Nombre de militants et d’amis de l’Association France Palestine Solidarité connaissent déjà le premier, My Land [1] , car il a ouvert la Biennale « Proche-Orient : ce que peut le cinéma », concouru avec succès au Festival de Fameck et été présenté en avant-première dans plusieurs villes. Fils d’une mère juive et d’un père musulman, le jeune cinéaste marocain Nabil Ayouch a hésité longtemps avant d’aborder ce conflit. Il s’y est finalement risqué d’une manière très originale.

Première étape : le camp de Chatila, au sud de Beyrouth, où le cinéaste a enregistré les témoignages de réfugiés palestiniens de trois villages du nord d’Israël. Sur les ruines de ces derniers, deux kibboutzim et un mochav [2]ont vu le jour : Ayouch s’y est ensuite rendu pour confronter leurs occupants israéliens d’aujourd’hui, jeunes notamment, à la parole de leurs habitants arabes d’hier. Tous ont accepté de l’écouter et de la commenter. Aucun commentaire ne vient troubler ce face à face à distance, où tout resurgit : la longue coexistence entre Juifs et Arabes en Palestine, la violence de la guerre d’expulsion de 1948, la douleur de l’exil, la diversité des sensibilités israéliennes, les issues possibles… Et la magnificence des images suffit à expliquer l’amour que les uns et les autres portant à cette terre : pourront-ils la partager, et comment ?
Avec Une Bouteille à la mer [3], Thierry Binisti, lui, a réalisé un film de fiction, d’après le livre de Valérie Zenatti et avec la participation active de celle-ci, du scénario au tournage et au montage.

Bouleversée par un attentat-kamikaze commis dans son quartier, Tal, une jeune Française installée à Jérusalem avec sa famille, écrit à un jeune Palestinien imaginaire : elle confie sa lettre à son frère, qui l’introduit dans une bouteille et jette celle-ci à la mer non loin de Gaza, où il effectue son service militaire. Un jeune Palestinien la trouve et lui répond par mèl...
La suite pourrait se transformer en bluette pétrie de bons sentiments et renvoyant dos-à-dos la jeune Israélienne et son correspondant palestinien, Naïm, qui signe « Gazaman ». Il n’en sera rien. Car la grande histoire rattrape la petite : alors que leur dialogue s’amorce, Tel-Aviv se lance dans l’opération « Plomb durci », dont le film nous fait vivre l’horreur. Puis il nous prend à témoin de la prise de conscience de Tal, face à sa famille et à son frère, jusqu’à l’impossible rencontre…
Un bon film – et c’est le cas de l’un comme de l’autre – se suffit bien sûr à lui-même, et ne saurait être réduit à son message politique. Mais il gagne à être prolongé par un débat. C’est dire que My Land comme Une Bouteille à la mer méritent d’être soutenus dès leur sortie afin de leur assurer un large public, mais aussi accompagnés par des débats. En cette période de campagne présidentielle propice, s’agissant d’Israël et de la Palestine, au meilleur mais aussi au pire [4] , ces deux films et les initiatives qu’ils susciteront peuvent nous aider à rappeler que seul le droit international – en l’occurrence les résolutions des Nations unies – permettra d’en finir avec cette guerre de cent ans…
Dominique Vidal.