Photo : No Other Land, qui relate la violence des colons et les démolitions israéliennes en Cisjordanie occupée, a remporté l’Oscar du meilleur documentaire. Photo : dossier de presse de No Other Land
Le coréalisateur palestinien d’un film qui a remporté l’Oscar du meilleur documentaire a exhorté le monde à agir "pour mettre fin au nettoyage ethnique" de son peuple.
""No Other Land" reflète la dure réalité que nous endurons depuis des décennies et à laquelle nous résistons encore. Nous appelons le monde à prendre des mesures sérieuses pour mettre fin à l’injustice et au nettoyage ethnique du peuple palestinien" a déclaré Basel Adra, militant et journaliste palestinien de Masafer Yatta, en Cisjordanie occupée, dans un discours de remerciement prononcé lors de la 97e cérémonie des Oscars, dimanche dernier.
As filmmaker Basel Adra collected Palestine’s first ever Oscar, he demanded the world take action against Israel’s occupation of his land.
“No Other Land” tells the story of decades of Israeli violence and forced expulsions against his community in Masafer Yatta. pic.twitter.com/dRdxzhr5Xp
— AJ+ (@ajplus) March 3, 2025
Basel Adra a réalisé le film No Other Land (2024) avec d’autres militants, le Palestinien Hamdan Ballal et les Israéliens Yuval Abraham et Rachel Szor.
Soulignant l’occupation israélienne de la Cisjordanie, le film est centré sur la lutte contre le déplacement forcé de familles palestiniennes par l’armée israélienne par le biais de démolitions de maisons à Masafer Yatta, dans la partie sud du territoire occupé, ainsi que d’attaques de colons juifs illégaux.
"Il y a environ deux mois, je suis devenu père et j’espère que ma fille n’aura pas à vivre la même vie que moi", a déclaré Adra. "Je crains toujours la violence des colons, les démolitions de maisons et les déplacements forcés que ma communauté de Masafer Yatta vit et affronte chaque jour sous l’occupation israélienne."
Les risques du tournage
Ce film puissant couvre une période de quatre ans, de 2019 à 2023, de la vie sous occupation dans la ville.
Lors d’un entretien avec Democracy Now, Adra a déclaré que l’objectif de la production de "No Other Land" n’était "pas le prix lui-même, mais... d’atteindre le cœur des gens. Nous voulons que les gens voient la réalité de ce qui se passe dans ma communauté de Masafer Yatta, dans toute la Cisjordanie et la vie quotidienne sous cette occupation brutale".
Adra a expliqué que la réalisation du film comportait de nombreux risques, comme l’invasion de sa maison et la confiscation de ses caméras par des soldats israéliens.
"Et j’ai été physiquement agressé sur le terrain lorsque je me déplaçais pour filmer ces crimes" a-t-il poursuivi.
Pas de distributeur américain
Malgré le succès du film aux Oscars et sa distribution dans 24 pays, "No Other Land" n’a pas trouvé de distributeur aux États-Unis "en raison de son sujet" selon le site IMDb.
Le coréalisateur Yuval Abraham, journaliste d’investigation israélien, a déclaré dans son discours de remerciement que lorsqu’il regarde Adra, il voit "mon frère, mais nous sommes inégaux".
"Nous vivons dans un régime où je suis libre en vertu de la loi civile et où Basel est soumis à des lois militaires qui détruisent sa vie et qu’il ne peut pas contrôler" a déclaré Abraham.
Critiques israéliennes
Le ministre israélien de la culture, Miki Zohar, a vivement critiqué la victoire du film, estimant qu’il s’agissait d’une mauvaise présentation de l’image d’Israël vis-à-vis des audiences internationales.
Il a ajouté que la liberté d’expression était "une valeur importante, mais transformer la diffamation d’Israël en un outil de promotion internationale n’est pas de l’art - c’est du sabotage contre l’État d’Israël, surtout à la suite du massacre du 7 octobre et de la guerre en cours".
« C’est précisément la raison pour laquelle nous avons adopté une réforme du cinéma financé par l’État, afin de garantir que l’argent des contribuables soit affecté à des œuvres d’art qui s’adressent au public israélien, plutôt qu’à une industrie qui bâtit sa carrière sur la diffamation d’Israël sur la scène internationale" a poursuivi Zohar.
Un terrain d’entraînement militaire
Le site web du film décrit Masafer Yatta comme "une belle région montagneuse parsemée de vingt anciens villages palestiniens, à la limite sud de la Cisjordanie".
En 1980, l’armée israélienne a déclaré les terres de Masafer Yatta "zone d’entraînement militaire fermée", ce qui signifie qu’elles ont été officiellement interdites aux Palestiniens.
"Comme l’ont révélé plus tard deux documents secrets de l’État israélien, Ariel Sharon, ancien Premier ministre israélien, puis ministre de l’agriculture, a expliqué à l’époque que cette mesure avait été prise pour déplacer les villages et attribuer leurs terres aux colonies israéliennes", note le site.
Perte de terre, perte de communauté
Adra est née dans l’un de ces villages en 1996.
Trois ans plus tard, en 1999, l’armée a ordonné à tous les Palestiniens vivant à Masafer Yatta de partir, "afin que les soldats puissent utiliser leurs terres comme terrain d’entraînement militaire".
"Notre film est le premier documentaire à mettre en lumière la politique systématique d’expulsion forcée par le biais de démolitions de maisons" ajoute le document.
"Lorsque les maisons sont détruites, les familles de Masafer Yatta n’ont nulle part où aller : elles peuvent soit reconstruire, soit devenir sans-abri, soit louer des maisons dans des villes palestiniennes surpeuplées où il n’y a pas d’espace pour faire paître les moutons et cultiver la terre."
"La perte de la terre est donc une perte de communauté et de mode de vie - ils cessent de travailler en tant qu’agriculteurs."
No Other Land, une coproduction entre la Palestine et la Norvège, a été présenté en première mondiale au 74e Festival international du film de Berlin en 2024, remportant le Panorama Audience Award du meilleur film documentaire. Il a également été présenté dans plusieurs autres festivals, notamment le Festival international du film documentaire de Copenhague, le Festival international du film de Toronto et le Festival du film de New York.
Traduction : AFPS