>> Télécharger la lettre des parrainages n°25 (pdf)
Les deux bénévoles assurant la gestion des parrainages rendent compte de la mission qu’elles ont effectuée en mai dernier dans les camps de réfugiés palestiniens du Liban, accompagnées d’une adhérente psychologue clinicienne. Cela ne s’était pas fait depuis 20 ans. Le but : rencontrer notre association partenaire Beit Atfal Assumoud (BAS) pour consolider notre coopération et rendre visite aux 35 enfants parrainés par le biais de l’AFPS.
Le Liban connait une crise sans précédent, aggravée par l’explosion dans le port de Beyrouth en août 2020, la pandémie COVID, l’absence de réel gouvernement, et l’effondrement de quasiment tous les services publics. Mais tout le monde n’est pas touché de la même façon par cette crise. La richesse est insolente : le nombre de Maserati, Lamborghini, Porsche, est sidérant.
Même s’il existe des réfugiés riches deux sont à la tête de banques libanaises et se sont vu octroyer la nationalité libanaise ils sont une infime minorité.
12 camps de réfugiés palestiniens sont implantés au Liban, abritant 480 000 personnes. 93% d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté, et 70% des familles n’ont pas d’ordinateur portable ou d’accès au WIFI. Depuis début 2023, il y a 4 heures d’électricité par jour, contre une heure auparavant.
L’UNRWA, l’agence de l’ONU dédiée aux réfugiés palestiniens (près de 6 millions de personnes en Cisjordaine, à Gaza, en Syrie, au Liban et en Jordanie), fournit des services éducatifs, sanitaires et sociaux (300$ sont versés aux familles tous les deux mois), et d’amélioration des infrastructures des camps. Mais le sous financement chronique de l’agence au cours de la dernière décennie, les pays contributeurs réduisant chaque année leurs aides, l’a conduite à réduire son action et met en péril l’avenir de ses programmes.
Beit Atfal Assumoud (BAS)
BAS est une ONG palestinienne basée à Beyrouth qui aide les réfugiés palestiniens au Liban. Elle n’est affiliée à aucun groupe politique ou religieux. BAS a un centre social et du personnel dans tous les camps de réfugiés. Chaque centre social, a à sa tête un directeur trice et dispose de travailleuses sociales. Il propose des services tels que jardins d’enfants, centres de soins, activités de loisirs...
BAS gère le parrainage d’environ 1000 enfants sur l’ensemble des camps. L’ONG identifie les enfants qui ont besoin d’être parrainés et envoie leurs dossiers à ses partenaires internationaux, dont l’AFPS, qui se chargent de rechercher
des parrains ou marraines. Les travailleurs sociaux de BAS réalisent des visites à domicile chez les enfants parrainés une fois par mois.
Dès notre arrivée nous avons rencontré l’équipe de BAS avec qui nous avons établi un programme de visites qui se sont déroulées les dix jours suivants. Dans
chacun des 8 camps où des enfants sont parrainés par le biais de l’AFPS, nous avons rencontré le directeur ou la directrice BAS du camp, puis les familles parrainées. A chaque fois nous étions accompagnées par l’assistante sociale chargée du suivi de la famille. Rashidieh 2023 : les élèves du cours de Bouzouk

Les camps de réfugiés
Les camps de réfugiés sont des enceintes fermées, souvent par des blocs de béton installés par l’armée libanaise. Celle ci contrôle les entrées et sorties, et nous avons dû obtenir son autorisation pour avoir accès aux camps. Il se fait par des check points au nord et au sud, surplombés par des miradors. Les Palestiniens y attendent parfois une heure... L’armée libanaise ne pénètre pas dans les camps. Un coordonnateur BAS pour les trois camps du sud intervient comme médiateur en cas d’incident entre l’armée et les réfugiés.
Les déplacements des Palestiniens près de la frontière sud pour voir la terre de Palestine sont soumis à autorisation. Même une fois donnée, elle est parfois refusée au check point, et le refus non motivé.
Les camps de la banlieue de Beyrouth (Chatila, Burj el Barajneh) sont surpeuplés. Le manque d’espace et de verdure est criant, les ordures s’entassent. Les camps du nord et du sud ne souffrent pas des mêmes problèmes.

Burj el Barajneh
L’entretien avec la jeune fille parrainée s’est passé à l’extérieur du camp.
Chatila
Les pires logements que nous ayons vus. Dans l’un, une planche devant la porte d’entrée empêche les rats d’entrer. 125 enfants (64 familles) sont parrainés. Trois travailleurs sociaux de BAS interviennent dans le camp.
Beddawi
A 5 kilomètres de Tripoli, le camp donne une impression de calme. Ruelles plus larges et propres.
Nahr el Bared
Le médecin du camp nous expose les actions du service Reproductive Health, l’équivalent de notre Planning familial.
Baalbek
5 000 personnes vivent dans ½ km2. 53 enfants (35 familles) sont parrainés, ainsi que 8 personnes âgées. 60 enfants reçoivent du soutien scolaire dispensé par BAS.
Burj el Shemali
Impression d’espace dans le camp, bien aéré. 135 enfants (75 familles) sont parrainés. De nombreux jeunes suivent l’enseignement professionnel dispensé. BAS veut former au photovoltaïque, car le camp s’équipe de panneaux solaires.
Rashidieh
C’est le 3e camp le plus peuplé. 122 enfants (67 familles) y sont parrainés. Le camp est au bord de la plage. Dans le jardin d’enfants les éducatrices font respirer les enfants au rythme des vagues que l’on entend derrière le mur. Il y a une seule route d’accès au camp, et une seule entrée. Il y a un hôpital, dirigé par le croissant palestinien, et où travaillent des médecins de l’UNRWA : un généraliste pour 25000
personnes. C’est le camp le plus près de la frontière, souvent affecté par des frappes israéliennes. BAS organise des sorties pour les jeunes à la frontière, pour qu’ils voient la terre des générations précédentes. Ainsi elle devient leur terre. Une des multiples façons de transmettre l’amour du pays aux générations suivantes.

El Buss
61 enfants parrainés (25 familles). Le centre a des jardins sur les toits, où les habitants font pousser légumes et fleurs. De nombreux services sont regroupés à El Buss du fait de sa situation géographique centrale pour les camps du sud, près de Tyr. BAS met d’énormes moyens en œuvre pour soigner les troubles de santé mentale. Nous avons pu nous entretenir avec l’ergothérapeute et l’orthophoniste. La demande pour de tels services a augmenté, et la prise en charge des enfants est de plus en plus précoce.
Faire mieux connaître l’existence des camps de réfugiés palestiniens du Liban
Combien de camps au Liban ? Combien de réfugiés ? Qui est au courant de ce qu’ils vivent ? Certes ils ne sont pas en butte à l’occupation comme en Cisjordanie ou à Gaza. N’étant plus sur leur terre, ils ne peuvent pas résister à l’occupant. Ils sont exilés, oubliés. A quelques kilomètres seulement de leur terre pour ceux du sud. Ils ne peuvent que la voir, sans pouvoir en fouler le sol. L’espoir qui les tient en vie, c’est que le droit au retour soit appliqué.
« Les Palestiniens du Liban sont les oubliés du monde » a dit le directeur de BAS Kassem Aïna. Nous pouvons faire en sorte qu’ils ne le soient plus.
Des enfants en souffrance
Les enfants dans les camps souffrent tous à un titre ou à un autre.
– Ils sont presque tous orphelins de père. C’est un des critères de BAS, avec la maladie grave d’un des parents, pour parrainer les enfants.
– Beaucoup souffrent de maladies graves comme la thalassémie, la maladie de Moya Moya, la drépanocytose, le retard de croissance, ou de troubles psychologiques.
– L’habitat est insalubre.
– Les conditions matérielles et économiques entraînent la déscolarisation : les familles n’ont pas les moyens de payer le transport scolaire (20$ par mois), les enfants travaillent pour gagner un peu d’argent.
– La fermeture des écoles à cause du COVID a fait perdre deux ans d’études aux jeunes Palestiniens des camps : pas d’accès à internet faute d’électricité et/ou d’ordinateur même quand des cours en ligne ont été disponibles.

Des mères en grande fragilité psychologique
Beaucoup de mères sont dépressives et ne sont pas en mesure d’assumer la fonction parentale. Nous constatons par exemple qu’un enfant de 10 ans a des cernes importants sous les yeux. Sa mère nous explique : « Il joue à des jeux vidéo sur mon portable jusque tard dans la nuit. » Elle ne peut pas se faire obéir.
Les relations des filleuls avec leurs parrains/marraines
Peu de nouvelles sont échangées entre parrains/marraines et filleul.es. En prévision de notre mission, nous avions demandé aux parrains et marraines d’écrire une lettre à leur filleul.e. 17 sur 35 ont répondu à l’appel, 2 ont joint un cadeau. Lors de notre mission, nous avons remis ces courriers et cadeaux aux enfants.
Nous avons rapporté une lettre de chaque enfant parrainé. 7 enfants y avaient joint un cadeau. Nous les avons envoyés aux parrains et marraines avec des photos que nous avons prises sur place.
Nous avons demandé à BAS que les enfants envoient deux lettres par an avec un contenu personnel, et que le bulletin scolaire de fin d’année de chaque enfant nous soit transmis. BAS a proposé que les travailleuses sociales réalisent des vidéos des enfants parrainés, et les envoient aux parrains/marraines, proposition que nous approuvons.
Comment est utilisé l’argent des parrainages
Le parrainage complet d’un enfant est de 60€ par mois. Après déduction des frais de gestion (7%), l’AFPS reverse à BAS 55,80€ par enfant, soit 60$.
Sur ces 60$ :
– 10$ sont prélevés pour les salaires des travailleurs sociaux (5$) et pour les activités et services dispensés par BAS. Les nombreux services et programmes d’aide mis en place par BAS justifient à nos yeux qu’une partie de l’argent du parrainage y soit consacré.
– 20$ sont versés mensuellement en livres libanaises aux enfants parrainés
– 30$ sont « épargnés » pour permettre 3 versements annuels (en $) à l’occasion de l’Aïd, de l’anniversaire de l’enfant et d’une autre occasion.
Chaque enfant reçoit donc finalement 50$ par mois sur l’année. Les parrains et marraines qui le souhaitent peuvent bien entendu faire un versement exceptionnel à leur filleul.e à tout moment.
Parrainer autrement ?
7 sur 35 des enfants parrainés sont majeurs. Du fait de la situation économique critique de nombreuses familles, le parrainage continue en effet au delà de la majorité du jeune, notamment pour la poursuite d’études (formation professionnelle, université). Le développement du parrainage pour ces situations pourrait être envisagé, avec par exemple le financement de bourses pour la formation professionnelle, dont le coût pour 5
mois de formation est de 300$.