Les primaires du Fatah, tantôt à l’ordre du
jour tantôt pas, ont révélé le chaos du
mouvement à la suite de la perte de son
dirigeant historique et de la réunion longtemps
repoussée de sa sixième Assemblée
générale.
Alors que la Palestine a vécu des élections
présidentielles et, très tardivement,
municipales, aucune n’a autant d’impact
pour redonner du tonus au corps politique
que les élections parlementaires. Les élections
législatives qui sont prévues tard en
janvier seront seulement les secondes
dans l’histoire électorale palestinienne.
Les députés actuels ont été élus il y a dix
ans pour un mandat de quatre ans censé
se terminer en 2000 avec la déclaration de
l’Etat palestinien.
Les élections législatives prochaines ont
introduit un processus de réforme nécessaire
en augmentant l’importance des
listes de partis qui constitueront la moitié
des 132 sièges du Conseil législatif
(comparés au 88 sièges choisis sur la seule
base des districts). Des élections basées
sur les districts jouent le jeu des formations
tribales et locales, forçant souvent
les mouvements nationaux à transiger
avec les dirigeants locaux.
Le changement des règles du jeu, de même
que les divers développements sécuritaires
et politiques, ont amené même le
Hamas, mouvement opposé aux accords
d’ Oslo, à participer à la prochaine élection.
Hassan Youssef, l’un des dirigeants
du Hamas dans le district de Ramallah a
annoncé que le Hamas allait présenter
une liste purement Hamas pour le vote
national à la proportionnelle mais qu’il
ferait une coalition avec d’autres (dont
des candidats chrétiens) pour le vote basé
sur les districts.
Les mouvements révolutionnaires ne sont pas connus pour changer de dirigeants
ou organiser des élections, mais la situation
unique dans laquelle se trouvent
aujourd’huiles Palestiniens rend obligatoire
la participation de tous au processus.
- © Hamed Atta
- Les réformes dans le monde arabe, selon la doctrine américaine : l’ancienne enseigne
« prison dictatoriale » est rebaptisée « prison démocratique
Pour le mouvement Fatah, c’est un changement
majeur. Depuis sa création en
1965, ce mouvement de libération nationale
a évité de se laisser entraîner dans
un cadre politique ou idéologique. Le
dirigeant du Fatah, Yasser Arafat, se
mettait souvent en colère quand quelqu’un
suggérait que le mouvement devrait se
transformer en parti politique.
Mais maintenant que Yasser Arafat n’est
plus là et que le mouvement vit une
longue hibernation, la nécessité d’établir
un mécanisme pour désigner les candidats
des partis s’est imposée. Suivant
l’exemple israélien, les jeunes dirigeants
du Fatah ont suggéré que les candidats
du mouvement soient choisis lors de primaires.
Fort peu d’entre eux savaient ce qu’étaient
des primaires et quel système de primaires
devrait être utilisé. Est-ce que,
par exemple, le public pourra participer
aux primaires ou seront- elles limitées aux
seuls membres du parti ? Comment
décide-t-on des candidats d’un parti qui
était jusqu’à peu clandestin ?
Même si après les accords d’Oslo la plupart
des membres du Fatah sont sortis de
la clandestinité, l’Intifada al-Aqsa et la
formation des Brigades clandestines al-
Aqsa rendent difficile de décider qui est
membre ou pas du mouvement.
Etant donné que le Fatah n’a jamais été
un parti dont on avait la carte, la question
d’appartenance ne s’est jamais posée.
Une plaisanterie a couru pendant longtemps
chez les Palestiniens : quelqu’un
qui n’est pas membre d’un groupe donné
est considéré comme un sympathisant
du Fatah.
Une approche aussi laxiste ne fonctionne
pas bien sûr quand il faut conduire des
primaires. En même temps, tout parti
qui veut obtenir de bons résultats dans
une élection populaire voudra faire en
sorte que le plus d’électeurs possible
adhèrent au parti.
Finalement la décision a été prise de
limiter les candidatures à ceux qui sont
actifs dans le mouvement depuis plus
de dix ans.
La discipline était un autre problème.
Lors d’élections passées, un certain
nombre de militants du Fatah ont gagné
après avoir décidé de se présenter comme
indépendants une fois qu’ils avaient compris
qu’ils ne seraient pas sur la liste officielle.
En conséquence la direction du
Fatah a décidé que toute personne qui
s’engagera comme candidat pour le mouvement/
parti sera exclue définitivement
du parti si il ou elle décide de se présenter
comme indépendant après un échec
aux primaires.
Beaucoup de décisions relèvent bien
entendu du Comité Central du Fatah,
dont 15 membres seulement sont encore
vivants. Il a aussi été décidé en interne
qu’aucun membre du Comité Central
qui se présente aux primaires n’aura
voix au chapitre en ce qui concerne la liste
finale.
Après la tenue des primaires, beaucoup
de problèmes imprévus sont apparus,
dont le plus important a été les pratiques
d’intimidation qui ont eu cours afin de
modifier l’ordre sur la liste, et la violence
qui est apparue dans le processus
des élections internes.
Le Fatah se rapproche de plus en plus du
moment où il va devenir un parti politique.
Les « souffrances de l’accouchement
» pendant les semaines qui précèdent
la création d’une liste définitive du
Fatah sera un facteur clé pour savoir de
quelle manière ce mouvement révolutionnaire
se comportera quand il deviendra
un vrai parti ; et donc la forme que
prendra la direction du peuple palestinien.