Après des mois d’enquêtes, de collecte de preuves et d’analyses juridiques, les équipes d’Amnesty International publient un rapport appelé à faire date, dont les conclusions démontrent que les autorités israéliennes commettent un crime de génocide contre la population palestinienne de Gaza.
Les recherches des équipes, rassemblées dans un rapport de près de 300 pages intitulé « ’On a l’impression d’être des sous-humains’ - Le génocide des Palestiniens et Palestiniennes commis par Israël à Gaza » (en anglais), révèlent que l’État d’Israël, fait subir un déchaînement de violence et de destruction permanent aux Palestinien·nes de Gaza à la suite des attaques meurtrières du Hamas dans le sud de son territoire le 7 octobre 2023, et ce en toute impunité.
Les autorités israéliennes ont commis et commettent toujours des actes interdits par la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, dans l’intention spécifique de détruire physiquement la population palestinienne de Gaza.
>> Lire la synthèse du rapport « On a l’impression d’être des sous-humains » - Le génocide des Palestiniens et Palestiniennes commis par Israël à Gaza
Le 7 octobre 2023, Israël a lancé une offensive militaire d’une ampleur, d’une portée et d’une durée sans précédent sur la bande de Gaza occupée (Gaza). Depuis, Israël mène des attaques aériennes et terrestres incessantes, souvent au moyen d’armes explosives puissantes, qui ont causé d’énormes dégâts et totalement rasé des quartiers et des villes à Gaza, ainsi que des infrastructures vitales, des terres agricoles et des sites et symboles culturels et religieux profondément ancrés dans la mémoire collective des Palestiniens et Palestiniennes. L’offensive militaire israélienne a fait des dizaines de milliers de mort·e·s et de blessé·e·s graves parmi la population palestinienne, dont des milliers d’enfants, souvent victimes d’attaques directes ou aveugles dans lesquelles des familles entières sur plusieurs générations ont été décimées. Israël a déplacé de force 90 % des 2,2 millions d’habitant·e·s de Gaza, à plusieurs reprises pour bon nombre d’entre eux, vers des zones toujours plus restreintes et changeant sans cesse, dépourvues d’infrastructures essentielles, forçant ainsi ces personnes à vivre dans des conditions les exposant à une mort lente et calculée. Les autorités israéliennes ont délibérément entravé ou interdit l’importation et la livraison de produits vitaux et d’aide humanitaire sur le territoire. Elles ont restreint l’alimentation électrique, ce qui, associé aux dégâts et à la destruction, a entraîné l’effondrement des réseaux d’eau, d’assainissement et du système de santé. Elles ont soumis des centaines, voire des milliers, de Palestiniens et Palestiniennes de Gaza à une détention au secret et à des actes de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui, au mois d’août 2024, avaient déjà coûté la vie à au moins 53 personnes. Les actes illégaux infligés simultanément aux Palestiniens et Palestiniennes, pendant des mois sans répit, ont eu des conséquences profondes et cumulées pour la santé mentale et physique de l’ensemble de la population de Gaza : les personnes qui ont survécu sont affaiblies, affamées ou traumatisées, et souffriront vraisemblablement de conséquences permanentes pour leur santé mentale et physique.
Tel est le traitement qu’Israël a infligé aux Palestiniens et Palestiniennes de Gaza en représailles aux attaques menées par le Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023. Tôt ce matin-là, des combattants du Hamas ont procédé à un tir de barrage de roquettes sur Israël et, avec d’autres groupes armés palestiniens, ont franchi la clôture-frontière entourant Gaza. Le Hamas et d’autres groupes armés ont attaqué des civil·e·s et des cibles militaires, se livrant à des massacres délibérés, des exécutions sommaires et d’autres violences, et causant des souffrances et des blessures physiques. Ils ont détruit des biens de caractère civil, incendiant des habitations et les rendant inhabitables, et ont causé le déplacement interne de civil·e·s. Ils ont enlevé 223 civil·e·s, israéliens et étrangers, dont des enfants, et ont fait prisonniers 27 militaires israéliens. Certaines de leurs actions constituent des crimes de guerre au regard du droit international. Avec un bilan d’environ 1 200 personnes tuées, dont 800 civil·e·s et au moins 36 enfants, ces attaques sont les plus meurtrières menées en une seule journée dans l’histoire d’Israël. Les recherches détaillées d’Amnesty International sur les crimes commis par le Hamas et d’autres groupes armés dans le cadre de leurs attaques sur Israël le 7 octobre 2023 font l’objet d’une prochaine publication.
Le présent rapport porte sur les politiques et actions mises en œuvre par les autorités israéliennes à Gaza dans le cadre de l’offensive qu’elles ont lancée au lendemain des attaques menées par le Hamas le 7 octobre 2023, et replace ces agissements dans le contexte plus vaste de l’occupation illégale d’Israël et du système d’apartheid imposé aux Palestiniens et Palestiniennes à Gaza, en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et en Israël. Il évalue, au regard de la définition du génocide prévue par le droit international, les allégations d’atteintes aux droits humains et de crimes de droit international commis par Israël à Gaza, et conclut qu’il existe des éléments de preuve suffisants pour considérer que les agissements d’Israël à Gaza après le 7 octobre 2023 sont constitutifs de génocide.
Fondé sur des recherches sur le terrain et documentaires sur les violations des droits humains commises par Israël à Gaza entre le 7 octobre 2023 et début juillet 2024, le rapport porte sur cette période de neuf mois. Il reflète toutefois un certain nombre de données globales allant jusqu’à début octobre 2024 et d’évolutions internationales majeures allant jusqu’à la fin du mois de novembre 2024.
Pour se prononcer quant à la qualification de génocide, Amnesty International a dans un premier temps cherché à déterminer si les Palestiniens et Palestiniennes de Gaza faisaient partie d’un groupe protégé au titre de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide (Convention sur le génocide), c’est-à-dire un groupe national, ethnique, racial ou religieux. L’organisation s’est ensuite penchée sur trois des cinq actes interdits au titre de la Convention sur le génocide : le « meurtre de membres du groupe », les « atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe », et la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». Enfin, elle a cherché à déterminer si Israël avait commis ces actes avec « l’intention spécifique de détruire le groupe, en tout ou en partie ».
À cet effet, Amnesty International s’est entretenue avec 212 personnes dans le cadre de ses recherches. Parmi ces personnes figurent des personnes palestiniennes ayant été victimes ou témoins de frappes aériennes, de déplacements, de destructions d’exploitations et de terres agricoles ou d’habitations, ainsi que des personnes ayant subi les conséquences des restrictions de l’aide humanitaire imposées par Israël. Amnesty International s’est également entretenue avec des membres des autorités locales à Gaza, des professionnel·le·s de la santé palestiniens et des représentant·e·s d’organisations non gouvernementales (ONG) et d’agences de l’ONU impliquées dans la réponse humanitaire à Gaza.
Amnesty International a complété ces entretiens avec son analyse d’un vaste éventail d’éléments de preuve visuels ou numériques, notamment des images satellite, des images vidéos et des photos publiées sur les réseaux sociaux ou obtenues directement par ses chercheurs et chercheuses. L’organisation a authentifié et, lorsque cela était possible, géolocalisé les images vidéos et photos. Elle a examiné un grand nombre d’informations des médias, de déclarations, de rapports et de données publiés par des agences de l’ONU et des organisations humanitaires travaillant à Gaza et des groupes de défense des droits humains palestiniens et israéliens. Elle a analysé des déclarations de hauts responsables du gouvernement israélien, de responsables de l’armée israélienne et d’organes officiels israéliens, notamment de porte-parole de l’armée israélienne et du Bureau israélien de coordination des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), une unité du ministère de la Défense israélien chargée de la gestion des questions civiles dans le territoire palestinien occupé (TPO). Amnesty International a également examiné les communications présentées à la Cour suprême israélienne et les décisions rendues par celle-ci, ainsi que des documents publics liés à l’affaire portée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ) contre Israël. Malgré ses tentatives répétées visant à établir le dialogue avec les autorités israéliennes, par des demandes d’informations et de rencontres, l’organisation n’a reçu aucune réponse concrète aux lettres qu’elle a envoyées entre le 30 octobre 2023 et le 16 octobre 2024.