Les organisations de la société civile expriment leur rejet total du Décret-Loi relatif à l’amendement à la Loi N°1 sur les associations caritatives et les organisations de la société civile et les amendements à celle-ci publiés dans les journaux officiels palestiniens le 2 février 2021. Ce décret-loi a été émis dans le cadre de plusieurs décrets-lois en vigueur qui sont rédigés dans le plus grand secret et derrière des portes closes et qui sont intervenus après le décret présidentiel du 15 janvier 2021, qui appellent à la tenue d’élections générales (législatives, présidentielles et du CNP) au beau milieu de la détérioration majeure et accélérée du système politique palestinien dans son ensemble. Et ce en dépit du fait que la Loi N°1 de 2000 sur les associations caritatives et les organisations de la société civile, qui a été ratifiée par le CLP en tant que loi palestinienne, soit considérée comme une des lois les plus avancées dans la région arabe.
Ce décret-loi est en contradiction avec les décisions prises lors des négociations du Caire, qui a appelé au lancement des libertés publiques et à la préparation du climat interne pour des élections réussies. En outre, le décret-loi loi entrave le droit de réunion et d’organisation ainsi que le droit d’exercer des activités indépendantes des ministères et du pouvoir exécutif. Il transfère également les OSC aux directions des ministères, qui confisqueront les rôles des conseils d’administration de ces organisations de la société civile.
Les OSC, qui ont une longue histoire en Palestine, considèrent l’amendement à la Loi sur les associations caritatives et les organisations de la société civile comme une attaque brutale contre les OSC, et coïncide avec l’attaque menée par Israël, la puissance coloniale occupante et les institutions sionistes qui soutiennent celle-ci à l’intérieur et à l’étranger. Cette attaque est menée par divers moyens, dont des menaces de mort et des tentatives de porter atteinte à la réputation des employés des OSC ainsi que des tentatives d’intimider, de menacer et d’affaiblir les organismes de financement partenaires, dans le but d’arrêter le financement des institutions palestiniennes et d’entraver leurs capacités de défendre les droits de l’homme face aux crimes de guerre systématiques d’Israël, qui relèvent de la compétence de la CPI. Elles visent à saper les efforts de ces institutions dans le cadre de mécanismes contractuels et non contractuels internationaux et dans leur combat contre les mesures israéliennes d’extension des colonies, d’annexion et de déplacement forcé à Jérusalem et dans la Zone C. En dépit de leurs tentatives, ces efforts répétés n’ont pas réussi jusqu’à présent à saper la détermination et la volonté des actions citoyennes palestiniennes et leur message vertueux de défense des droits.
Les motifs de promulgation du décret-loi, mentionnés au début, indiquent que cela a été fait en se fondant sur la recommandation formulée par le Cabinet le 11 janvier 2021 et a été promulgué par le Président le 28 février 2021. C’est-à-dire qu’il s’est écoulé plus d’un mois et demi entre sa ratification et sa recommandation par le cabinet et entre sa publication par le Président. Aucune déclaration n’a été faite par le Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur, le Dr. Shtayeh, ni par le gouvernement, qui puisse indiquer l’existence d’un tel décret-loi, qui est resté totalement secret jusqu’à ce qu’il ait été promulgué et publié dans le journal officiel. Ceci montre une nette intention de la part du gouvernement de viser les OSC et d’effacer ce qui reste du système politique étant donné l’inquiétude de la population concernant le processus électoral suite au décret présidentiel à ce sujet.
En outre, le décret-loi a pris pour cible l’amendement à l’article 13 de la loi d’origine, concernant les rapports administratifs et financiers certifiés, que les associations présentent au ministère compétent dans un délai maximum de quatre mois à compter de la fin de l’exercice financier. Il a ajouté une nouvelle disposition au texte qui oblige les associations à présenter aux ministères compétents un « plan d’action annuel et un budget prévisionnel pour la nouvelle année fiscale en accord avec le projet du ministère ». Cela veut dire que les OSC travailleront pour le dit ministère et non pas conformément à leur propre vision, leur mission, leurs objectifs ou leurs programmes. En d’autres termes, il traite les OSC comme des divisions gouvernementales relevant de ministères et qui doivent recevoir des ordres de ceux-ci, même si ces ministères n’ont pas de plan publié et n’ont jamais discuté avec les OSC d’un quelconque plan à ce sujet. Cela porte atteinte au professionnalisme, à l’indépendance et à la liberté de l’activité citoyenne, y compris son rôle de surveillance des résultats du pouvoir exécutif et son objectif de tenir cette autorité responsable de ses violations.
L’amendement stipule aussi que les salaires des employés et les frais de fonctionnement de la dite association ou commission ne peuvent pas excéder 25% de son budget annuel global. Cela veut dire que l’autorité exécutive contrôle maintenant les budgets des OSC et leurs dotations, comment elles sont réparties, leur plafond dans le budget global et le montant des dépenses. Le travail civique s’apparentera alors davantage à des projets contractuels et commerciaux, visant à les dépouiller de leur noyau national, axé sur les droits, et à ouvrir la porte au placement du travail civique palestinien sous la tutelle des institutions israéliennes et internationales travaillant dans le territoire occupé. En outre, les dispositions du décret-loi, qui accordent au gouvernement le pouvoir d’édicter des règlements sur les conditions de financement, ont révélé ses tentatives de passer outre et de dissoudre les OSC, le ministère de l’intérieur se chargeant de cette tâche et les dépouillant de leurs fonds mobiliers et immobiliers et de leurs contacts avec le trésor général dans des saisies anticonstitutionnelles.
Le décret-loi comprend, dans l’Article 6, qui a amendé l’Article 40 de la Loi sur les associations, une nouvelle disposition, qui stipule que « le Cabinet publiera un système dans lequel il détermine les droits à payer par l’association et l’OSC pour toute nouvelle demande soumise au Ministère (Ministère de l’Intérieur), s’ils ne sont pas inclus dans les droits mentionnés dans la loi ». Cet amendement est également une violation de la Loi Fondamentale (constitution), en particulier de l’Article 88, qui stipule que « l’imposition de taxes générales et d’amendes, leur modification ou leur annulation, ne sera effectuée que par la loi... ». Par conséquent, constitutionnellement, il n’est pas permis de percevoir des droits auprès des OSC par le biais d’un système créé par le Cabinet.
Le susmentionné décret-loi viole la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 20) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 22), qui confirme le droit fondamental à la liberté d’association, à l’indépendance des activités et des sources financières. Il viole aussi plusieurs résolutions adoptées par le Conseil des Droits de l’Homme des NU, dont la Résolution (22/6) du 21 mars 2013, qui appelle les États à ne pas entraver l’indépendance fonctionnelle des associations et à ne pas imposer de manière discriminatoire des restrictions sur les sources potentielles de financement.
Le droit à la liberté d’association et d’activité civique sur le territoire palestinien occupé est un droit humain fondamental garanti par la Loi Fondamentale Palestinienne (constitution) et la Loi sur les Assemblées ratifiées par le CLP selon les critères internationaux. Sur la base de ce qui précède, les OSC confirment leur position comme suit :
- Le rejet total du Décret-Loi N° 7 de 2021 concernant l’amendement à la Loi sur les associations caritatives et les organisations de la société civile ; nous exigeons son abrogation immédiate étant donné son atteinte flagrante à la Loi Fondamentale, à la Loi sur les Associations, aux normes et traités internationaux, qui garantissent le droit à créer des associations.
- Appeler les partis politiques et les forces de la société civile à assumer leurs responsabilités, notamment en ce qui concerne l’état des droits et des libertés pendant la phase actuelle des élections générales.
- Lancer un appel urgent au Rapporteur Spécial des NU en ce qui concerne le droit de créer des associations, sur les impacts de la loi modifiée sur les associations et ses effets sur le droit de créer des associations dans les territoires palestiniens occupés.
- Annoncer la formation d’un comité d’urgence siégeant en permanence pour intensifier les mesures de protestation jusqu’à ce que ledit décret-loi soit abrogé et déclaré nul et non avenu, y compris l’abstention de toute surveillance locale lors des prochaines élections législatives et présidentielles.
Déclaration signée par les coalitions et institutions suivantes :
- Union of Health Work Committees
- Sharek Youth Forum
- The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy-MIFTAH
- Bisan Center for Research and Development
- Human Rights and Democracy Media Center -Shams
- Al Haq Institute – Law in the service of Man
- Center for the Defense of Freedoms and Civil Rights "Hurriyat"
- Addameer Prisoner Support and Human Rights Association
- Defence for Children International -Palestine (DCI)
- The Civil Commission for the Independence of the Judiciary and the Rule of Law (ISTIQLAL)
- Women’s Center for Legal Aid and Counseling
- Coalition for Integrity and Accountability AMAN
- Palestinian institution for local empowerment and development REFORM
- Women’s Studies Center
- Mezan Center for Human Rights
- Ramallah Center for Human Rights Studies
- Jerusalem Center for Legal Aid and Human Rights
- Palestinian Center for Human Rights
Signataires de coalitions citoyennes :
- Palestinian NGO Network (PNGO)
- Palestinian Human Rights Organizations Council
- Civic Forum against violence against women
- Civil coalition to reform and protect the judiciary
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT prisonniers de l’AFPS