dimanche 6 juin 2004
Le dirigeant palestinien Marwan Barghouthi, chef du Fatah pour la Cisjordanie, a été condamné dimanche pour meurtre par le tribunal de district de Tel-Aviv à cinq peines de prison à vie assorties d’une peine de sûreté de 40 ans.
Marwan Barghouthi, aussitôt le verdict prononcé, a affirmé que l’Intifada se poursuivrait, rapporte un correspondant de l’AFP présent à l’audience.
Son avocat a indiqué qu’il ne ferait pas appel.
"L’Intifada triomphera" a clamé Barghouthi en faisant le "V" de la victoire alors qu’il était emmené hors du tribunal.
A son entrée dans la salle, avant "Notre peuple triomphera et nous vaincrons l’occupation".
Alors que le juge avait commencé la lecture de la sentence, il a demandé la parole. Il a eu cinq minutes pour s’exprimer, essentiellement en arabe.
"La poursuite de l’Intifada est la seule voie vers l’indépendance. Cette occupation est la pire occupation coloniale que l’humanité ait connue, mais elle se meurt et ils (les Israéliens) feraient mieux de se préparer à ses funérailles", a-t-il poursuivi.
"Peu importe combien seront tués ou arrêtés, ils ne briseront pas la détermination du peuple palestinien", a-t-il affirmé.
"Peu m’importe que je sois condamné à une peine de prison à vie, ou à 10 ou 50 peines, ma liberté arrivera quand prendra fin l’occupation" a-t-il ajouté, "soutenir Marwan Barghouthi c’est soutenir la dignité et la justice".
Alors qu’il s’apprêtait à poursuivre en hébreu, il a été interrompu.
Arrêté par l’armée israélienne le 15 avril 2002 à Ramallah (Cisjordanie)(1), M. Barghouthi était notamment inculpé de 26 meurtres, de "complicité de meurtre, tentatives de meurtre, participation à une organisation terroriste et détention d’armes et d’explosifs".
Il avait été reconnu coupable le 20 mai de quatre attentats, dont trois avaient entraîné la mort de cinq personnes : un prêtre grec-orthodoxe tué en 2001 dans une embuscade sur une route de Cisjordanie par les Brigades des Martyrs d’al-Aqsa, et quatre Israéliens.
Il n’a jamais reconnu la compétence du tribunal de Tel-Aviv pour le juger, celui-ci étant selon lui un tribunal "d’occupation".
M. Barghouthi, dont le procès avait débuté le 14 août 2002 devant le tribunal de district de Tel-Aviv, avait refusé de reconnaître la compétence de cette juridiction, celle-ci étant selon lui un "tribunal de l’occupation".
"La sentence prononcée contre lui est invalide et illégale et cette cour israélienne n’a aucune compétence pour le condamner car il est un membre élu du Conseil Législatif Palestinien (CLP, parlement palestinien). Nous demandons à Israël de le relâcher immédiatement", a déclaré à l’AFP Saëb Erakat, ministre palestinien chargé des négociations, après l’annonce de la condamnation.
Considéré dans les territoires occupés comme un successeur potentiel du président de l’Autorité Palestinienne, Yasser Arafat, en raison de sa très grande popularité, M. Barghouthi est le plus haut dirigeant palestinien jugé par Israël depuis le début de l’Intifada, fin septembre 2000.
En tant que chef du Fatah (le mouvement de M. Arafat) pour la Cisjordanie, les Israéliens voyaient en lui l’un des principaux organisateurs de l’Intifada déclenchée en septembre 2000.
Chef du Fatah en Cisjordanie, cet homme a été propulsé sur le devant de la scène par l’Intifada avant laquelle il était relativement peu connu des Palestiniens et totalement inconnu des Israéliens.
C’était alors simplement l’un des chefs de file de la "jeune garde", c’est-à-dire la nouvelle génération de leaders palestiniens issue de la lutte contre l’occupation à l’intérieur des Territoires Occupés, par opposition à la "vieille garde" de l’OLP qui entoure M. Arafat depuis les années 1960.
Mais les multiples interviews accordées à la presse après le lancement de l’Intifada l’ont vite rendu célèbre, notamment en Israël.
Barghouthi a été systématiquement présenté par les autorités israéliennes comme le chef de cette révolte et le leader des "Tanzim", terme désignant l’ensemble des groupes armés contrôlés par le Fatah.
Il était aussi accusé par Israël d’être le chef des Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa, groupe armé lié au Fatah. M. Barghouthi s’est toujours décrit comme un simple leader politique, mais n’a jamais caché son soutien aux actions des Brigades.
"Les Brigades constituent le plus important développement qu’ait connu" déclarait-il ainsi.
En août 2001, il avait échappé à un tir de missiles israéliens contre un convoi de trois voitures dans lequel il avait pris place et qui visait, selon l’armée israélienne, un activiste de la garde rapprochée de M. Arafat recherché pour le meurtre de huit Israéliens.
Titulaire d’une maîtrise en sciences politiques de l’Université de Bir Zeit, près de Ramallah, M. Barghouthi, marié et père de quatre enfants (2), a passé plusieurs années dans les prisons israéliennes, où il a appris l’Hébreu, avant d’être exilé en Tunisie en 1987, au début de la première Intifada (1987-1993).
Revenu en Cisjordanie après les accords d’Oslo de 1993, dont il est alors un fervent partisan, il est élu membre du Conseil Législatif lors du scrutin qui suit l’établissement de l’Autorité palestinienne.
Mais le blocage du processus de paix après l’échec du sommet de Camp de David de juillet 2000 en fait un "déçu d’Oslo", bien qu’il reste partisan d’une solution reposant sur la coexistence pacifique de deux Etats, israélien et palestinien.
AFP
NOTES :
1) Marwan Barghouthi a été littéralement kidnappé à Ramallah, ville autonome palestinienne, sous seule juridiction palestinienne, en contravention flagrante au droit et des accords internationaux.
2) Qassam, le fils ainé de Marwan Barghouthi,étudiant, arrêté en décembre 2003 pour faire pression sur son père, est toujours en détention.