Une mission civile se construit en France avant le départ. C’est se retrouver tous pour une réunion de préparation et d’information, et dans la même foulée se séparer...
Chacun doit en effet choisir sa date et son moyen de transport, et s’inventer une couverture, en s’inspirant des expériences variées des uns comme des conseils avisés quoique parfois contradictoires des autres, pour réussir à franchir l’inévitable point d’entrée en Israël : touriste qui n’a pas peur des attentats, pèlerin chrétien qui ne s’éloignera ni du Saint-Sépulcre ni de l’Eglise de la Nativité, ou ami rendant visite à des amis israéliens, les Rosenberg, qui habitent Haïfa, une très jolie ville dit-on. Guides touristiques dûment annotés, copies d’e-mails d’invitation, croix catholique au cou et chapelet de bois en main... tous s’aventurent ainsi dans les lacis policiers de la "seule démocratie du Moyen-Orient".
Au point de ralliement sur place, généralement à Jérusalem, on se compte et se recompte, on coche des listes, on se congratule ou on fait l’assaut des consulats de France si l’un ou l’autre s’est retrouvé qualifié de « persona non grata » par les autorités israéliennes. La dynamique de groupe se met enfin en place, sur le principe bien français de "l’accord collectif" (qui donnera notamment lieu à d’infinis sinon confus débats le soir avant d’aller enfin se coucher...).
Faire une mission civile, c’est ne maîtriser ni son programme ni son temps : check- points ouverts ou fermés, voies directes ou voies alternatives pour se rendre d’un point à un autre, détermination du moyen de transport adéquat, élasticité des lieux et partenaires visités comme des horaires (rendus encore plus compliqués par le décalage entre l’heure dite israélienne et ladite palestinienne !), évaluation au mieux des risques (arrestations...) et décisions pointues en conséquence, rendez-vous avancés, retardés ou annulés, ordres et contre-ordres.
Keffieh et téléphone portable :
les outils indispensables du militant
Tout ceci se succède à un rythme effréné, avec le carillon incessant du téléphone portable qui constitue, comme le keffieh, l’accessoire indispensable du militant en mission civile en Palestine.
Et comme toujours dans une dynamique de groupe, il y a l’éternel retardataire, celui qui fait couchage à part, celui ou celle qui perd tout, le photographe compulsif, le preneur de notes sans fin, celle qui veut faire pipi vite vite vite, et tous ceux ou celles qui sont pour ou contre rendre visite à Arafat, pour ou contre Genève, pour ou contre un seul ou deux Etats. On écoute, on discute, on se dispute le cas échéant, on échange adresses et promesses. Mais partout où l’on va, on s’émerveille de la capacité de résistance de ces Palestiniens que nous sommes venus soutenir quelques jours et qui nous accueillent si bien. On se jure d’y revenir, très bientôt, tous ensemble à nouveau...