Parmi eux, Mahmoud Al-Safadi, palestinien, originaire de Jérusalem
occupée, détenu dix-huit ans
dans les geôles israéliennes « pour
avoir appartenu au Front populaire de
libération de la Palestine et pris une part
active dans la résistance à l’occupation
durant la première Intifada ». Il publiait
dans Le Monde daté du
5 décembre une tribune en forme de
lettre ouverte à Mahmoud Ahmadinejad
intitulée « Les autres victimes d’une
négation ».
Nous en publions des extraits.
« Je respecte votre opposition aux
injonctions américaines et occidentales
concernant le programme
nucléaire iranien et estime légitime
que vous vous plaigniez du double langage
que le monde tient à l’égard du développement
nucléaire de certains régimes. Mais
j’enrage devant l’insistance que vous mettez
à affirmer que l’Holocauste n’a jamais
eu lieu, et devant vos doutes sur le nombre
de juifs qui ont été assassinés dans les
camps de concentration et d’extermination,
les massacres organisés, les chambres à
gaz - niant par là même la signification historique
universelle de la période nazie. (...)
J’estime qu’un homme dans votre position
ne devrait pas commettre une erreur aussi
énorme, car elle pourrait se retourner contre
lui et, pis encore, contre son peuple. (...) Au
début des années 1990, en lisant des articles
rédigés par les intellectuels palestiniens
Edward Saïd et Azmi Bishara, j’ai découvert
des faits et des positions qui contredisaient
les miennes et celles de nombreux Palestiniens.
(...) Plus j’en apprenais, plus je réalisais
que l’Holocauste était bien un fait historique
et plus je prenais conscience de la
dimension monumentale du crime commis
par l’Allemagne nazie contre les juifs, contre
d’autres groupes sociaux et nationaux - et
contre l’humanité en général. (...) Quel que
soit le nombre de victimes -juives et non
juives -, le crime est monumental. Toute
tentative de le nier prive le négateur de sa
propre humanité et le renvoie directement
du côté des bourreaux. Quiconque nie le fait
que ce désastre humain ait réellement eu
lieu ne doit pas s’étonner que d’autres nient
les souffrances et les persécutions infligées
à son propre peuple par des dirigeants tyranniques
ou des occupants étrangers. (...)
Vous pensez peut-être que le fait de nier
l’Holocauste vous place à la pointe du monde
musulman, et que ce déni constitue un outil
valable dans le combat contre l’impérialisme
américain et l’hégémonie occidentale. Ce
faisant, vous rendez en réalité un bien mauvais
service aux luttes populaires de par le
monde.
Au mieux, vous couvrez de ridicule votre
peuple et vous-même aux yeux de forces politiques
qui rejettent l’impérialisme mais ne
peuvent prendre au sérieux vos conceptions
et arguments, du fait que vous niez de
façon obsessionnelle l’existence d’une
période historique abondamment documentée
et étudiée et dont les conséquences
se font encore sentir et sont toujours discutées
à l’heure actuelle. Au pis, vous découragez
et affaiblissez les forces politiques,
sociales et intellectuelles qui, en Europe et
aux Etats-Unis, rejettent la politique de
confrontation et de guerre menée par George
Bush, mais se voient contraintes de conclure
que, vous aussi, vous mettez le monde en
danger par vos déclarations niant le génocide
et par votre programme nucléaire.
Concernant la lutte de mon peuple pour son
indépendance et sa liberté : peut-être considérez-
vous la négation de l’Holocauste
comme une expression de soutien aux Palestiniens
? Là encore, vous vous trompez.
Nous luttons pour notre existence et nos
droits, et contre l’injustice historique qui
nous a été faite en 1948. Nous n’obtiendrons
pas notre victoire et notre indépendance
en niant le génocide perpétré contre le peuple
juif, même si les forces qui occupent
aujourd’hui notre pays et nous en dépossèdent
font partie de ce peuple.