Association France Palestine Solidarité (AFPS)
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75011 Paris
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Paris, le 27 octobre 2005
à Monsieur le Président de la République Jacques Chirac,
Copie au Premier Ministre M. De Villepin
Et au Ministre des Affaires étrangères M.Douste-Blazy
Monsieur le Président,
La France inscrit sa diplomatie, et tout particulièrement au Proche et au Moyen-Orient, dans le respect et la défense du droit international. Et c’est en ce sens que nous nous adressons à vous aujourd’hui, Monsieur le Président, car deux sociétés françaises vont se trouver en situation de violation du droit international à Jérusalem, menaçant dès lors les perspectives de paix entre Israéliens et Palestiniens. Ce serait là une première, et un fait extrêmement grave.
En effet, deux compagnies françaises, Alstom et Connex, ont été retenues pour participer à un consortium de construction et d’exploitation d’un tramway à Jérusalem. Alstom fournirait les rames, et Connex participerait à l’exploitation.
Or ce projet de tramway, qui doit entrer en service en 2008 -alors même que la « feuille de route » prévoit explicitement l’établissement d’un Etat palestinien indépendant en 2005-, vise à relier la partie occidentale de la ville à deux colonies construites en Cisjordanie aujourd’hui occupée : Pisgat Zeev et French Hill. Son tracé confisquerait en outre des terres appartenant à des Palestiniens.
Un tel projet revient à préempter l’avenir de la ville, à inscrire à nouveau dans les faits accomplis son annexion par Israël. Les dirigeants israéliens, en effet, ne cachent pas leur intention de ne pas négocier l’avenir de la cité, annexée illégalement, et décrétée toute entière capitale de l’Etat d’Israël. La partie palestinienne au contraire considère que la ville doit devenir capitale des deux Etats, avenir qui doit être l’objet de négociations fondées sur le droit international.
La France, tout comme la communauté internationale, se conformant aux obligations du droit international, ne reconnaît évidemment pas l’annexion de Jérusalem et considère Jérusalem-Est comme un territoire occupé. De même qu’elle ne reconnaît aucune légalité aux colonies construites dans les territoires occupés depuis 1967.
La ville est cependant soumise aujourd’hui, comme vous le savez Monsieur le président, à une intense politique de colonisation, dont l’érection d’un réseau de « Murs » est le principal vecteur. Des quartiers entiers de la partie orientale de la ville, partie palestinienne occupée, sont détruits, d’autres divisés, cloisonnés, bouclés par ces murs qui rendent par ailleurs quasi-impossible toute circulation des personnes et des marchandises entre Jérusalem-Est et le reste de la Cisjordanie. Une telle politique non seulement empêche l’accès des Palestiniens non résidents à ce qu’ils considèrent pourtant comme leur capitale politique, administrative, culturelle, cultuelle et sanitaire (hôpitaux), mais il pénalise aussi gravement toute l’économie palestinienne. C’est pour l’ensemble de ces raisons, du reste, que la Cour internationale de Justice, plus haute instance des Nations unies, a rendu le 9 juillet 2004 un avis condamnant la construction du mur, demandant le démantèlement des parties déjà construites et exigeant l’arrêt de sa construction. Un avis adopté par l’Assemblée générale des Nations unies onze jours plus tard, avec le vote des 25 Etats membres de l’Union européenne, dont la France.
Que des entreprises françaises participent à un projet qui enracine les faits accomplis de la colonisation dans et autour de Jérusalem serait non seulement illégal, mais aussi un très mauvais signe donné au peuple palestinien qui attend de notre pays un message de défense du droit.
C’est en ce sens que nous vous demandons aujourd’hui solennellement, Monsieur le Président, d’intervenir résolument pour que des entreprises françaises ne puissent participer à ce projet, qui ne peut que contribuer à ruiner les espoirs de paix dont les deux sociétés, israélienne et palestinienne, ont pourtant cruellement besoin.
Au-delà, il s’agit aussi de tout faire pour favoriser de véritables négociations, fondées sur le droit international, pour que puisse voir le jour la coexistence entre deux Etats indépendants, Israël et Palestine, dans des frontières sûres et reconnues.
Alors pourront s’engager de véritables projets de développement, auxquels les entreprises françaises auront légitimité à coopérer activement.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre plus haute considération.
Bernard Ravenel
Président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS)
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