Photo : Elsa Lefort, à gauche, épouse de l’avocat franco-palestinien Salah Hammouri, prend la parole lors d’un rassemblement organisé en juillet 2020 près de Paris pour demander sa libération. Israël, qui détient à nouveau Hammouri, a révoqué la résidence du natif de Jérusalem et annoncé son expulsion imminente. Crédit : Ait Adjedjou Karim Abaca Press
Israël a annoncé son intention d’expulser le prisonnier politique Salah Hammouri dans les prochains jours. Des législateurs et des défenseurs des droits de l’Homme appellent le gouvernement français à agir fermement pour l’en empêcher.
L’avocat franco-palestinien est en détention "administrative" israélienne, sans inculpation ni procès depuis juillet, dernière épreuve en date de la longue campagne de détention, de harcèlement et de persécution menée par Israël à son encontre.
Aujourd’hui, Hammouri a été informé qu’il serait expulsé dans les jours qui viennent pour "défaut d’allégeance", selon Addameer, l’association de défense des prisonniers où il travaille.
Depuis des années, Israël cherche à révoquer la résidence d’Hammouri à Jérusalem, la ville où il est né et qu’il occupe en violation du droit international.
Israël, qui n’a aucune autorité légale ou légitime pour le faire, révoque régulièrement la résidence des Palestiniens de Jérusalem, une forme de nettoyage ethnique bureaucratique visant à supprimer l’organisation politique palestinienne tout en judaïsant la ville.
Mercredi, selon Addameer, la ministre israélienne de l’intérieur, Ayelet Shaked, "a réaffirmé sa décision de révoquer la résidence de Salah et a signé son expulsion avec l’approbation du ministre israélien de la justice, Gideon Saar, et suite aux recommandations de l’Agence israélienne de sécurité".
La réponse de la France critiquée
Jeudi, le ministère des affaires étrangères à Paris a déclaré que la France suivait l’affaire Hammouri "de très près et au plus haut niveau."
En réponse à une question lors de son point de presse quotidien, le porte-parole du ministère a noté que le président Emmanuel Macron avait "évoqué son cas lors d’un appel téléphonique avec le Premier ministre israélien Yair Lapid."
Hammouri "doit être autorisé à vivre une vie normale à Jérusalem, où il est né et réside, et sa femme et ses enfants doivent être autorisés à y retourner et à le rejoindre" a déclaré le ministère.
Pour certains militants en France, c’est loin d’être suffisant.
"Vous n’avez rien fait de concret pour faire pression sur Israël", a tweeté Madjid Messaoudene, militant antiraciste, en réponse à la déclaration de l’administration Macron.
"Israël vous humilie tous les jours et vous l’acceptez. Vous ne l’accepteriez d’aucun autre État" a ajouté Madjid Messaoudene. "Si Salah Hammouri est expulsé, vous en porterez la responsabilité."
Vous n'avez concrètement rien fait pour mettre la pression sur Israël
Israël vous humilie quotidiennement et vous l'acceptez
Vous ne l'accepteriez d'aucun autre État
Si Salah Hamouri est expulsé vous en porterez la responsabilité https://t.co/A8ej0Y8Iwl
— Madjid Messaoudene 🇵🇸 (@MadjidFalastine) December 1, 2022
Le bloc parlementaire de gauche français LFI-NUPES a également appelé à une action plus robuste de Paris.
"Il est grand temps que la diplomatie française affiche plus clairement son soutien à Salah Hammouri et hausse le ton contre Israël" ont déclaré les parlementaires.
🔴🇵🇸 Il serait grand temps que la diplomatie française assume de façon plus nette son soutien à Salah Hamouri et qu'elle hausse le ton face à Israël.
Non à l'expulsion de l'avocat franco-palestinien Salah Hamouri !
Communiqué du groupe parlementaire LFI-NUPES ⤵️ pic.twitter.com/qctzXpZS5S
— Groupe parlementaire La France Insoumise - NUPES (@FiAssemblee) December 1, 2022
Cet appel a été repris par de nombreux parlementaires, dont Eric Coquerel, président de la commission des finances du Parlement français.
L’Etat d’Israël a informé le franco-palestinien Salah Hamouri de son intention de l’expulser de force le 4 décembre après des mois en prison.
J’interpelle @EmmanuelMacron afin qu’il agisse fermement pour éviter cette décision arbitraire #LiberezSalah #JusticeforSalah pic.twitter.com/YYOQqdMxyb— Eric Coquerel (@ericcoquerel) November 30, 2022
Pendant ce temps, le CRIF, principal groupe communautaire juif et pro-israélien de France, a attaqué les législateurs de gauche pour leur solidarité avec Hammouri, les accusant de soutenir la "destruction d’Israël" et le "terrorisme."
Salah Hamouri n'est pas Nelson Mandela.
Il est membre du FPLP, une organisation reconnue comme terroriste par l'UE et les Etats-Unis.
L'obsession de LFI à le soutenir fait l'apologie d'une idéologie mortifère : la destruction d'Israël.
LFI soutient-elle le terrorisme ? pic.twitter.com/Tew4IftOLQ
— Yonathan Arfi (@Yonathan_Arfi) December 1, 2022
"C’est du sadisme"
En plus d’emprisonner Hammouri sans accusation ni procès et de chercher à l’expulser de son pays natal, les autorités d’occupation israéliennes ont également violé son droit à la vie familiale.
"Ma femme, Elsa Lefort, est une citoyenne française. Elle a été expulsée par Israël en 2016 alors que nous attendions notre premier enfant", a écrit Hammouri pour The Electronic Intifada en 2020. "Depuis quatre ans, je suis séparé de ma femme et de mon fils."
"Nous avons été frappés dans notre bonheur et placés devant un choix que personne ne devrait avoir à faire" a déclaré Lefort aux médias le mois dernier. "Vous devez choisir entre votre patrie et votre femme et votre fils. C’est du sadisme."
Le plus jeune enfant du couple connaît à peine son père.
"La petite a vu son père pour la dernière fois quand elle avait 11 jours. Maintenant, elle a presque 19 mois", a déclaré Lefort. "Donc pour elle, son père est surtout une photo qu’elle embrasse."
Expulsée par Israël, Elsa Lefort vit en France séparée de son mari Salah Hamouri depuis bientôt sept ans. L’avocat franco-palestinien est à nouveau détenu depuis neuf mois en Israël pic.twitter.com/DUyJKelnmx
— Middle East Eye Fr (@MiddleEastEyeFr) November 29, 2022
"Escalade sismique"
Expulser "le défenseur des droits Salah Hammouri de sa Jérusalem natale serait une escalade sismique dans les efforts d’Israël pour expulser les Palestiniens et [un] assaut violent contre la société civile palestinienne" a tweeté jeudi Omar Shakir, directeur Israël et Palestine de Human Rights Watch, exhortant Macron à faire pression sur Israël.
Deporting French-Palestinian rights defender Salah Hamouri from his native Jerusalem would be a seismic escalation in Israel’s efforts to force out Palestinians & all-out assault on Palestinian civil society. @EmmanuelMacron must urgently press @IsraeliPM not to expel Hamouri 1/2 https://t.co/K20M5xH16G
— Omar Shakir (@OmarSShakir) December 1, 2022
Shakir a noté qu’Addameer, l’employeur de Hammouri, est l’un des nombreux groupes palestiniens de défense des droits de l’Homme qu’Israël prétend avoir mis hors la loi en tant qu’organisations "terroristes" et qu’il a violemment attaqué l’année dernière.
En tant que telle, la situation d’Hammouri "incarne la lutte des défenseurs des droits des Palestiniens contre l’apartheid" a ajouté Shakir.
Des appels similaires ont été lancés par de nombreux autres défenseurs des droits de l’Homme.
268 jours de détention pour Salah Hamouri.
Il est AUSSI un citoyen français. En cette journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, nous demandons à @EmmanuelMacron de s'engager pour le respect de ses droits.#JusticeForSalah https://t.co/a5C3aW2RMB
— Amnesty International France (@amnestyfrance) November 29, 2022
Breaking : Human rights defender Saleh Hammouri is at imminent risk of deportation
Yesterday Israel's Supreme Court rejected our appeal against revocation of his Jerusalem residency on the grounds of "breach of allegiance".
Hammouri currently has NO LEGAL STATUS in his homeland. https://t.co/dhk5jHxAap— HaMoked (@HaMokedRights) December 1, 2022
Imprisoned Palestinian-French human rights lawyer, Salah Hammouri, has been informed that he will be forcibly deported in three days’ time for “breach of allegiance” to Israel, following the revocation of his Jerusalem ID.https://t.co/1IKDBbeWAl#justiceforsalah #freesalah
— JusticeforSalah (@JusticeforSalah) December 1, 2022
Settler colonialism in action. Hammouri is permeable expelled by Israel from his native city and homeland for “breach of allegiance.” This has been the fate of over 15,000 Palestinian Jerusalemites since Israel occupied the city in 1967. And Israel does this with full immunity. https://t.co/2KXHIlLxbf
— Lana Tatour (@Lana_Tatour) November 30, 2022
Mais il reste à voir si Macron, qui ne manque aucune occasion d’exprimer son soutien à Israël - allant jusqu’à nier sa perpétration du crime d’apartheid face à des preuves accablantes - agira.
Ce n’est guère un signe encourageant que l’ambassade de France à Tel Aviv ait récemment célébré l’arrivée du détaillant français Carrefour en Israël.
Le PDG de Carrefour Israël dévoile les premières conséquences de l'arrivée du distributeur français dans les enseignes israéliennes : « Tout le marché nous suit ». pic.twitter.com/CtnevTPIP8
— La France en Israël (@franceenisrael) November 22, 2022
Au début de l’année, Carrefour a annoncé qu’il allait introduire ses produits en Israël en partenariat avec des entreprises israéliennes profondément impliquées dans la colonisation illégale des terres palestiniennes occupées.
Alors que la France prétend s’opposer aux colonies israéliennes et à d’autres abus, elle a été plus qu’heureuse de voir des entreprises françaises s’enrichir de leur complicité dans les crimes de guerre contre les Palestiniens, même si elles sont aussi des citoyens français.
Traduction : AFPS