A menteur, menteur et demi
Benyamin Nétanyahou a soigné la mise en scène de son show du 30 avril au ministère israélien de la Défense. Il y martelait ses accusations de « mensonge » à l’encontre de la République islamique d’Iran pour avoir mené, de 1999 à 2003, un programme nucléaire clandestin. Outre le fait que l’agence spécialisée de l’ONU disposait depuis longtemps de telles informations, il est frappant de voir Nétanyahou, si souvent pris lui-même en flagrant délit de mensonge, tenter de retourner cette arme contre Téhéran. Revenons sur certains des mensonges les plus éhontés proférés par le Premier ministre israélien au cours de sa carrière.
DES MENSONGES NUCLEAIRES
En septembre 2002, Nétanyahou, qui a perdu la direction du gouvernement trois ans plus tôt et va bientôt devenir ministre des Affaires étrangères, est auditionné par le Congrès américain au sujet de l’Irak. Il soutient avec chaleur l’administration Bush dans son projet d’invasion du pays, mettant en avant, déjà, la menace nucléaire : « Deux décennies plus tôt, il était possible de neutraliser les ambitions nucléaires de Saddam Hussein par le bombardement d’une seule installation. Aujourd’hui, rien moins que le démantèlement de son régime ne suffira ». Le despote irakien est effectivement renversé, en avril 2003, par des envahisseurs américains, qui ne trouveront pas trace du moindre programme nucléaire.
Cela ne dissuade pas Nétanyahou, Premier ministre depuis 2009, d’agiter de nouveau la menace d’un Holocauste nucléaire, cette fois du fait de l’Iran. En septembre 2012, il affirme à l’Assemblée générale de l’ONU que la République islamique n’a « besoin que de quelques mois, peut-être quelques semaines, avant d’avoir suffisamment d’uranium enrichi pour sa première bombe ». Il reprend en boucle ce discours alarmiste, voire apocalyptique, tout au long de sa campagne contre l’administration Obama et son projet d’accord sur le nucléaire iranien, finalement signé en juillet 2015. Il ne cesse depuis lors d’accuser Téhéran de violer cet accord et, incapable de prouver de telles allégations, il vient donc de mettre en scène des « révélations » datant de plus de dix ans.
PAS DE QUARTIER POUR LA GAUCHE
Nétanyahou a toujours nié avoir contribué au climat de haine qui a favorisé, en novembre 1995, le meurtre du Premier ministre Itzhak Rabin par un extrémiste juif. Ces très graves accusations ont pourtant été répétées par la veuve de Rabin, sa famille et ses proches. Elles s’appuient, entre autres, sur la participation de Nétanyahou, alors chef de l’opposition, à un meeting anti-Rabin à Jérusalem, un mois avant son assassinat, où le chef du gouvernement, caricaturé en officier SS, était ouvertement menacé de mort. Non seulement Nétanyahou n’a jamais présenté d’excuse pour de tels excès, mais il martèle au cours de la campagne électorale du printemps 1996 face à Shimon Pérès, le successeur de Rabin à la tête du gouvernement, que les travaillistes veulent diviser Jérusalem au profit de la partie palestinienne.
Or le sujet de Jérusalem avait été explicitement exclu des « accords d’Oslo », signés entre Rabin et Arafat en 1993, et il ne devait être abordé que dans le cadre des négociations sur le statut final, au plus tôt en 1999. Mais l’intoxication de Nétanyahou sur un thème aussi sensible en Israël contribue à sa victoire, à une très courte majorité, face à Pérès. Il n’hésite plus dès lors à recourir à de telles manoeuvres pour renverser la tendance électorale lors de scrutins très disputés. La dernière fois remonte à mars 2015 lorsqu’il diffuse sur les réseaux sociaux, le jour même du vote, un message vidéo à la virulence inouïe : « Les Arabes viennent voter en masse, transportés par des bus des ONG de gauche ». Cet épouvantail a beau n’avoir aucune substance, il alimente une mobilisation inégalée de l’électorat de droite. Nétanyahou, reconduit à la tête du gouvernement, peut se convaincre que le mensonge paie.
SCANDALES ET DENI
Le Premier ministre a déjà été interrogé une dizaine de fois par la police israélienne dans le cadre de l’instruction de quatre affaires de corruption et de trafic d’influence. Il a périodiquement balayé ces accusations en affirmant qu’il « ne se passerait rien, car il n’y a rien » selon lui dans les dossiers. Devant ses partisans rassemblés à Tel-Aviv, en août 2017, Nétanyahou a affirmé avoir reçu « une offre explicite : retirez-vous enfin de Judée et de Samarie, et nous vous laisserons tranquille ». On chercherait en vain trace d’une telle « offre ». Peu importe au Premier ministre, qui se pose ainsi en rempart de l’occupation de la Cisjordanie et de sa colonisation face à « la gauche et aux médias ». La police n’en a pas moins recommandé, en février dernier, l’inculpation de Nétanyahou dans deux des affaires en cours. La décision revient désormais au Procureur général, qui ne veut probablement pas gâcher les festivités du soixante-dixième anniversaire d’Israël.
Notons enfin qu’il n’y a pas de petit mensonge pour le Premier ministre. Il vante ainsi, sur sa page Facebook, en août 2017, « la preuve du lien profond entre le peuple d’Israël et sa terre » que constituerait la découverte d’un shekel supposé antique dans une colonie de Cisjordanie. Ce commentaire est promptement effacé après que la supercherie ait été dévoilée. Gageons pourtant que le rapport complexe que Nétanyahou entretient avec la vérité a pu contribuer au peu d’impact de ses « révélations » sur l’Iran. Le seul dirigeant à les avoir apparemment prises au sérieux est Donald Trump. Il est vrai que manie des « fake news » et propension au mensonge font souvent bon ménage.