lle prend plaisir à tenir les livres, à les retourner dans ses mains et à montrer les caractères.
Nadeen Hawareen, sept ans, de Ramallah est une parmi les milliers d’enfants palestiniens à qui l’Institut Tamer [1] a offert des leçons, des livres et des activités. Elle a appris à utiliser les livres pour éveiller son imagination. Elle peut peindre ce qui se passe dans ses livres ou en jouer des scènes avec ses amis.
Tamer a été fondé en 1989 lors de la première Intifada, quand les enfants palestiniens avaient besoin d’éducation malgré les fermetures des écoles et les couvre-feux. L’armée israélienne, surprise par les protestations palestiniennes, avait pris des mesures brutales pour reprendre le contrôle, brisant les os des lanceurs de pierres et fermant des zones palestiniennes.
Jehan Helou, la directrice de l’institut, a dit : « Les communautés locales et la société civile ont cherché à trouver des moyens pour compenser les fermetures d’écoles et assurer qu’une génération ne grandirait pas illettrée. L’institut a essayé d’être informel en contraste avec le style traditionnel dans les écoles et ainsi à encourager la recherche de la connaissance à travers la lecture, l’écriture créatrice, le théâtre et l’art ».
Tamer est le mot arabe pour les dattes, le fruit des palmiers, source principale de nourriture dans le désert inhospitalier.
Une partie du travail de Tamer est la distribution de livres à 73 librairies à Gaza et en Cisjordanie. Ceci inclut des milliers de livres en anglais fournis par « Book Aid International » [2].
Tamer traduit aussi des livres pour enfants d’arabe en anglais et publie des livres illustrés par les enfants et les professeurs de l’Institut. Tout en donnant des leçons, Tamar encourage les enfants à mettre en place leurs propres groupes de lecture.
Dans une librairie de Ramallah, un jeune garçon lit tranquillement. Dans une autre section, cinq filles et un garçon discutent du travail de l’écrivain palestinien Khalil Gibran tout en mangeant des pâtisseries. Ils ont décidé de ce qu’ils veulent lire et quand se rencontrer. Tamer offre les livres et le forum.
Bassima Takrovi (24 ans) a visité pour la première fois l’Institut il y a dix ans et est maintenant devenue une monitrice rémunérée. Pour elle, les groupes de lecture à Tamar ont été une inspiration majeure. « Nous lisions chaque livre que nous pouvions puis nous en discutions. On pouvait reconnaître les personnes qui étaient passées par ce processus parce qu’elles étaient très éloquentes et ressortaient de la masse » raconte-t-elle.
Elle essaye de faire passer cet enthousiasme à la génération présente des enfants, dont certains ont perdu des membres de leurs familles du fait de la violence et de la prison. Elle a enseigné pendant quatre années l’écriture créative et le théâtre à Ramallah et dans les villages avoisinants.
« Beaucoup d’enfants dans les classes ont des pères en prison et cela crée un conflit entre le fait d’être présent en classe ou d’aller leur rendre visite en prison, ce qui les bouleverse beaucoup » dit-elle.
« Nous essayons de les aider à comprendre qu’éventuellement leurs pères seront libérés et que c’est bien aussi qu’ils se concentrer sur eux-mêmes. Maintenant beaucoup d’entre eux écrivent à leurs pères en prison ».
Il y a beaucoup de défis à enseigner en Cisjordanie.
"Certaines filles viennent de familles traditionnelles et ne sont pas encouragées à exprimer d’autres sentiments que la satisfaction et elles ont tendance à afficher sur leurs visages un sourire figé", dit Mme Takrovi.
D’autres enfants ont été traumatisés par la violence et les arrestations et ont des difficultés à apprendre. Mme Helou, la directrice, dit que les ateliers de Tamer sont conçus pour soulager leur stress en même temps que de leur apporter une éducation. « C’est le soulagement du stress qui les aide à dépasser leur réalité de chaque jour et qui les emmène dans un mode imaginaire et culturel » dit-elle.
Mme Takrovi dit que l’essence de son enseignement n’était pas de faire que les enfants ignorent ce qui se passait autour d’eux mais de remettre les événements dans leur contexte correct.
« Quand des enfants voient les nouvelles à la télévision disant que la situation est très mauvaise et que la vision des soldats et des check-points confirment que tout va mal, la dernière chose dont ils ont besoin c’est d’un professeur qui leur dit la même chose » dit-elle.
« Nous essayons de leur apporter une autre façon de voir les choses. Par exemple, si vous regardez par la fenêtre, oui, il y a un soldat mais il y a aussi un arbre et une colline. Si vous vous concentrez sur le soldat, vous aurez peut-être l’envie de lancer une pierre ce qui ne va pas rendre les choses plus faciles. Mais si vous vous concentrez sur l’arbre, cela peut vous amener à penser à planter un autre arbre ».
Nawras Kurzom (13 ans) de Jérusalem, dit que les choses qu’il a apprises lui ont apporté une nouvelle façon de voir la vie en Cisjordanie. « La lecture vous donne une autre perspective sur ce qu’on voit chaque jour. Cela vous aide à mieux comprendre. Quand les Israéliens ont commencé à construire leur Mur, j’ai commencé à réaliser que malgré le fait qu’ils peuvent nous piéger physiquement, nous esprits sont toujours libres ».
« J’aime les romans, la poésie et les histoires de détectives en anglais et en arabe. Mes écrivains préférés sont Hanna Mina et Ghassan Kanafi en arabe et Agatha Christie ».
Tamer espère continuer à jouer un rôle majeur au sein de la société palestinienne. Mme Helou a ajouté : « Nous avons des moyens limités mais nous pouvons aider les enfants à mieux lire et à mieux penser. Les livres sont pour nous l’instrument principal de libération ».