le 28 mai 2004
Cher Monsieur Owens,
Dans mon mandat en tant que Rapporteur Spécial sur le droit alimentaire que la Commission aux Droits de l’homme des Nations Unies (résolution 2000/0) m’a confié, il m’a été demandé de chercher, recevoir et de réagir aux informations sur tous les aspects de l’exécution au droit alimentaire, y compris sur l’urgence pour éradiquer la faim.
Dans sa plus récente résolution (2004/19) qui a été adoptée en avril 2004, la Commission aux Droits Humains a demandé à tous les Etats et aux acteurs privés, de prendre intégralement en compte la nécessité de promouvoir la réalisation effective du droit alimentaire et de coopérer pleinement à la réalisation de mon mandat.
Selon mes observations lors de la mission dans les territoires occupés palestiniens en juillet 2003, et suite aux informations ultérieures que j’ai reçues, les actions des forces d’occupation israéliennes à Rafah et dans d’autres secteurs de Gaza et de la Cisjordanie m’inquiètent vivement.
- Rachel
- quelques instants avant son assassinat par le "Bull"
L’armée utilise des bulldozers blindés qui sont fournis par votre compagnie pour détruire des fermes agricoles, des serres, des oliveraies centenaires et des champs agricoles cultivés ainsi que de nombreuses maisons palestiniennes et quelque fois même des vies dont celle de l’activiste de la paix, l’américaine Rachel Corrie.
Je suis très préoccupé par ces actions et par leurs conséquences : l’augmentation des sans abris ainsi que la perte des moyens pour subvenir aux besoins de la population palestinienne qui vont encore aggraver les conditions déjà précaires ainsi que l’accès à la nourriture du peuple palestinien.
Déjà plus de 50% de palestiniens dépendent largement de l’aide alimentaire. D’après les estimations de l’Organisation d’Alimentation et d’Agriculture des Nations Unies datant de juillet 2003, l’insécurité alimentaire est devenue une réalité pour 40% de la population et une inquiétude permanente pour 30 autres % qui sont menacés d’un risque de manque de nourriture si la situation actuelle devait persister.
Le droit à une alimentation adéquate tel qu’il est énoncé dans l’Article 11 de la Convention Internationale sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels entre autres dispositifs des droits humains internationaux est réalisé quand chaque homme, femme et enfant, seul ou faisant partie d’une communauté, a un accès physique et économique à tout moment à une alimentation adéquate ou à des moyens pour s’en procurer.
Les actions des forces d’occupation qui détruisent des maisons, des ressources agricoles et d’eau qui limiteront encore plus les possibilités pour le peuple palestinien d’avoir un accès physique et économique à la nourriture, constitueraient donc une violation du droit à la nourriture.
Alors que seuls les Etats sont partie prenante de la Convention et qu’ils sont donc en fin de compte responsables de sa mise en conformité, tous les membres de la société -les individus, les familles, les communautés locales, les ONG, les organisations de la société civile ainsi que les secteurs d’affaires privés- ont des responsabilités dans la mise en application du droit à une alimentation adéquate.
- Destruction
- avec les "Cater"
Dans ce contexte, il y a également inquiétude en ce qui concerne le fait que le permis de livrer vos bulldozers D-9 et D-10 à l’armée israélienne en passant par le gouvernement des Etats-Unis tout en sachant qu’ils sont utilisés pour de telles actions, pourrait impliquer votre compagnie pour complicité ou acceptation des violations potentielles et actuelles des droits humains, y compris du droit à la nourriture.
En reconnaissant l’engagement de votre compagnie pour une politique de responsabilité sociale, je vous serai très reconnaissant de m’informer quelles mesures urgentes vous envisagez de prendre vis-à-vis des ces problèmes dans les territoires occupés.
Veuillez accepter l’assurance de mes considérations les meilleurs