Photo : Novembre 2023, Palestiniennes faisant la queue pour du pain © UNRWA photo - Ashraf Amra
Dévastée, l’économie palestinienne est aujourd’hui méconnaissable. À Gaza, la guerre de haute intensité menée par Israël a provoqué des destructions sans précédent, anéantissant une grande partie des infrastructures essentielles, des habitations et des moyens de production agricole.
De son côté, la Cisjordanie occupée est elle aussi rudement mise à l’épreuve par des formes de destruction similaires à celles observées dans la bande de Gaza. Elle subit une violence croissante de la part des colons israéliens installés dans la région, et ses territoires continuent d’être annexés. Une situation qui a fini par faire plier son économie sous le joug d’une dette publique et d’un taux de chômage et de pauvreté particulièrement élevés.
Une situation déjà très difficile avant-guerre
Gaza était déjà asphyxiée sur le plan économique avant le début de la guerre. Le blocus imposé par Israël en 2007 avait fortement limité l’importation et l’exportation de marchandises, et les pêcheurs s’étaient vu imposer une zone de pêche autorisée limitée à 6 milles nautiques – des conditions limitant la capacité des Palestiniens à gagner leur vie.
En raison du blocus, le PIB par habitant de Gaza (mesure de la richesse d’un pays) avait baissé de 27 % entre 2006 et 2022, et le taux de chômage avait atteint 45,3 %. Cela a donné lieu à une situation où 80 % des habitants dépendaient de l’aide internationale.
En plus du blocage économique, Gaza a subi des opérations militaires successives menées par Tel-Aviv, en 2008–2009, 2012, 2014, 2021 et en 2022. Mais les effets cumulés de seize années de blocus et de ces multiples attaques militaires représentent un poids mineur face au bilan économique de la guerre actuellement en cours.
En effondrement quasi total
Un rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a révélé qu’en huit mois seulement, entre octobre 2023 et mai 2024, le PIB par habitant à Gaza avait chuté de moitié. La situation a certainement empiré depuis.
Selon un autre rapport, publié en septembre 2024, le PIB de Gaza a diminué de 81 % dans les quatre derniers mois de 2023.
Le rapport conclut que la guerre a laissé l’économie de Gaza dans un état de « ruine totale ». Il estime que, même en cas de cessez-le-feu immédiat et d’un retour à la tendance observée entre 2007 et 2022 d’une croissance de 0,4 %, il faudrait 350 ans pour que Gaza retrouve son niveau de PIB observé en 2022.
Les seuls secteurs d’activité qui sont encore fonctionnels sont ceux de la santé et des services humanitaires. Tous les autres secteurs, y compris l’agriculture, sont quasiment à l’arrêt. La destruction d’entre 80 % et 96 % des biens agricoles a provoqué une insécurité alimentaire qui ne cesse de s’accroître.
Rien qu’entre octobre 2023 et janvier 2024, le coût total des dommages avait atteint environ 18,5 milliards de dollars (environ 17 millions d’euros), soit l’équivalent de sept fois le PIB de Gaza en 2022.
Ces données chiffrées ont été publiées en mai dernier dans un rapport du PNUD (organisme de l’ONU pour le développement international). Ce dernier prévoit aussi qu’il faudra plus de 80 ans pour reconstruire le parc immobilier de Gaza si le rythme de reconstruction, observé après les opérations militaires israéliennes de 2014 et 2021, se répète. Le simple déblaiement des débris pourrait prendre jusqu’à 14 ans…
La guerre a contraint la quasi-totalité de la population de Gaza à se déplacer, la plongeant dans un état de pauvreté extrême. Le chômage a grimpé à 80 %, laissant la plupart des ménages sans la moindre source de revenus. Les prix des produits de base ont augmenté de 250 %, aggravant la famine qui touche aujourd’hui la bande de Gaza.
La crise économique s’est également étendue à la Cisjordanie, où le PIB a fortement chuté. Les points de contrôle militaires israéliens, les blocs de ciment et les portes en fer destinés à bloquer l’entrée des villes palestiniennes, ainsi que le refus d’accorder des permis de travail aux Palestiniens vivant dans les colonies d’Israël, ont eu de graves conséquences pour la population des Palestiniens de Cisjordanie. Plus d’un million d’entre eux se sont retrouvés sans travail : depuis le déclenchement de la guerre, on dénombre près de 300 000 pertes d’emploi.
Le rapport du CNUCED révèle que le taux de chômage en Cisjordanie a triplé : il s’élève à 32 % depuis le début du conflit, avec des pertes de revenus d’activité s’élevant à 25,5 millions de dollars (soit 23 millions d’euros environ). La pauvreté s’accroît rapidement.
Les forces israéliennes ont également continué de priver des Palestiniens de leurs maisons et de leurs terres. Rien qu’au cours de l’année écoulée, 24 000 hectares de terrains ont été saisis en Cisjordanie et plus de 2 000 Palestiniens ont été contraints à se déplacer.
Cette situation économique dramatique a été exacerbée par la décision d’Israël de retenir les recettes fiscales qu’il perçoit pour l’Autorité palestinienne, et dont la somme représente généralement entre 60 % and 65 % du budget public palestinien. De plus, les aides internationales pour la Palestine ont également diminué. Au cours de la dernière décennie, ces aides ont chuté, passant de 2 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros) en 2008 à seulement 358 millions (329 millions d’euros) en 2023.
L’Autorité palestinienne est confrontée à un déficit budgétaire massif, qui devrait augmenter de 172 % en 2024 par rapport à l’année précédente. Cette pression financière a paralysé la capacité du gouvernement palestinien à fournir des services de première nécessité, à verser des salaires et à répondre aux besoins grandissants d’une population meurtrie par la guerre, les déplacements forcés et une grande précarité.
La voie d’un redressement économique
Pour que l’économie palestinienne ait une chance de se relever, plusieurs mesures immédiates sont nécessaires.
Premièrement, l’aide internationale doit directement être acheminée vers la bande de Gaza. Il faut exercer une pression sur Tel-Aviv pour que l’aide humanitaire, en particulier alimentaire, parvienne à ceux qui en ont besoin. L’analyse des données par les organisations travaillant sur place suggère qu’Israël empêche actuellement 83 % de l’aide alimentaire d’atteindre la bande de Gaza.
Deuxièmement, la destruction des logements, des écoles et d’autres infrastructures doit cesser, ce qui semble constituer un horizon lointain, au vu de la poursuite des opérations israéliennes visant à détruire le Hamas – un objectif que la plupart des observateurs estiment inatteignable.
Enfin, les restrictions économiques imposées à Gaza et en Cisjordanie doivent être levées. Un développement durable et tout espoir de redressement économique ne peuvent être atteints sans la garantie que le peuple palestinien détient un droit d’autodétermination et de souveraineté sur ses propres ressources.
Cela nécessiterait de nouveaux accords de paix – peu probables à l’heure actuelle. Or, sans ces interventions extérieures cruciales, l’économie palestinienne finira complètement dévastée, et la crise humanitaire s’aggravera. Ce qui rendrait difficilement imaginable toute forme de redressement économique. En de telles circonstances, aucune personne se trouvant actuellement à Gaza ne serait en mesure de voir, de son vivant, un redressement économique de la Palestine.