À cet égard, la cheffe de mission de Médecins Sans Frontières en Palestine, Marietta Provopolo, déclare : « H2 reflète la souffrance quotidienne du peuple palestinien vivant sous occupation. En fait, la situation ici est si mauvaise que c’est difficile à croire. C’est pourquoi MSF ne cherche pas seulement à fournir des services de santé dans la zone H2, mais nous voulons exprimer aux gens qu’ils méritent le respect et de vivre dans la dignité.
Barrières dedans et dehors
H2 est considérée comme l’une des zones les plus encerclées de Cisjordanie, en raison de la présence de 21 postes de contrôle permanents exploités par les forces israéliennes pour contrôler les déplacements des résidents palestiniens.
Ces checkpoints constituent un obstacle important pour les résidents ainsi que pour les agents de santé souhaitant accéder à la zone H2, où le ministère palestinien de la Santé gère actuellement un établissement médical, pour le traitement des patients souffrant de maladies aiguës, alors que MSF reste la seule organisation médicale présente dans cette zone.
Les équipes de l’organisation ont commencé à travailler dans la zone H2 en août 2021 en formant une équipe de travail entièrement féminine, fournissant des services médicaux aux femmes et aux enfants, y compris des consultations de santé publique, de santé gynécologique et de santé mentale.
Photo : MSF gère une clinique pour femmes et enfants offrant des consultations externes, des dépistages nutritionnels, des services de santé mentale et de santé sexuelle et reproductive dans la zone H2, ville d’Hébron, Cisjordanie. Palestine, novembre 2021.
Parmi les restrictions imposées aux Palestiniens dans la zone H2, figure l’interdiction de conduire des véhicules à moins d’obtenir un permis spécial, ce qui rend difficile leur accès aux services de santé et entraîne de graves répercussions, en particulier pour les personnes ayant des besoins spéciaux, les personnes âgées, les femmes enceintes et les personnes ayant des conditions médicales urgentes qui ont besoin de soins médicaux.
Les restrictions concernant les véhicules incluent également les services d’urgence tels que les camions de pompiers et les ambulances. Dans ce contexte, une patiente de MSF a déclaré à l’équipe MSF que ses trois neveux, dont une petite fille, ont été tués lorsqu’un incendie s’est déclaré dans leur maison après que les soldats israéliens ont refusé d’autoriser les véhicules de pompiers à entrer dans la zone H2 pour éteindre le feu.
Malgré les demandes de la population et compte tenu des services médicaux limités disponibles dans la zone H2, les habitants sont obligés de passer par des points de contrôle pour rejoindre les structures de santé disponibles à l’extérieur de la zone, mais cela n’est pas toujours possible. Lorsque des affrontements ont lieu entre des résidents palestiniens et des colons israéliens ou avec les forces israéliennes, les points de contrôle sont souvent fermés, empêchant les résidents de sortir ou d’entrer dans la zone.
À propos de cette souffrance, une femme de 23 ans qui a demandé des soins médicaux à Médecins sans frontières après avoir eu des complications pendant la grossesse a déclaré : « Je ne peux pas aller chez mon médecin pour des contrôles périodiques de grossesse à cause des affrontements quotidiens près du poste de contrôle. Lorsque j’essaie de quitter H2 pour un taxi, je sens une odeur de gaz. Je ne peux pas aller voir un médecin dans de telles circonstances ».
Dans la zone H2, les Palestiniens qui vivent à proximité des colons israéliens sont souvent empêchés de se déplacer librement, même dans leur quartier, en raison de l’accès restreint à certaines rues et de la nécessité de se soumettre à de multiples contrôles de sécurité. Certains habitants de la zone doivent passer par environ quatre points de contrôle pour atteindre la clinique MSF, tandis que d’autres ne peuvent pas du tout y accéder.
Aucun endroit n’est sûr
En plus de restreindre leur accès aux soins de santé, la situation sécuritaire dans la zone H2 affecte négativement la santé mentale de la population palestinienne, adultes et enfants. De nombreuses maisons palestiniennes font l’objet d’incursions nocturnes de la part des forces israéliennes, qui s’emparent temporairement de certaines parties de leurs maisons.
Selon une enquête menée par une organisation des Nations Unies, 75 % des familles palestiniennes de la zone H2 ont été fouillées par les forces israéliennes entre 2015 et 2018, et dans un tiers de ces cas, un membre de la famille a été agressé physiquement. Au cours de la même période, une famille sur cinq interrogées a déclaré que des enfants avaient été arrêtés par les forces israéliennes.
Ceci est confirmé par le témoignage d’une femme de 41 ans, mère de quatre fils et deux filles, qui a déclaré à Médecins Sans Frontières : « Nos vies sont remplies de souffrances, les forces israéliennes et les colons ont fait plusieurs descentes dans notre maison. J’ai toujours peur que mes enfants soient blessés par des soldats ou des colons, donc je vis dans un état constant d’anxiété.
Quand mes enfants me disent qu’ils ont vu des soldats ou des colons à proximité, j’ai très peur. J’attends toujours avec impatience qu’ils reviennent de l’école, et qu’ils se réfugient à l’intérieur et que je verrouille la porte de ma maison.
Selon le diagnostic de l’équipe de santé mentale de MSF, certains enfants qui visitent la clinique souffrent de symptômes d’anxiété, ce qui affecte leur interaction avec leur famille et les autres enfants. Quant aux adultes, certains d’entre eux souffrent de troubles psychologiques modérés ou sévères, dont la dépression, l’anxiété et des difficultés dans les relations interpersonnelles.
En raison des restrictions de mouvement et des services de santé limités disponibles au H2, MSF a décidé d’étendre ses services en octobre 2021 et cela en réponse à la forte augmentation du nombre de patients se tournant vers MSF pour des soins médicaux. Entre août 2021 et mai 2022, MSF a soigné 5 135 patients, dont près de la moitié étaient des enfants de moins de quinze ans.
Au cours de la même période, l’équipe MSF a fourni un soutien psychologique à 989 personnes et MSF affirme qu’il est toujours nécessaire d’augmenter les services médicaux dans la zone H2. Marietta Provopolo ajoute : « Bien que l’amélioration drastique du statut des résidents H2 soit liée à la résolution de leurs contraintes à long terme, Cependant, nous appelons à augmenter et à renforcer les services de soins de santé dans la zone H2 pour faciliter l’accès à la population, ce qui peut contribuer à atténuer leurs souffrances quotidiennes ».
Traduction : Moncef Chahed