Jérusalem est une fois de plus le théâtre d’une action collective populaire ; une réaction spontanée à l’injustice et à l’oppression dans un contexte d’échec des structures de leadership locales.
Les gens se sont lassés des slogans vides et des faibles plateformes, et ont choisi de prendre les choses en main. Mais ce cycle de protestation n’est pas viable sans un environnement social favorable qui transcende la géographie et les frontières.
Comme dans les vagues de colère qui ont éclaté en octobre 2015 et en juillet 2017, l’action populaire actuelle à Jérusalem représente la politique de résistance dans sa forme la plus vibrante. De telles actions collectives représentent un défi pour les autorités et les élites, ainsi que pour leurs revendications de représentation.
Pourtant, la transformation de cette colère en un mouvement social représentatif de l’ensemble du peuple palestinien nécessite des efforts qui s’appuient sur les réseaux existants. Elle nécessite la consolidation d’objectifs collectifs basés sur un programme de libération du colonialisme et de défi aux autorités et élites oppressives.
Les habitants de Jérusalem reconnaissent cette dynamique, et ils savent qu’en transformant la vague de colère en un mouvement plus large, ils se rapprocheront de l’émancipation et de l’autodétermination. À cette fin, comme l’a soutenu l’analyste politique Hani al-Masri lors de la vague de protestation de 2017, quatre conditions doivent être remplies : une large adoption populaire, la continuité, l’objectivité de la plateforme et le leadership.
Vide de leadership
L’action collective actuelle ne répond qu’à certaines de ces exigences. La fragmentation géographique limite la possibilité d’une adoption populaire, et sans quelque chose pour revigorer le mouvement, la volonté et la persistance des gens s’épuiseront inévitablement. La plate-forme, ou programme d’action, est encore en cours d’élaboration, et le passage de demandes immédiates et essentielles à des demandes à plus long terme est un processus difficile, bien que nécessaire.
Le vide de leadership constitue toutefois le plus grand défi. Il est de la plus haute importance de combler ce vide par un leadership légitime, représentatif et efficace qui définisse la direction du régime politique à la suite des événements actuels à Jérusalem.
L’action collective peut être brève ou durable, institutionnalisée ou perturbatrice. Elle se transforme en action litigieuse lorsqu’elle est utilisée par des personnes incapables d’accéder aux institutions représentatives pour récupérer leur agenda politique, et lorsqu’elles défient les autorités répressives et les leaders politiques traditionnels ainsi que leurs visions et intérêts étroits.
L’objectif final étant l’obtention des droits nationaux, il s’agit d’une longue bataille, et la victoire ne doit pas être célébrée trop tôt. La véritable victoire exige la sauvegarde des acquis et la poursuite de l’action populaire.
Le réveil actuel à Jérusalem constitue une nouvelle occasion de se libérer du cycle répressif qui assombrit la vie des Palestiniens ; de porter la situation dans les rues, les allées et les lieux représentatifs de l’action politique.
Stratégie unificatrice
La résistance contre les colonisateurs et les outils de la colonisation sont nécessaires à l’émancipation. Les gens peuvent être oubliés lorsqu’ils sont à l’intérieur du cycle répressif, mais pas lorsqu’ils sont activement engagés dans une action collective populaire et unificatrice. Cela est vrai non seulement dans le contexte palestinien, mais aussi dans d’autres projets de libération dans le monde.
Pour développer une stratégie unificatrice, il faut un environnement propice, ce qui n’est pas réalisable avec le leadership politique. Cela ne fait que rendre la question plus pressante et urgente.
L’adoption populaire d’une action massive et concertée visant à redéfinir le projet, le discours et les objectifs nationaux - en plus de recréer le régime politique, ses outils et ses institutions représentatives - sont des mesures correctives qui n’ont que trop tardé. Si la portée et l’ampleur des différentes vagues de protestation ont varié, la nouvelle génération de Palestiniens a indiqué à plusieurs reprises qu’elle était prête à aller dans cette direction.
En fin de compte, cependant, le facteur décisif sera que les acteurs politiques soutiennent la résistance quotidienne des Palestiniens. Ce n’est qu’alors que le fossé entre le peuple et ses dirigeants commencera à s’estomper, permettant aux Palestiniens de commencer à construire leur propre base de pouvoir après des décennies de défaite. Ils seront alors vraiment prêts à faire face au projet colonial sioniste et aux autres projets régionaux qui poussent à un règlement injuste.