AT, AFPS - PalSol n°75
Cette période est marquée par la violence des colons démultipliée et le harcèlement de l’armée mais c’est surtout une période de résistance. Résister au vol des terres, défendre le droit d’accéder à la terre, de la cultiver et d’en récolter les fruits.
À cause de la pandémie et de l’isolement qu’elle a engendré, les attaques des colons et de l’armée contre les agriculteurs se sont multipliées tout au long de l’année 2020. Le pire était à craindre pour ce mois d’octobre avec l’impossibilité pour les militants étrangers de venir en Palestine. Les Palestiniens se sont retrouvés seuls face à l’occupant.
C’est dans ce contexte que le Comité de Coordination de la Lutte Populaire (PSCC) a décidé de lancer la campagne Faz3a (prononcer Faza’a). Prévue pour durer 2 à 3 semaines, cette campagne a duré en fait 30 jours. L’objectif : apporter aide et assistance aux agriculteurs d’un village à l’autre, marquer la présence des Palestiniens sur leur terre.
Il était vital d’aider les agriculteurs pour la cueillette des olives. Il fallait être présent à leurs côtés pour ne pas les laisser seuls face aux attaques des colons. Pendant 30 jours, militants de la résistance populaire et volontaires ont sillonné la Cisjordanie. Le 7 octobre la campagne a démarré à Huwwara près de Naplouse en présence d’une centaine de personnes. Les jours qui ont suivi de 30 à 40 personnes étaient présentes quotidiennement. Les déplacements se faisaient avec deux bus. Au fur et à mesure, de plus en plus de volontaires étaient présents et les vendredis et samedis il y a eu jusqu’à 200 personnes.
Ils ont travaillé pendant un mois tous les jours. Des districts de Bethléem à Naplouse et Salfit, de Jérusalem aux environs de Ramallah, ils sont allés dans des lieux différents surtout au nord dans le district de Naplouse : Huwwara, Burin, Salfit, Deir Estya, Deir al Hatab, Bidu, Burqa, Atara, N’ileen, Jamaein, Al-Jab’a…
Qui a participé à la campagne ?
Outre les militants des comités du PSCC de nombreux volontaires ont participé à la campagne.
De différentes origines, ils sont venus de différents endroits, particulièrement des jeunes.
Ces jeunes venaient de toute la Cisjordanie, des villages des environs de Ramallah, de Bethléem mais aussi du mouvement Youth of Sumud des collines du sud d’Hébron ; également des étudiants et des militants de Ramallah.
Les organisateurs du PSCC ont eu l’étonnement de voir participer des Palestiniens venus de bien plus loin que d’habitude y compris des Palestiniens des territoires de 48. Ce fut pour eux une grande surprise. Par exemple des militantes d’un groupe de femmes des environs de Haïfa.
Il y avait avec eux quelques Israéliens, très peu nombreux. Non pas que les militants de la résistance populaire palestinienne ne souhaitent pas la présence d’Israélien.ne.s. Ils nous rappellent au contraire qu’ils n’ont pas de problème avec la participation des Israéliens s’ils sont engagés sur la base d’une lutte commune (conjointe), s’ils croient bien aux droits des Palestiniens, dans l’égalité des droits.
Les problèmes liés aux restrictions de mouvement vers la Cisjordanie dues à la pandémie ont forcément été un obstacle à leur présence. Au bout du compte, c’est une dizaine d’Israélien.ne.s qui ont participé pour quelque 200 Palestinien.ne.s. À noter, rappelons-le, l’absence des « internationaux » pour les raisons de pandémie bien sûr.
Violence des colons – Harcèlement de l’armée
Dès le premier jour les colons étaient au rendez-vous : pas de trêve Covid, bien au contraire ! À Huwwara le 7 octobre les colons ont attaqué les agriculteurs et les volontaires sous la « protection » de l’armée puis ils ont mis le feu aux champs et tiré à balles réelles contre les militants.
Le harcèlement a été permanent : 7 personnes ont été blessées pendant la campagne dont Mohamed Khatib, le président du PSCC. Comme d’autres, il a reçu une pierre sur la tête à Burqa près de Ramallah où les affrontements ont été très durs.
Mohamed Khatib a été également arrêté à la suite des confrontations avec les colons, de même qu’un agriculteur de Deir Istya et Jonathan Pollack, militant anticolonialiste israélien. Tous ont été libérés et ce harcèlement n’aura eu aucun effet sur la détermination de toutes et tous de ne pas se laisser déposséder des terres qu’ils ont toujours cultivées.
Tout au long de ce mois d’octobre, comme à l’accoutumée pourrait-on dire, des voitures de Palestiniens ont été détruites à proximité des champs ou des villages, 300 oliviers ont été coupés ici, d’autres brûlés ailleurs. À Deir Ballut, à l’ouest de Salfit, les colons ont déversé leurs eaux usées sur les oliviers faisant perdre aux agriculteurs leurs ressources.
Première Urgence Internationale signale qu’entre le 1er octobre et le 9 novembre 2020, au moins 120 agriculteurs palestiniens ont été directement attaqués alors qu’ils cueillaient leurs olives.
Sur la même période, plus de 2 025 arbres ont été vandalisés. Oxfam et le Consortium pour la Protection de la Cisjordanie (WBPC) ont publié une infographie pour alerter sur ce phénomène annuel qui met en danger l’économie palestinienne et les moyens de subsistance des civils.
Et après la récolte des olives ?
La dynamique créée autour de la campagne Faz3a a été croissante et pour nos ami.e.s de la résistance populaire, il n’était pas question d’en rester là. La récolte terminée ; Faz3a va continuer.
Au-delà de la récolte, c’est le droit à cultiver la terre qui est en jeu, pas seulement la possibilité de s’y rendre deux ou trois jours par an au bon vouloir des colons ou de l’armée. Le reste du temps ces terres sont laissées à l’abandon alors qu’elles ont besoin d’être entretenues tout au long de l’année. Il faut réhabiliter les terres non cultivées autour des colonies, protéger les oliviers. Pour cela les agriculteurs doivent pouvoir se rendre librement sur leurs terres. Un défi pour Faz3a.
Les volontaires de Faz3a sont également intervenus en urgence par suite de la démolition du village d’une communauté bédouine à Humsa al Foqa dans la vallée du Jourdain. Ils ont aidé à reconstruire des tentes afin d’atténuer les effets de la destruction de l’armée israélienne qui avait laissé sans toit 75 personnes dont 46 enfants. Cela a été possible grâce aux volontaires mais aussi grâce aux dons reçus pour permettre que ces actions se réalisent.
Fin novembre, un nouvel objectif pour les équipes Faz3a : reprendre possession du village de Shoshahla situé à 5 kilomètres de Bethléem. Il est situé au pied d’une colline et est entouré de cinq colonies israéliennes : Sidi Bouaz, Eliezer, Efrat, Neve Daniel et Kfar Etzion. Ce village a été évacué sous la menace par Israël dans les années 80 et rasé. L’objectif est donc de rénover les maisons et de permettre aux habitants de vivre à nouveau dans leur village. Quand on connaît ce secteur et qu’on sait l’emprise de la colonisation, on mesure le défi que cela représente.
Le comité du PSCC de Bethléem avait entrepris avec Munther Amira une démarche semblable, soutenue financièrement par l’AFPS, dans un hameau du même secteur. Il s’agissait de réhabiliter les maisons et les bâtiments agricoles des rares familles qui y vivent encore, complètement asphyxiées par les colonies.
Mais que veut dire Faz3a ?
Nous avons demandé à Mohamed Khatib la signification du nom donné à la campagne : Faz3a (prononcer faza’a).
C’est un terme palestinien nous a-t-il expliqué qui fait référence à la résistance aux attaques des milices juives en 1948 contre les villages palestiniens durant la Nakba. Cela signifie aider, soutenir, protéger, venir à la rescousse, un peu comme une alarme, une alerte générale à laquelle chacun répond. « Cela signifie tout ça à la fois : dans un seul mot, il y a plein de significations et c’est un mot traditionnel. C’est Faz3a ! Nous l’avons choisi parce qu’on pense qu’il est important de rester en lien avec le passé et l’histoire mais aussi d’être tournés vers l’avenir face aux attaques des colons. »
Les opérations de faza’a en 1948 sont gravées dans la mémoire collective palestinienne. Contrairement à 1948, les militants et volontaires de Faz3a n’ont pas d’armes mais ils ont détermination, courage et conscience politique.
Besoin de soutien
Mohamed Khatib tient à remercier l’AFPS pour le soutien financier apporté à la campagne Faz3a. D’autres organisations du mouvement de solidarité ont bien entendu apporté leur contribution.
Chaque initiative nécessite des fonds. C’est la raison pour laquelle nous invitons toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à contribuer au soutien aux actions de la résistance populaire à travers les dons effectués à l’AFPS (préciser « soutien à la résistance populaire »)