international n’a la compétence (ou la volonté) pour appréhender objectivement et de façon aussi exhaustive le résultat de la politique d’épuration ethnique d’Israël. Salutaire aussi parce que BADIL fait l’effort de vulgariser et d’illustrer la synthèse de son travail en produisant des graphiques et des cartes inédits [2].
Protection internationale insuffisante
Un troisième chapitre aborde les instruments juridiques prévus par le droit international pour assurer la protection des réfugiés. Il expose de façon détaillée pourquoi et comment les Palestiniens déplacés ont été et demeurent soumis à un traitement spécifique et dérogatoire, par les institutions onusiennes (HCR/UNRWA) ou à un traitement discriminatoire (Israël). Il souligne les caractéristiques du déficit de protection que subissent les réfugiés palestiniens. Enfin BADIL rappelle à toutes les parties leurs obligations : aux organismes internationaux, aux États – dont Israël –, et aux pays hôtes y compris ceux hors champ de l’UNRWA. Dans la dixième livraison « Survey 2019-2021 », une sous-partie « Responsabilité des pays hôtes : les États occidentaux » approfondit le sujet selon deux items : statut légal et enjeux politiques actuels. Le cas de la France (en p. 140-141 du rapport) peut être utilement communiqué aux juristes français, et particulièrement à ceux qui instruisent ou défendent les dossiers des demandeurs d’asile palestiniens devant la CNDA [3].
Que pensent les Palestiniens ?
Le dernier chapitre est toujours consacré aux résultats d’une enquête d’opinion conduite auprès des réfugiés installés dans différents pays, et plus particulièrement auprès de la jeunesse palestinienne réfugiée. Une démarche rare qui consiste à leur donner la parole sur les sujets qui concernent leur avenir : le droit au retour, l’engagement politique…
L’originalité et le sérieux, ainsi que l’engagement qui caractérisent les états des lieux produits par BADIL méritent d’être mis en valeur, et leur lecture fortement recommandée.
Odile Kadoura
BADIL, Rapport sur les réfugiés palestiniens et les personnes déplacées