Dans son ouvrage « Le nettoyage ethnique de la Palestine » Ilan Pappe, historien israélien, documente jour après jour ce nettoyage ethnique, avant et après le 15 mai 1948. Nous reproduisons ici un passage des pages 91 et 92 de son ouvrage très éclairant sur le processus en cours il y a 75 ans.
« Très désireux de tester, entre autres, le degré de vigilance britannique face à ses actes, le Haut Commandement de la Haganah, dans le cadre du Conseil Consultatif, décida de mettre à sac tout un village en massacrant un grand nombre de ses habitants. Les autorités britanniques, à cette date, restaient responsables du maintien de l’ordre public, et elles étaient très présentes en Palestine.
Le Haut Commandement choisit le village de Balad al-Cheik, ou reposait le cheikh Ezzedine al-Kassem, l’un des plus vénérés et charismatiques des dirigeants palestiniens des années 1930, tué par les Britanniques en 1935. De ce village, situé à une dizaine de kilomètres à l’est d’Haïfa, sa tombe est l’un des rares vestiges qui subsistent aujourd’hui.
Un commandant local, Haïm Avinoam, reçut l’ordre d’« encercler le village, tuer le plus d’hommes possibles, saccager les biens, mais s’abstenir de s’en prendre aux femmes et enfants ». L’attaque eut lieu le 31 décembre et dura trois heures. Elle fit plus de soixante morts palestiniens, pas tous des hommes.
Notons toutefois que la distinction entre hommes et femmes était encore faite : lors de sa réunion suivante, le Conseil Consultatif décida, pour les opérations futures, que cela compliquait les choses sans nécessité.
Au moment même de l’attaque contre Balad al-Cheik, les unités de la Haganah à Haïfa firent un autre test par une action dure : elles entrèrent dans l’un des quartiers arabes de la ville, Wadi Rushmiya, expulsèrent la population et firent sauter les maisons. On peut considérer cette opération comme le coup d’envoi du nettoyage ethnique en Palestine urbaine. Pendant ces atrocités les Britanniques ont regardé ailleurs. »